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10/11/2020 | FRANCE | N°19VE01815

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 10 novembre 2020, 19VE01815


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 11 juin 2018 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à se présenter en préfecture avec les pièces justifiant ses diligences dans la préparation de son départ volontaire et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, ainsi qu'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie pri

vée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 11 juin 2018 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à se présenter en préfecture avec les pièces justifiant ses diligences dans la préparation de son départ volontaire et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, ainsi qu'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans ce même délai et sous cette même astreinte.

Par un jugement n° 1805130 du 9 novembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2019, Mme B..., représentée par Me Ngafaounain, avocat, demande à la Cour :

1° à titre principal, d'annuler ce jugement et d'enjoindre au préfet, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

2° à titre subsidiaire, d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire et d'enjoindre au préfet de la convoquer en vue du réexamen de sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas obtenu la communication de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sur lequel s'est fondé le préfet pour prendre sa décision ;

- cet avis ne mentionne ni les éléments de procédure, ni la durée prévisible du traitement, ni qu'elle pourrait être soignée dans son pays d'origine, en méconnaissance des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ces manquements l'ont privée d'une garantie et ont été susceptibles d'exercer une influence sur le sens de la décision en litige ;

- cet avis ne pouvait conclure qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de cette même convention et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11, dès lors que le centre de ses intérêts familiaux se trouve désormais en France ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi seront annulées, dès lors que la décision de refus de titre de séjour est illégale.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante centrafricaine, née le 1er janvier 1945, est entrée en France le 30 janvier 2016, sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a sollicité le 31 janvier 2017 son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet des Yvelines a, par un arrêté du 11 juin 2018, rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de se présenter avec les pièces justifiant de ses diligences dans la préparation de son départ volontaire et a fixé le pays de destination. Mme B... relève régulièrement appel du jugement du 9 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines du 11 juin 2018.

Sur la décision portant refus de séjour :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, par un arrêté n° 2018113-0010 du 23 avril 2018 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet des Yvelines a donné délégation à Mme Françoise Tollier, secrétaire générale, en cas d'absence de M. C... D..., sous-préfet, pour signer toutes décisions ou mesures concernant l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des décisions attaquées doit être écarté.

3. En second lieu, la décision attaquée vise notamment les articles 3 et 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales, ainsi que le 11° de l'article L. 313-11 et les articles L. 511-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle rappelle, en particulier, la date et les circonstances de l'entrée sur le territoire français de Mme B..., et mentionne son état de santé. En outre, saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, le préfet des Yvelines a repris à son compte, en le citant, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. [...]. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. [...]. ".

5. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

6. En premier lieu, il ne résulte ni des dispositions précitées ni d'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'avis du collège de médecins doit être transmis à l'intéressée. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Yvelines a transmis cet avis dans le cadre de l'instance.

7. En deuxième lieu, si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège des médecins de l'OFII rendu le 18 mars 2018 précise que Mme B... a été convoquée pour examen au stade de l'élaboration du rapport et il lui a été demandé de justifier son identité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du 18 mars 2018, en ce qu'il n'indique pas les éléments de procédure, doit être écarté.

8. En troisième lieu, si Mme B... se prévaut de l'absence de mention de la durée du traitement dans l'avis rendu par le collège de médecins, cette mention a pour objet de préciser si le demandeur nécessite des soins de longue durée ou non pour l'attribution d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par suite, l'absence d'indication sur la durée du traitement nécessité par Mme B... n'est pas de nature à entacher la régularité de l'avis du collège de médecins de l'OFII, dès lors que le collège a estimé que l'intéressée pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du 18 mars 2018, en ce qu'il n'indique pas la durée prévisible du traitement suivi par Mme B..., doit être écarté.

9. En quatrième lieu, si Mme B... soutient qu'elle ne pourrait disposer d'un traitement approprié à son état dans son pays d'origine, elle ne remet pas sérieusement en cause le bien-fondé de l'appréciation ainsi portée sur ce point par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le préfet des Yvelines en se prévalant de différents rapports de l'association " médecins sans frontières ", qui se bornent à faire état du contexte sanitaire difficile en République Centrafricaine, sans se prononcer sur la situation particulière de l'intéressée. De même, les certificats médicaux produits par cette-dernière ne justifient ni d'une évolution particulièrement défavorable de sa pathologie, ni de l'impossibilité pour elle de recevoir la prise en charge que nécessite son état de santé dans son pays d'origine. Enfin, la seule circonstance que Mme B... percevrait une pension alimentaire de son fils, à la supposer fondée, est insuffisante à établir qu'elle ne pourrait bénéficier de la prise en charge nécessitée par son état de santé. Dans ces conditions, le préfet des Yvelines, en opposant à la demande de l'intéressée l'existence d'un traitement approprié à son état dans son pays d'origine, n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis, à cet égard d'erreur d'appréciation.

10. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée n'a pas sollicité une carte de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni que le préfet aurait examiné sa demande sur ce fondement. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code précité est inopérant.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Mme B... soutient que le centre de ses intérêts familiaux se trouve désormais en France, dès lors qu'elle est dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine et que son fils, ses cinq enfants et sa belle-fille résident en France. Toutefois, il est constant que l'intéressée a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 71 ans et qu'elle a vécu séparée de son fils pendant près de 20 ans. Dans ces conditions, nonobstant le soutien apporté à ses petits-enfants, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, la décision de refus de titre de séjour opposé à Mme B... ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle doit également être écarté.

13. En septième lieu, si Mme B... allègue qu'elle peut craindre, en cas de retour en République centrafricaine, des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un tel moyen est inopérant à l'égard d'une décision de refus de titre de séjour et ne peut qu'être écarté.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination :

14. Il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen, invoqué par voie d'exception, tiré de l'illégalité de cette décision et présenté à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2018 rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite, doit être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

N° 19VE01815 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01815
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Catherine BOBKO
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : NGAFAOUNAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-10;19ve01815 ?
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