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29/09/2020 | FRANCE | N°17VE00448

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 29 septembre 2020, 17VE00448


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 11 juin 2013 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal (CHI) de Poissy-Saint-Germain-en-Laye a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 13 mai 2013 de plafonnement de son compte-épargne-temps (CET) à 330 jours, ainsi que la décision du 10 février 2016 ayant pour objet de compenser l'indemnisation du temps de travail additionnel par la répétition prescrite d'une indemnité.

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ar un jugement n° 1304708 du 22 novembre 2016, le Tribunal administratif de Vers...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 11 juin 2013 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal (CHI) de Poissy-Saint-Germain-en-Laye a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 13 mai 2013 de plafonnement de son compte-épargne-temps (CET) à 330 jours, ainsi que la décision du 10 février 2016 ayant pour objet de compenser l'indemnisation du temps de travail additionnel par la répétition prescrite d'une indemnité.

Par un jugement n° 1304708 du 22 novembre 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2017 et des mémoires enregistrés les 21 septembre 2018 et 5 mars 2020, M. E..., représenté par Me D..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision du 11 juin 2013 rejetant son recours gracieux, ensemble le décompte du 13 mai 2013, et la décision du 10 février 2016 en ce qu'elle entend compenser l'indemnisation du temps de travail additionnel par la répétition prescrite d'une indemnité ;

3° d'enjoindre au CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye de rémunérer les 143,5 jours supprimés et non comptabilisés de son CET historique, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ; à défaut d'inscrire les jours supprimés et non comptabilisés sur le CET pérenne ;

4° de mettre à la charge du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que de la somme de 35 euros en remboursement du timbre fiscal.

M. E... soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il souffre d'une omission à statuer d'une part, sur le moyen, opérant, de l'illégalité de la décision du 11 juin 2013 en ce qu'elle retire une décision créatrice de droit, d'autre part, sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du

10 février 2016 ;

- le jugement attaqué est également irrégulier en ce qu'il a rejeté à tort comme irrecevable ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 février 2016, sur le fondement de l'absence de caractère décisoire de celle-ci ;

- la décision du 11 juin 2013 était insuffisamment motivée ;

- les premiers juges ont commis une dénaturation des faits de l'espèce en retenant qu'il avait eu le choix d'opter pour une certaine indemnisation de ses jours épargnés sur son CET, alors que, selon lui, le calcul des jours épargnés était erroné, la fiche indiquait seulement que le montant maximum de jours pouvant être indemnisés était de 80 jours, et qu'elle n'indiquait pas qu'il pouvait indemniser 80 jours tout en conservant 300 jours sur son CET ;

- la décision du 11 juin 2013 comptabilisant 330 jours sur son CET a retiré illégalement la décision créatrice de droit qui lui faisait bénéficier de 473,5 jours épargnés ;

- le décret n° 2012-1481 méconnaît l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il ne prévoit aucune disposition qui réglemente le solde excédentaire de plus de 330 jours sur le CET des agents de la fonction publique hospitalière, et crée, par conséquent, une discrimination ;

- la règle de la prescription biennale instaurée par l'article 37-1 de la loi n° 2000-321, et le principe de non rétroactivité, proscrivent au CHI de lui retirer le nombre de jours épargnés sur son CET.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 2002-1358 du 18 novembre 2002 portant création d'un compte épargne-temps pour les personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques des établissements publics de santé ;

- le décret n° 2012-1481 du 27 décembre 2012 modifiant certaines dispositions relatives au compte épargne-temps et aux congés annuels des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques des établissements publics de santé ;

- l'arrêté du 27 décembre 2012 pris en application du décret n° 2012-1481 du 27 décembre 2012 modifiant certaines dispositions relatives au compte épargne-temps et aux congés annuels des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques des établissements publics de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- les observations de Me D..., pour M. E..., et celles de Me B... pour le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E... est praticien hospitalier et chef de service au centre hospitalier intercommunal (CHI) de Poissy-Saint-Germain-en-Laye. Depuis 2002, il dispose d'un compte épargne temps (CET), qui était crédité de 413,5 jours au 31 décembre 2010, selon un courrier du 16 juin 2011 du CHI. Le 13 mai 2013, le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye a informé M. E... que 330 jours étaient inscrits sur son CET et l'a invité à utiliser son droit d'option pour les 310 jours excédant le seuil légal de 20 jours. Le 30 mai 2013, M. E... a choisi d'être indemnisé de 80 jours et de maintenir le reste, soit 230 jours, sur son CET. Toutefois, le lendemain, M. E... a contesté par courriel le nombre de 330 jours inscrits sur la fiche d'option, eu égard au solde de son CET au 31 décembre 2010 de 413,5 jours. Par décision du 11 juin 2013, le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye a rejeté son recours gracieux. M. E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de la décision du 11 juin 2013 ainsi que de la lettre du 10 février 2016 du CHI lui proposant une indemnisation de 83,5 jours de temps de travail additionnel. M. E... relève régulièrement appel du jugement du 22 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. E... avait soulevé avec une précision suffisante dans sa requête introductive d'instance devant le Tribunal administratif de Versailles le moyen tiré de ce qu'un acte créateur de droit ne pouvait être retiré par l'autorité administrative

au-delà du délai de recours contentieux. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer et qu'il doit en conséquence être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le Tribunal administratif de Versailles.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la lettre du 10 février 2016 :

4. Il ressort des termes du courrier du 10 février 2016 du directeur des affaires médicales du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye que ce dernier se borne à proposer à M. E... une indemnisation de 83,5 jours de temps de travail additionnel en en précisant les modalités de calcul et à demander à l'intéressé d'indiquer si cette proposition lui agrée. Contrairement à ce que soutient le requérant, ce courrier ne comporte aucun caractère décisoire et n'est donc pas susceptible de recours devant le juge de l'excès de pouvoir. Les conclusions de M. E... tendant à l'annulation de ce courrier sont donc, pour ce motif, irrecevables.

Sur la légalité de la décision du 11 juin 2013 rejetant le recours gracieux de M. E... et du décompte du 13 mai 2013 :

5. Aux termes de l'article R. 6152-802 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 2012 : " Les personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologistes, régis par les dispositions des sections 1 à 6 du présent chapitre bénéficient d'un compte épargne-temps sous réserve des dispositions des articles R. 6152-14 et R. 6152-211 ". Aux termes de l'article R. 6152-803 du même code : " Ce compte permet à son titulaire d'accumuler des droits à congés rémunérés. Il est ouvert à la demande des praticiens concernés qui sont informés annuellement, par le directeur de l'établissement, des droits épargnés. ". Aux termes de l'article R. 6152-808 dudit code : " Le congé pris dans le cadre du compte épargne-temps est assimilé à une période d'activité et rémunéré en tant que tel ".

6. Il résulte de ces dispositions que les jours épargnés sur le CET des agents de la fonction publique hospitalière constitue une forme de rémunération. L'information délivrée annuellement par le directeur de l'établissement relative aux droits à congés rémunérés épargnés par le praticien concerné constitue ainsi une décision créatrice de droit. Antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il était satisfait à une demande du bénéficiaire, une telle décision ne pouvait être retirée par l'administration, si elle était illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a été informé le 16 juin 2011 par la directrice des affaires médicales que le solde de son CET au 31 décembre 2010, établi sur la base des informations portées sur les tableaux mensuels de service, était fixé à 413,5 jours. Le 13 mai 2013, le requérant, dans le cadre des mesures transitoires prévues par le décret du 27 décembre 2012 susvisé, a été informé de ce que le nombre total des jours inscrits sur son CET au 31 décembre 2012 était de 330 et invité à exercer les options prévues par ce décret s'agissant des jours cumulés sur son CET " historique ". Par la décision du 11 juin 2013 rejetant le recours gracieux de M. E..., le directeur du centre hospitalier intercommunal a précisé que, compte tenu des dispositions réglementaires issues du décret du 27 décembre 2012, le nombre de jours inscrits sur son CET ne pouvait excéder 330. Toutefois, dès lors que le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye n'établit pas, ni même n'allègue, qu'une partie des jours inscrits au 31 décembre 2010 aurait été utilisée par l'intéressé au cours des années 2011 et 2012, M. E... est fondé à soutenir que, par la décision litigieuse, l'administration lui a retiré 83,5 jours inscrits sur son CET au-delà du délai qui lui était imparti pour retirer une décision créatrice de droit. La circonstance que le nombre de jours ainsi cumulés au 31 décembre 2010 était illégal compte tenu du plafonnement à 30 jours par an, est sans incidence sur le respect du délai de quatre mois qui était imparti à l'administration pour retirer la décision créatrice de droit du 16 juin 2011. La décision du 11 juin 2013 et le décompte du 13 mai 2013 sont par suite illégaux en tant qu'ils retirent 83,5 jours du CET " historique " de M. E....

8. Ce dernier soutient également que les décisions litigieuses supprimeraient 60 jours non comptabilisés correspondant aux jours qui auraient dû être inscrits sur son CET au titre des années 2011 et 2012. Sur ce point toutefois, les pièces produites par M. E..., y compris dans son mémoire du 5 mars 2020, ne permettent pas d'établir le nombre de jours devant être inscrits sur son CET au titre de ces deux années. Le requérant n'est par suite pas fondé à soutenir que les décisions litigieuses de 2013 auraient illégalement supprimé 60 jours de son CET. Dans ces conditions, les moyens soulevés par M. E... à l'encontre d'une telle suppression de jours non comptabilisés doivent être écartés comme inopérants.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... est fondé à demander l'annulation de la décision du 11 juin 2013, ensemble le décompte du 13 mai 2013, en tant que ces décisions retirent 83,5 jours inscrits sur son CET.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. L'annulation partielle des décisions litigieuses implique seulement qu'il soit enjoint au centre hospitalier intercommunal d'inscrire au CET " historique " de M. E... 83,5 jours de congés supplémentaires.

11. En l'absence de toute condamnation pécuniaire du CHI, les conclusions de M. E... tenant au versement d'intérêts et à la capitalisation desdits intérêts ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant au remboursement de la contribution pour l'aide juridique acquittée en première instance :

12. Il y a lieu de mettre à la charge du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye le remboursement de la contribution pour l'aide juridique alors prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts acquittée par M. E... au titre de la procédure de première instance.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens. En revanche, M. E... n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1304708 du 22 novembre 2016 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La décision du 11 juin 2013 du directeur du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et la décision du 13 mai 2013 informant M. E... du nombre de jours inscrits sur son CET au 31 décembre 2012 sont annulées en tant qu'elles lui retirent 83,5 jours.

Article 3 : Il est enjoint au CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye d'inscrire au CET " historique " de M. E... 83,5 jours supplémentaires.

Article 4 : La contribution pour l'aide juridique de 35 euros acquittée par M. E... est mise à la charge du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye.

Article 5 : Le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye versera à M. E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande de M. E... est rejeté.

Article 7 : Les conclusions présentées par le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 17VE00448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00448
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - classification - Actes individuels ou collectifs - Actes créateurs de droits.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SELARL PAREYDT-GOHON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-09-29;17ve00448 ?
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