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26/06/2020 | FRANCE | N°18VE02510

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 26 juin 2020, 18VE02510


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du président du conseil départemental des Hauts-de-Seine du 12 avril 2016 lui a infligeant un blâme, et de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1605559 du 22 mai 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :


Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 22 juillet 2018 et le

10...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du président du conseil départemental des Hauts-de-Seine du 12 avril 2016 lui a infligeant un blâme, et de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1605559 du 22 mai 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 22 juillet 2018 et le

10 juin 2020, Mme C..., représentée par Me D..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cette décision ;

3° de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que la minute n'est pas signée, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur dans la qualification juridique des faits ;

- la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que le courrier du 28 janvier 2016 est imprécis et ne comporte ni objet ni ordre du jour ; il n'indique pas qu'il s'inscrit dans le cadre d'une procédure disciplinaire et qu'elle dispose du droit de consulter son dossier et d'être assistée par un avocat ;

- la sanction qui lui a été infligée est injustifiée, dès lors qu'elle fait suite à son refus légitime d'obéir à une mise en demeure de rejoindre une nouvelle affectation qui était illégale ;

- en outre, la mise en demeure d'occuper son nouveau poste résultant du courrier du

23 septembre 2015 a été décidée en méconnaissance des dispositions des articles 14 et 41 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- aucun arrêté d'affectation ne lui a été de surcroît adressé ;

- la décision du 23 septembre 2015 porte entraîne une perte de responsabilité et de rémunération ; elle ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur ;

- elle constitue une sanction déguisée ; l'intention de la sanctionner est manifeste ; cette décision porte atteinte à sa situation professionnelle.

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Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., pour Mme C..., et celles de Me E..., substituant Me A..., pour le département des Hauts-de-Seine.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., née le 9 mars 1968, est adjoint administratif titulaire au sein des services du département des Hauts-de-Seine. Elle a exercé les fonctions de secrétaire du chef du service " accueil-huissiers " de la direction de la logistique et des moyens communs. Par un courrier daté du 23 septembre 2015, le directeur général adjoint du pôle ressources humaines et financières du département des Hauts-de-Seine l'a mise en demeure d'occuper, à compter du

15 octobre suivant, les fonctions de secrétaire du chef de l'unité sécurité incendie.

Mme C... ayant refusé ce changement d'affectation en dépit de deux nouvelles mises en demeure le 7 décembre 2015 et le 28 janvier 2016, le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine lui a infligé un blâme par l'arrêté contesté du 12 avril 2016. Mme C... relève appel du jugement du 22 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier de l'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement méconnaîtrait les dispositions précitées de cet article manque en fait et doit être écarté.

4. En second lieu, si Mme C... soutient que les premiers juges ont commis une erreur dans la qualification juridique des faits, ainsi qu'une erreur de droit, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le Tribunal administratif, ne sont pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.

Au fond :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'a présenté en première instance que des moyens de légalité interne contre la décision qu'elle conteste. Par suite, elle n'est pas recevable, en appel, à soutenir que cette décision aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, reposant sur une cause juridique différente de celle dont relèvent ses moyens de première instance.

6. En second lieu, aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. (...) ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : (...) le blâme ; (...) Parmi les sanctions du premier groupe, seuls le blâme et l'exclusion temporaire de fonctions sont inscrits au dossier du fonctionnaire. Ils sont effacés automatiquement au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période (...) ".

7. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été prise au motif que

Mme C... a manqué à son devoir d'obéissance hiérarchique en refusant de rejoindre sa nouvelle affectation, à savoir secrétaire du chef de l'unité sécurité incendie, malgré trois mises en demeure en ce sens les 23 septembre 2015, 7 décembre 2015 et 28 janvier 2016.

9. Mme C... soutient que la sanction qui lui a été infligée est injustifiée, dès lors qu'elle fait suite à son refus légitime d'obéir à une mise en demeure de rejoindre une nouvelle affectation qui ne constituait pas une mesure d'ordre intérieur mais une sanction déguisée, laquelle se caractérisait par une perte de responsabilités et de rémunération. Elle fait en particulier valoir qu'elle exerçait jusqu'alors les fonctions de secrétaire du chef du service des huissiers, mais également celles de secrétaire du directeur de la logistique et des moyens communs.

10. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu de son évaluation au titre de l'année 2010 signé par le chef du service des huissiers, que

Mme C... n'assurait qu'un " appui ponctuel [au] secrétariat du directeur ". En outre, sa fiche de poste, établie le 1er juillet 2011, ne mentionne que le secrétariat administratif du service des huissiers. En outre, il ne ressort pas des organigrammes versés au dossier que Mme C... aurait assuré en permanence les fonctions de secrétaire du directeur de la logistique et des moyens communs. Par ailleurs, si Mme C... produit deux attestations établies les 6 et 8 juin 2020 par deux agents du département des Hauts-de-Seine, lesquels déclarent qu'elle assurait de manière permanente les fonctions de secrétaire du directeur de la logistique et des moyens communs, ces documents, postérieurs au jugement attaqué, sont insuffisamment probants. Il ressort au contraire d'une note du directeur des moyens communs du 8 décembre 2011 que celui-ci s'opposait à ce que la requérante, compte tenu de son comportement, occupe comme elle le demandait les fonctions en question. Ainsi, la mesure contestée du 23 septembre 2015 n'est en tout état de cause pas entachée d'erreur de fait en ce qui concerne la nature des fonctions exercées jusque là par Mme C.... Par ailleurs, il ne ressort ni de la fiche de poste de secrétaire du chef du service de la sécurité incendie, mise à jour le 4 août 2015, ni des autres pièces du dossier, en particulier d'un courrier d'une organisation syndicale du 10 novembre 2015, que les nouvelles fonctions confiées à Mme C... ont emporté une quelconque perte de responsabilités ou une dégradation de ses conditions de travail résultant notamment de ce qu'elle aurait été mise en demeure de s'installer dans un bureau ne comportant pas l'équipement nécessaire ou que ce bureau n'aurait pas présenté des garanties d'hygiène et de sécurité suffisantes.

11. En outre, si la requérante soutient que son changement d'affectation s'est traduit par une baisse de ses revenus, les bulletins de paie des mois de novembre et décembre 2016 qu'elle produit sont de nature à établir qu'elle a conservé après sa nouvelle affectation son traitement indiciaire ainsi que l'ensemble des indemnités, en particulier la nouvelle bonification indiciaire, qu'elle percevait antérieurement. D'ailleurs, sa rémunération nette au titre du mois de décembre 2016 est supérieure à celle qu'elle a perçue au titre des mois de novembre 2014 et mai 2015. Si Mme C... produit également des bulletins de paie de 2018 sur lesquels ces indemnités ne figurent plus, cette situation est en tout état de cause postérieure de près de trois années par rapport à la mesure en litige et n'est pas de nature à établir que cette dernière a entraîné une baisse de sa rémunération.

12. Dans ces conditions, le courrier contesté, qui n'a pas porté atteinte aux droits et prérogatives statutaires de Mme C... et à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, n'a emporté aucune perte de responsabilités ou de rémunération, et ne traduit aucune discrimination, constitue une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours.

13. Alors même qu'il indique que tout refus d'obéissance sera susceptible de faire l'objet d'une sanction disciplinaire, qu'une nouvelle mise en demeure lui a été adressée par un courrier du 7 décembre 2015 et qu'un blâme a finalement été prononcé à son encontre par l'arrêté contesté du président du conseil départemental des Hauts-de-Seine du 12 avril 2016, cette mise en demeure ne traduit pas l'intention de l'administration de la sanctionner et ne porte pas atteinte, ainsi qu'il a été dit précédemment, à sa situation professionnelle. Il ressort d'ailleurs des termes d'un courrier de l'administration du 7 août 2015, dont les termes ne sont pas sérieusement contestés, que le poste occupé jusque là par Mme C... ne répondait plus à un besoin du département. Dès lors, la mesure litigieuse ne constitue pas une sanction déguisée.

14. Cette mesure n'étant pas susceptible de recours, il n'y a pas lieu de répondre aux moyens tirés de ce que Mme C... a été mise en demeure d'occuper un poste dont la vacance n'a fait l'objet d'aucune mesure de publicité en méconnaissance des dispositions des articles 14 et 41 de la loi du 26 janvier 1984, et de ce qu'elle n'a reçu aucun arrêté d'affectation.

15. Dans ces conditions, et contrairement aux allégations de la requérante, son changement d'affectation, qui doit être regardé comme une mesure d'ordre intérieur, ne constitue pas une sanction déguisée et n'est manifestement pas illégal ou de nature à compromettre gravement un intérêt public. Par suite, l'intéressée ayant refusé sans motif valable de rejoindre sa nouvelle affectation, l'administration a pu, sans commettre d'erreur, lui infliger un blâme, sanction qui n'apparaît pas disproportionnée compte tenu des éléments exposés précédemment.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce point par Mme C..., partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le département des Hauts-de-Seine sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département des Hauts-de-Seine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 18VE02510 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02510
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs. Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : MENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-26;18ve02510 ?
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