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02/07/2020 | FRANCE | N°19VE00924

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 02 juillet 2020, 19VE00924


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... A... C...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... A... C..., ressortissant algérien, né le 16 décembre 1999, entré pour la dernière fois en France le 5 juillet 2016, sous couvert d'un visa de tourisme, a fait l'objet, par arrêté du préfet du Val-d'Oise du 11 décembre 2018 d'une obligation de quitter sans délai le territoire fraçais, assortie d'une décision fixant le pays à destination duquel il était susceptible d'être renvoyé et d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet du Val-d'Oise fait appel du jugement du 15 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté en litige, le premier juge a estimé que, du fait de la situation particulière de M. A... C..., qui vit depuis 2016 aux côtés de sa mère, titulaire d'un certificat de résidence algérien, et de son beau-père, de nationalité française, et qui a entamé une formation en vue d'obtenir un baccalauréat professionnel en prothèse dentaire, le préfet du Val-d'Oise avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, M. A... C... se borne à produire des pièces établissant son inscription à l'académie d'art dentaire Isabelle Dutel au titre des seules années scolaires 2016-2017 et 2018-2019. Il ne produit aucune pièce de nature à établir l'intensité, la stabilité et l'ancienneté de ses liens en France, où il résidait depuis moins d'un an et demi à la date de l'arrêté en litige. En outre, il ressort des pièces du dossier que la mère du requérant s'est installée en France dès 2013 et que son père et son frère résident toujours en Algérie, pays dans lequel il a lui-même vécu la majeure partie de sa vie. S'il soutient avoir été abandonné par son père dès sa naissance à la suite du divorce de ses parents, ces éléments sont contredits par les pièces du dossier, en particulier la copie du jugement de divorce de ses parents qui accorde, notamment, un droit de visite à son père les jeudi, vendredi, les jours fériés et de fêtes religieuse et nationale. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet du Val-d'Oise aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé son arrêté du 11 décembre 2018.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, le préfet du Val-d'Oise a, par un arrêté n° 18-023 du 23 mars 2018, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'État dans ce département, donné délégation à Mme D... E..., chef du bureau du contentieux des étrangers, à l'effet de signer, notamment, les obligations de quitter le territoire français et les décisions fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait.

6. En deuxième lieu, la décision attaquée rappelle que M. A... C... s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la validité de son visa, qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement, qui avait été prononcée par le préfet de la Seine-Saint-Denis le 23 juin 2017 et mentionne que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille. Dès lors, la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Par suite, les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui ont remplacé les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, dont se prévaut le requérant, ne saurait être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié : " [...] Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : [...] 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus [...] ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. A... C... n'établit pas l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié doit être écarté.

10. En quatrième et dernier lieu, pour les motifs exposés au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. A... C.... Ce moyen doit, dès lors, être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, pour les motifs rappelés au point 5, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait.

12. En second lieu, l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

13. La décision attaquée, qui vise les textes sur lesquels le préfet s'est fondé, en particulier le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique, en outre, la nationalité de l'intéressé, et comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Si le requérant soutient que la décision n'est pas motivée au regard de sa situation familiale, il ressort des termes mêmes de celle-ci, qu'il est indiqué que M. A... C... est célibataire et sans charge de famille. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français [...] lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. [...] La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III [...] sont décidés [...] en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

15. Conformément à ces dispositions, le préfet, qui a visé le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas retenu l'existence de circonstances humanitaires, a assorti l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ, d'une interdiction de retour sur le territoire français. Pour en fixer la durée à un an, le préfet a retenu l'irrégularité et la brièveté du séjour de M. A... C..., le fait qu'il est célibataire et sans charge de famille, et le fait qu'il s'est volontairement soustrait à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire français prise le 23 juin 2017 par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Une telle motivation, alors même qu'elle ne se prononce pas sur le fait de savoir si la présence de l'intéressé sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public, est conforme aux dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an, doit être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, M. A... C... n'établit pas l'intensité, la stabilité et l'ancienneté de ses liens en France. Il se borne, au demeurant, à produire des éléments justifiant de ses inscriptions au titre des années 2016-2017 et 2018-2019, sans toutefois attester de la réalité et du sérieux des études suivis, ni établir qu'il aurait tenté de régulariser sa situation suite à son entrée sur le territoire français et son inscription à l'académie d'art dentaire. Il ne résulte, dès lors, pas des pièces du dossier que la décision attaquée porterait une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A... C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2018 l'obligeant à quitter le territoire français, fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit, et lui interdisant de rentrer sur le territoire français pendant une durée d'un an, doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1813026 du 15 février 2019 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... C... présentée devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

N° 19VE00924 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00924
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Catherine BOBKO
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : NADER LARBI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-02;19ve00924 ?
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