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22/06/2020 | FRANCE | N°19VE00576

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 22 juin 2020, 19VE00576


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 15 mai 2017 par lequel le préfet du Val-d'Oise a ordonné son expulsion du territoire français ainsi que sa reconduite à destination de son pays d'origine et a prononcé le retrait de son titre de séjour.

Par un jugement n° 1706372 du 21 décembre 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2019, M.

C..., représenté par Me A..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 15 mai 2017 par lequel le préfet du Val-d'Oise a ordonné son expulsion du territoire français ainsi que sa reconduite à destination de son pays d'origine et a prononcé le retrait de son titre de séjour.

Par un jugement n° 1706372 du 21 décembre 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2019, M. C..., représenté par Me A..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est entaché d'insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace grave à l'ordre public ;

- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnait les stipulations des articles 3-1, 9-1 et 9-3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale dès lors qu'elle se fonde sur la décision portant mesure d'expulsion qui est elle-même illégale ;

- la décision portant retrait de son titre de séjour est dépourvue de base légale dès lors que l'arrêté litigieux mentionne l'article L. 311-14 au lieu de l'article R. 311-14.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- les articles 7 et 12 de l'ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

En application de l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, les parties ont été régulièrement informées de la tenue d'une audience partiellement dématérialisée.

A été entendu au cours de l'audience publique:

- le rapporteur de M. Beaujard, président.

- et les observations de Me A..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... relève appel du jugement du 21 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2017 par lequel le préfet du Val-d'Oise a ordonné son expulsion du territoire français ainsi que sa reconduite à destination de son pays d'origine et a prononcé le retrait de son titre de séjour.

2. En premier lieu, la décision attaquée, après avoir visé l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables, énumère et détaille les infractions commises par M. C... et indique, notamment, qu'en raison de l'ensemble de son comportement, sa présence sur le territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public et qu'eu égard à la gravité de cette menace, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, la décision est suffisamment motivée.

3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ". Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

4. Il est constant que M. C... a fait l'objet de plusieurs condamnations, notamment d'une peine de 3 mois avec sursis pour port prohibé d'armes prononcée par le Tribunal correctionnel de Pontoise le 23 janvier 2006, d'une peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis pour violence aggravée prononcée par le même tribunal le 3 décembre 2007, d'une peine de 4 mois avec sursis pour faits de violence sur sa compagne prononcée par le même Tribunal le 9 janvier 2008 et d'une peine de 8 mois d'emprisonnement dont 5 assortis d'un sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans pour menaces de mort réitérées par le même tribunal le 21 mai 2008. Enfin, M. C... a été condamné par la Cour d'appel de Versailles, le 5 janvier 2016, sur appel d'une condamnation prononcée par le Tribunal correctionnel de Pontoise, à une peine 2 ans et 6 mois d'emprisonnement pour violences aggravées par deux circonstances. A cet égard, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles fait état de la particulière gravité de ces faits de violence, commis avec un couteau, qui ont occasionné de sérieuses blessures à la victime, dans un lieu de transport de voyageurs en présence des jeunes enfants des parties civiles ainsi que l'absence de prise de conscience par l'intéressé de la gravité des faits reprochés.

5. D'une part, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet du Val-d'Oise a pris en compte la situation personnelle, familiale et professionnelle du requérant, estimant que la présence de ce dernier sur le territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public en raison de l'ensemble de son comportement et qu'eu égard à la gravité de cette menace, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les infractions qui ont valu à M. C... ces condamnations sont de gravité croissante et qu'il a ainsi purgé une peine d'emprisonnement ferme d'une durée de 17 mois à compter du 31 août 2015. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé utilise des identités différentes à titre dilatoire dans le but de se soustraire aux décisions de justice. S'il se prévaut d'avoir suivi des soins liés à son addiction à l'alcool, il ne produit qu'une convocation à un rendez-vous, un certificat médical établi à sa demande par un psychiatre qui l'a suivi d'avril à novembre 2016 ainsi qu'un certificat médical peu circonstancié établi le 5 mai 2017 sans justifier du suivi du requérant par ce médecin. Eu égard à ces éléments et au caractère grave et répété des infractions pour lesquelles M. C... a été condamné, celui-ci n'est pas fondé, nonobstant les efforts de réinsertion qu'il allègue avoir engagés, à soutenir que le préfet du Val-d'Oise aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. M. C..., né, le 26 juin 1967, au Cap-Vert, fait valoir à nouveau en appel qu'il réside en France depuis son entrée sur le territoire courant 2000, qu'il partage la vie, depuis 16 ans, d'une compatriote titulaire d'une carte de résident avec laquelle il a eu deux enfants nées en 2001 et 2004, qu'il est également père d'un enfant désormais majeur, né d'une précédente union, qui vit en France et avec lequel il entretient des relations régulières et que le centre de ses relations familiales ne se trouve plus au Cap-Vert, où il ne dispose plus d'attaches familiales. S'il allègue justifier d'une activité professionnelle stable, il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, que son insertion professionnelle n'est pas constante depuis son arrivée en France dès lors qu'il ne justifie d'aucun emploi entre septembre 2008 et juillet 2011, soit pendant près de trois ans et, d'autre part, que les deux promesses d'embauche pour des emplois de maçons dans le cadre de contrats à durée indéterminée qu'il se borne à produire, dont la seconde est d'ailleurs postérieure à l'arrêté litigieux, ne suffisent pas à établir une insertion professionnelle stable et continue depuis sa sortie de prison. Le requérant ne produit aucun document de nature à établir l'intensité de sa vie privée et familiale en France avec sa compagne et ses filles, notamment sa contribution à l'éducation et à l'entretien de ces dernières. En se bornant à produire des attestations manuscrites rédigées par la mère des enfants et des membres de sa famille, il n'établit pas participer de manière habituelle à l'entretien et à l'éducation de ses enfants et n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il entretient des liens avec son fils ainé. Par ailleurs, si son père et ses soeurs vivent en France en situation régulière, il ne justifie pas qu'il est dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans et dont est originaire sa compagne. Eu égard à ces éléments et compte tenu de la gravité croissante des faits successifs pour lesquels le requérant a été condamné, qui ont concerné notamment des faits de violence sur sa compagne, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elle a été édictée. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. Aux termes du paragraphe 1er de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 7, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges qui ont retenu à bon droit que, eu égard aux circonstances de l'espèce, et dès lors que le requérant a été séparé de ses enfants du fait de sa dernière condamnation pénale, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations précitées.

10. Les stipulations de l'article 9 de la convention sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990 créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés. Par suite, M. C... ne peut dès lors s'en prévaloir pour demander l'annulation de l'arrêté attaqué.

11. Le requérant n'établit pas que la décision portant expulsion serait entachée d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi à raison de cette prétendue illégalité.

12. Si l'article 3 de l'arrêté contesté mentionne, à tort, le 5° de l'article L. 311-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que c'est le 5° de l'article R. 311-14 du même code qui aurait dû être visé, cette erreur de plume, reconnue par le préfet du Val-d'Oise en première instance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ainsi que l'ont retenu les premiers juges. Le moyen tiré du défaut de base légale de la décision de retrait de titre doit donc être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de CergyPontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

N° 19VE00576 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00576
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Patrice BEAUJARD
Rapporteur public ?: Mme MERY
Avocat(s) : SUDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-22;19ve00576 ?
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