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11/02/2020 | FRANCE | N°18VE03905

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 11 février 2020, 18VE03905


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2017 du préfet du Val-d'Oise refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par une ordonnance n° 1807006 du 30 octobre 2018, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande comme irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice admin

istrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2017 du préfet du Val-d'Oise refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par une ordonnance n° 1807006 du 30 octobre 2018, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande comme irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2018, Mme A..., représentée par

Me B..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler cette ordonnance ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour temporaire d'un an portant la mention " salariée ", ou à défaut, la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat au profit de Me B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi

n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, en contrepartie de la renonciation de ce dernier à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'ordonnance attaquée a rejeté sa demande comme irrecevable car sa demande avait été faite en conformité avec les dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative ;

- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ;

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en droit et en fait ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa demande ;

- il est entaché d'un vice de procédure tiré de ce que le préfet n'a pas examiné sa demande de régularisation au titre de son activité salariée, comme l'article R. 5221-17 du code du travail lui en donne pourtant la possibilité ;

- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des articles 41 et 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, opposable à l'administration en vertu de l'article 6 du Traité sur l'union européenne et par l'article 6 de la directive 2008/115/CE tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure faute de communication préalable de l'avis de la commission du titre de séjour en temps utile, ce qui lui a interdit de vérifier si ce dernier est suffisamment motivé ; dès lors, elle est fondée à soutenir que cet avis est entaché d'un défaut de motivation ;

- l'arrêté litigieux, outre qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, elle est présente depuis treize ans en France, où réside sa famille, où elle fait preuve d'une véritable volonté d'insertion professionnelle et de liens personnels et familiaux suffisamment intenses, anciens et stables et où elle a exercé antérieurement un emploi déclaré et dont elle comprend la langue ; à cet égard, elle remplit les conditions posées par la circulaire du ministre de l'intérieur du 24 novembre 2009 ;

- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, notamment le 4° de son article 6 ; cet article est invocable dès lors qu'il n'a été transposé que partiellement dans le délai imparti à l'article 20 de la directive lequel expirait le 24 décembre 2010.

Mme A... n'a pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 1er mars 2019, confirmée par une décision du président de la Cour administrative d'appel de Versailles du 17 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 13 septembre 1972, fait appel de l'ordonnance du 30 octobre 2018 par laquelle le président du Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2017 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé son pays de destination.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. (...) ". L'article R. 414-1 du même code dispose :

" Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d'un service public, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article

R. 414-3 du même code, dans leur rédaction applicable au litige : " (...) Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. ".

3. Ces dispositions relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions. A cette fin, elles organisent la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête à partir de leur inventaire détaillé et font obligation à son auteur de les transmettre soit en un fichier unique, chacune d'entre elles devant alors être répertoriée par un signet la désignant, soit en les distinguant chacune par un fichier désigné, l'intitulé des signets ou des fichiers devant être conforme à l'inventaire qui accompagne la requête. Ces dispositions ne font pas obstacle, lorsque l'auteur de la requête entend transmettre un nombre important de pièces jointes constituant une série homogène eu égard à l'objet du litige, telles que des documents visant à établir la résidence en France d'un étranger au cours d'une année donnée, à ce qu'il les fasse parvenir à la juridiction en les regroupant dans un ou plusieurs fichiers sans répertorier individuellement chacune d'elles par un signet, à la condition que le référencement de ces fichiers ainsi que l'ordre de présentation, au sein de chacun d'eux, des pièces qu'ils regroupent soient conformes à l'énumération, figurant à l'inventaire, de toutes les pièces jointes à la requête. En cas de méconnaissance de ces prescriptions, la requête ou le mémoire sont irrecevables si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.

4. Il ressort des pièces du dossier que le conseil de Mme A... a transmis la requête introductive d'instance de celle-ci le 17 juillet 2018 au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par le moyen de l'application dénommée " Télérecours ", conformément aux dispositions précitées de l'article R. 414-1 du code de justice administrative. Cette demande était accompagnée d'un fichier comportant un inventaire des pièces jointes, d'un fichier comportant la décision attaquée et plusieurs autres pièces jointes. Le greffe de ce tribunal a mis à disposition du conseil de Mme A..., au moyen de la même application " Télérecours ", le 19 juillet 2017, une première demande de régularisation, puis une seconde demande de régularisation a été mise à disposition du conseil de Mme A... le 7 août 2017. Ces deux demandes l'invitaient à ajouter les signets ou les intitulés de chaque justificatif à l'intérieur des fichiers justifiant des années de présence. L'ordonnance attaquée, constatant l'absence de réponse à cette demande de régularisation dans le délai de quinze jours à cet effet, a rejeté comme manifestement irrecevable la demande de Mme A....

5. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier, et notamment de l'inventaire produit le 11 août 2018 par le conseil de Mme A..., que ce fichier énumère toutes les pièces, qui sont répertoriées et réunies dans des fichiers composant des séries homogènes de documents, individualisés par un signet comportant un intitulé suffisamment explicite, en suivant le numéro d'ordre indiqué par cet inventaire détaillé. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir, au regard des principes rappelés au point 3. ci-dessus, qu'en rejetant sa demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a entaché d'irrégularité l'ordonnance attaquée et, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen relatif à la régularité de cette ordonnance, à en demander l'annulation.

6. Il y a lieu, dans ces conditions, pour la Cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur l'ensemble des conclusions et moyens présentés par Mme A... tant devant la Cour que devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

7. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article

L. 431-3 ". L'article R. 312-8 du même code dispose : " Devant la commission, l'étranger fait valoir les motifs qu'il invoque à l'appui de sa demande d'octroi ou de renouvellement d'un titre de séjour. Un procès-verbal enregistrant ses explications est transmis au préfet avec l'avis motivé de la commission. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé ".

8. Mme A..., dont il n'est pas contesté que la demande de titre de séjour, en l'espèce, ne pouvait être rejetée sans l'avis préalable de la commission du titre de séjour, soutient que l'avis de la commission du titre de séjour pris à son encontre et dont elle n'aurait eu communication que du dispositif, est entaché d'un défaut de motivation. Faute pour le préfet du Val-d'Oise, en dépit de la mesure d'instruction qui lui a été notifiée en ce sens par la Cour, de produire la copie de l'avis de cette commission et de justifier, ainsi, du caractère suffisant de sa motivation, la requérante est fondée à soutenir que l'arrêté litigieux est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière et, pour ce motif, à en demander l'annulation.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 18 octobre 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A... :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".

11. Eu égard au moyen d'annulation retenu au point 5., le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet du Val-d'Oise de prendre à nouveau une décision sur la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par Mme A..., après une nouvelle instruction, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu en l'espèce s'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B..., avocat de Mme A..., d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1807006 du président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 30 octobre 2018 est annulée.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 18 octobre 2017 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me B..., avocat de Mme A..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

N° 18VE03905 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03905
Date de la décision : 11/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : NUNES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-11;18ve03905 ?
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