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24/06/2020 | FRANCE | N°19VE00929

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 24 juin 2020, 19VE00929


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1900742 du 25 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2019, Mme C...

, représentée par Me B..., avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1900742 du 25 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2019, Mme C..., représentée par Me B..., avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de cinquante euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, Me B..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette décision a été prise au terme d'une procédure conduite en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu et de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ;

- cette décision repose sur des faits matériellement inexacts ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Illouz, conseiller,

- et les observations de Me B..., représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante russe, née le 29 octobre 1999, entrée en France en 2010, a présenté une demande d'asile le 19 avril 2018. La reconnaissance du statut de réfugié lui a été refusée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 août 2018, que l'intéressée n'a pas contesté devant la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 3 janvier 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Mme C... fait régulièrement appel du jugement du 25 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., arrivée en France le 21 septembre 2010 alors qu'elle n'était âgée que de dix ans, vivait à la date de l'arrêté attaqué avec sa mère, titulaire d'une carte de séjour temporaire en cours de validité, et sa fratrie composée de frères et soeurs alors mineurs. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressée entretient une relation de nature conjugale avec un compatriote, qui était titulaire d'un récépissé de renouvellement d'une carte de séjour temporaire à la date de la décision en litige, ce couple ayant eu un enfant né un an auparavant. Son compagnon atteste de la poursuite de cette relation à la date de l'arrêté attaqué et précise que l'absence de communauté de vie ne résulte que de la seule insuffisance de moyens matériels des deux parents du jeune enfant. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en obligeant Mme C... à quitter le territoire français, a, dans les circonstances de l'espèce, porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise.

4. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 janvier 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, ainsi que, par voie de conséquence, de celle fixant le pays de destination prise sur son fondement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt implique nécessairement, comme la requérante le sollicite, que l'administration examine à nouveau, conformément aux motifs énoncés au point 3 du présent arrêt, la situation administrative de Mme C..., et lui délivre, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer cette situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de délivrer à l'intéressée, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1900742 du 25 février 2019 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 3 janvier 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme C..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de la munir, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me B..., avocat de Mme C..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

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N° 19VE00929


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00929
Date de la décision : 24/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : DE CLERCK

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-24;19ve00929 ?
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