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01/12/2020 | FRANCE | N°18VE00734-18VE00736

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 01 décembre 2020, 18VE00734-18VE00736


Vu les procédures suivantes :

I. Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Drancy a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de déclarer nul et non avenu le jugement n° 1602533 rendu par le tribunal le 24 novembre 2016 et de rejeter les conclusions présentées par M. C... dans le cadre de cette instance.

Par un jugement n° 1700664 du 26 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête n° 18VE00734 enregistrée le 26 février 2018 et un mémoire en réplique en

registré le 3 mai 2019, la commune de Drancy, représentée par Me Peynet, avocat, demande à la C...

Vu les procédures suivantes :

I. Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Drancy a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de déclarer nul et non avenu le jugement n° 1602533 rendu par le tribunal le 24 novembre 2016 et de rejeter les conclusions présentées par M. C... dans le cadre de cette instance.

Par un jugement n° 1700664 du 26 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête n° 18VE00734 enregistrée le 26 février 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 3 mai 2019, la commune de Drancy, représentée par Me Peynet, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de déclarer non avenu le jugement n° 1602533 rendu le 24 novembre 2016 par le Tribunal administratif de Montreuil et de rejeter la demande de M. C... ;

3° de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité justifiant son annulation dès lors qu'il ne comporte pas les signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- sa tierce opposition était recevable, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Montreuil, dès lors qu'elle justifie d'un intérêt lésé ;

- sa tierce opposition est fondée.

..........................................................................................................

II. Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de quatre titres exécutoires émis à son encontre par la commune de Drancy le 13 septembre 2016.

Par un jugement n° 1608628 du 26 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ces quatre titres exécutoires et a accordé à M. C... la décharge du paiement des sommes réclamées à hauteur de 8 694 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête n° 18VE00736 enregistrée le 26 février 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 3 mai 2019, la commune de Drancy, représentée par Me Peynet, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de M. C... ;

3° de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité justifiant son annulation dès lors qu'il ne comporte pas les signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les titres exécutoires litigieux étaient dépourvus de base légale.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coudert,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- et les observations de Me Mascré pour la commune de Drancy.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... C... est propriétaire d'un pavillon, situé 41 rue de Lacordaire à Drancy (Seine-Saint-Denis), composé de onze logements occupés aux fins d'habitation. A la suite d'un rapport du service d'hygiène et de santé de cette commune, le préfet de la Seine-Saint-Denis, par un arrêté n° 15-0488 HI LIH MC en date du 1er février 2016, pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, a mis en demeure M. C... de faire cesser définitivement l'occupation aux fins d'habitation de quatre locaux de son pavillon et de procéder au relogement des occupants de ces locaux dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté. M. C... a contesté le 4 avril 2016 la légalité de cet arrêté devant le Tribunal administratif de Montreuil. Estimant que le propriétaire était défaillant dans son obligation de relogement des occupants des locaux concernés, la commune de Drancy a décidé de s'y substituer et de prendre en charge les dépenses d'hébergement de Mme F... et de sa famille, qui occupaient le local situé au sous-sol, 1ère porte à gauche, du pavillon. La commune a ensuite émis, le 13 septembre 2016, quatre titres exécutoires à l'encontre de M. C..., pour un montant total de 8 694 euros, correspondant à une partie des frais d'hébergement de Mme F... et de sa famille, exposés au titre de la période du 5 février au 30 juin 2016. M. C... a demandé, le 3 novembre 2016, au Tribunal administratif de Montreuil, l'annulation de ces quatre titres exécutoires. Par un jugement n° 1602533 du 24 novembre 2016, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 1er février 2016 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il portait " obligation de reloger Mme F... ainsi que les autres occupants du local situé en sous-sol 1ère porte gauche de l'immeuble du 41 rue Lacordaire à Drancy ". Saisi par la commune de Drancy d'une tierce opposition tendant à ce que ce jugement soit déclaré nul et non avenu, le magistrat désigné a, par un jugement n° 1700664 du 26 décembre 2017 dont la commune relève appel dans l'instance n° 18VE00734, rejeté pour irrecevabilité cette demande. Enfin, par un jugement n° 1608628 du 26 décembre 2017, ce même magistrat a annulé les quatre titres exécutoires émis par la commune à l'encontre de M. C..., pour un montant total de 8 694 euros, et a accordé à ce dernier la décharge du paiement de cette somme. La commune de Drancy relève appel de ce jugement dans l'instance n° 18VE00736.

2. Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le cadre juridique des litiges :

3. Aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. Il peut prescrire, le cas échéant, toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès ou l'usage des locaux aux fins d'habitation, au fur et à mesure de leur évacuation. Les mêmes mesures peuvent être décidées à tout moment par le maire au nom de l'Etat. Ces mesures peuvent faire l'objet d'une exécution d'office. / Les dispositions de l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation sont applicables aux locaux visés par la mise en demeure. La personne qui a mis les locaux à disposition est tenue d'assurer le relogement des occupants dans les conditions prévues par l'article L. 521-3-1 du même code ; à défaut, les dispositions de l'article L. 521-3-2 sont applicables. ". Aux termes de l'article L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable : " Pour l'application du présent chapitre, l'occupant est le titulaire d'un droit réel conférant l'usage, le locataire, le sous-locataire ou l'occupant de bonne foi des locaux à usage d'habitation et de locaux d'hébergement constituant son habitation principale. Le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer le relogement ou l'hébergement des occupants ou de contribuer au coût correspondant dans les conditions prévues à l'article L. 521-3-1 dans les cas suivants : - lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une déclaration d'insalubrité, d'une mise en demeure ou d'une injonction prise en application des articles L. 1331-22 (...) du code de la santé publique, si elle est assortie d'une interdiction d'habiter temporaire ou définitive ou si les travaux nécessaires pour remédier à l'insalubrité rendent temporairement le logement inhabitable ; / (...) ". Aux termes du II de l'article

L. 521-3-1 du même code : " Lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une interdiction définitive d'habiter, ainsi qu'en cas d'évacuation à caractère définitif, le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer le relogement des occupants. Cette obligation est satisfaite par la présentation à l'occupant de l'offre d'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités. (...) / En cas de défaillance du propriétaire ou de l'exploitant, le relogement des occupants est assuré dans les conditions prévues à l'article L. 521-3-2. ". Enfin aux termes de ce dernier article : " (...) / II. - Lorsqu'une déclaration d'insalubrité, une mise en demeure ou une injonction prise sur le fondement des articles L. 1331-22 (...) du code de la santé publique est assortie d'une interdiction temporaire ou définitive d'habiter et que le propriétaire ou l'exploitant n'a pas assuré l'hébergement ou le relogement des occupants, le préfet, ou le maire s'il est délégataire de tout ou partie des réservations de logements en application de l'article L. 441-1, prend les dispositions nécessaires pour héberger ou reloger les occupants (...) / V. - Si la commune assure, de façon occasionnelle ou en application d'une convention passée avec l'Etat, les obligations d'hébergement ou de relogement qui sont faites à celui-ci en cas de défaillance du propriétaire, elle est subrogée dans les droits de l'Etat pour le recouvrement de sa créance. VI. - La créance résultant de la substitution de la collectivité publique aux propriétaires ou exploitants qui ne se conforment pas aux obligations d'hébergement et de relogement qui leur sont faites par le présent article est recouvrée soit comme en matière de contributions directes par la personne publique créancière, soit par l'émission par le maire ou le préfet d'un titre exécutoire au profit de l'organisme ayant assuré l'hébergement ou le relogement. (...) ".

4. Il résulte de l'ensemble des dispositions précitées qu'il appartient en principe au représentant de l'Etat dans le département de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux, de locaux visés à l'article L. 1331-22 du code de la santé publique. A défaut pour le propriétaire d'avoir satisfait à l'obligation de relogement des occupants de bonne foi des locaux concernés, il appartient au préfet, ou au maire s'il est délégataire de tout ou partie des réservations de logements en application de l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation, de prendre les dispositions nécessaires pour héberger ou reloger ces occupants. Par ailleurs, et alors même que son maire ne serait pas délégataire de tout ou partie des réservations de logements, une commune peut, conformément aux dispositions précitées du V de l'article L. 521-3-2 du même code, de façon occasionnelle et même en l'absence de convention passée avec l'Etat, assurer les obligations d'hébergement ou de relogement qui sont faites à l'Etat en cas de défaillance du propriétaire. La commune est alors subrogée dans les droits de l'Etat pour le recouvrement de sa créance et peut, à cette fin, émettre des titres de perception.

Sur la tierce opposition de la commune de Drancy :

5. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision. ".

6. Il résulte de l'instruction que la commune de Drancy, sur le fondement des dispositions précitées du V de l'article L. 521-3-2 du code de la construction et de l'habitation et à défaut pour M. C... d'avoir satisfait à l'obligation de relogement qui lui incombait, a pris les mesures nécessaires pour assurer l'hébergement de Mme F... et de sa famille dont le logement était visé par l'arrêté du 1er février 2016 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Ce faisant, la commune de Drancy était subrogée dans les droits de l'Etat pour le recouvrement de la créance correspondant aux frais d'hébergement ainsi exposés. Dans ces conditions, la commune de Drancy, qui n'a été ni présente, ni régulièrement mise en cause dans l'instance ayant abouti au jugement n° 1602533 du 24 novembre 2016 et qui, en l'absence d'une communauté d'intérêt suffisante, n'y était pas davantage représentée par le préfet de la Seine-Saint-Denis, justifie que ce jugement, en tant qu'il a annulé l'arrêté du 1er février 2016 du préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qu'il portait " obligation de reloger Mme F... ainsi que les autres occupants du local situé en sous-sol 1ère porte gauche de l'immeuble du 41 rue Lacordaire à Drancy " préjudicie à ses droits.

7. Dans ces conditions, la commune de Drancy est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté pour irrecevabilité sa tierce opposition et, par suite, à demander l'annulation pour irrégularité de ce jugement.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le bien-fondé de la tierce opposition présentée par la commune de Drancy devant le Tribunal administratif de Montreuil.

9. Pour annuler partiellement l'arrêté du 1er février 2016 du préfet de la Seine-Saint-Denis par son jugement n° 1602533 du 24 novembre 2016, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a considéré que M. C... était fondé à soutenir qu'il n'était pas tenu d'assurer le relogement de Mme F... et des autres occupants du local concerné dès lors qu'ils l'occupaient sans droit ni titre.

10. S'il résulte de l'instruction que M. C... a produit un certain nombre de courriers ainsi que des plaintes déposées par lui à l'encontre de Mme F..., il est toutefois constant que ces dernières sont postérieures à l'engagement de la procédure ayant conduit à l'édiction de l'arrêté de mise en demeure en litige. Au surplus, si M. C... a indiqué lors de son audition du 11 décembre 2015 que Mme F... occupait illégalement sa cave depuis trois ans, il ne justifie pas avoir engagé antérieurement des procédures en vue de l'expulsion de l'intéressée. Dans ces conditions, les allégations de M. C..., contredites par Mme F... lors de son audition par les services de police le 28 avril 2016, ne permettent pas de considérer que cette dernière n'occupait pas de bonne foi, au sens de l'article L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation, le local situé en sous-sol, 1ère porte gauche, du pavillon dont M. C... est propriétaire.

11. Dans ces conditions, la commune de Drancy est fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Montreuil a accueilli à tort le moyen tiré de ce que M. C... n'était pas tenu d'assurer le relogement de Mme F... et des autres occupants du local concerné.

12. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Montreuil et devant la cour.

13. En premier lieu, la circonstance que l'inspectrice de salubrité de la commune de Drancy a réalisé les visites d'enquête sur place des 2 et 19 novembre 2015 en l'absence de M. C... est sans influence sur la régularité de l'arrêté attaqué dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les occupants présents ces jours-là, dont la liste est indiquée dans le rapport établi par cette inspectrice, se seraient opposés à l'entrée de cet agent. Si M. C... soutient que la venue de l'inspecteur de salubrité aurait été sollicitée par une personne qui occuperait sans droit ni titre le logement en sous-sol, en l'occurrence Mme F..., cette circonstance, au demeurant inexacte ainsi qu'il vient d'être dit, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure ayant conduit à l'édiction de l'arrêté en litige. Il en est de même de la circonstance alléguée que les locataires auraient abusivement utilisé leurs logements dans des conditions de suroccupation.

14. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit, l'arrêté de mise en demeure de faire cesser à titre définitif la mise à disposition du local occupé aux fins d'habitation par Mme F... est fondé sur les dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique. M. C... ne conteste pas que ce local est au nombre des locaux impropres à l'habitation au sens de ces dispositions. Par suite, la circonstance qu'il aurait entrepris des travaux aux fins de rendre habitable ce local est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué et les obligations qu'il comporte pour le propriétaire.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Drancy est fondée à demander que le jugement n° 1602533 du 24 novembre 2016 du Tribunal administratif de Montreuil soit déclaré non avenu en tant que, par son article 1er, il annule l'arrêté du 1er février 2016 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il porte obligation de reloger Mme F... ainsi que les autres occupants du local situé en sous-sol 1ère porte gauche de l'immeuble du 41 rue Lacordaire à Drancy.

Sur la requête n° 18VE00736 :

16. Il résulte de l'instruction que, pour annuler les quatre titres exécutoires émis le 13 septembre 2016 par la commune de Drancy à l'encontre de M. C... en vue du recouvrement de la somme totale de 8 694 euros correspondant aux frais exposés par elle pour assurer l'hébergement de Mme F... et de sa famille au titre de la période du 5 février au 30 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a estimé que l'initiative de la commune ne pouvait pas trouver son fondement légal dans les dispositions des articles L. 521-1 et L. 521-3-2 du code de la construction et de l'habitation et qu'en conséquence la commune, qui ne pouvait pas prétendre être subrogée dans les droits de l'Etat, ne pouvait légalement mettre au débit de M. C... les sommes ainsi exposées.

17. Il résulte cependant des dispositions précitées au point 3 et ainsi qu'il a été dit au point 4 que, conformément aux dispositions du V de l'article L. 521-3-2 du code de la construction et de l'habitation, une commune peut, de façon occasionnelle et même en l'absence de convention passée avec l'Etat, assurer les obligations d'hébergement ou de relogement qui sont faites à l'Etat en cas de défaillance du propriétaire d'un local faisant l'objet d'une mesure d'interdiction temporaire ou définitive d'habiter. La commune est alors subrogée dans les droits de l'Etat pour le recouvrement de sa créance et peut, à cette fin, émettre des titres de perception.

18. Dans ces conditions, la commune de Drancy est fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Montreuil a accueilli à tort le moyen tiré de ce qu'elle ne pouvait pas légalement mettre au débit de M. C... les sommes exposées pour l'hébergement de Mme F....

19. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil et devant la cour.

20. M. C... soutient, en premier lieu, que Mme F... aurait donné à deux reprises sa lettre de départ. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des documents produits par la commune, que certains des occupants du pavillon ont déclaré aux services de police n'avoir jamais rédigé de notification de départ immédiat sans préavis ou avoir rédigé un tel document lors de leur entrée dans les lieux et sans qu'une date y soit apposée. Pour sa part, Mme F... a pu déclarer le 28 avril 2016 que M. C... lui avait demandé " de rédiger un document manuscrit stipulant que je restituais les clés de l'appartement sans préavis et à ma demande, document non daté et non signé ". Elle a précisé ensuite qu'un agent du service d'hygiène et de santé de la commune lui avait présenté " deux documents reprenant les termes que j'avais écrits sur un papier blanc lors de la signature du bail (...). Ces deux documents étaient datés du 31/07/2015 et du 04/02/2016 (...). Les documents sont signés à mon nom mais je n'ai pas rédigé cette signature ". Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que Mme F... avait donné son départ préalablement à l'édiction de l'arrêté litigieux.

21. En second lieu, il résulte de l'instruction que Mme F... avait conclu avec M. C..., le 1er novembre 2013, un contrat de location, pour une durée d'un an, portant sur des locaux situés au 41 rue Lacordaire à Drancy. Par ailleurs la commune justifie dans ses dernières écritures que la caisse d'allocations familiales de Seine-Saint-Denis a versé à un tiers, pour le compte de Mme F..., une allocation de logement d'un montant mensuel de 309,81 euros au titre des mois de novembre et décembre 2015. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient M. C..., l'intéressée avait bien la qualité d'occupant de bonne foi du local sis 41 rue Lacordaire.

22. Ainsi, la commune de Drancy pouvait légalement, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3-2 du code de la construction et de l'habitation, mettre à la charge de M. C..., propriétaire dudit local, le remboursement des frais exposés par elle pour assurer l'hébergement de Mme F... et de sa famille.

23. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que la commune de Drancy est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 1608628 du 26 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les titres exécutoires n° 01859, n° 01860, n° 01861 et n° 01862, émis le 13 septembre 2016, et a déchargé M. C... du paiement des sommes réclamées par ces titres, à hauteur de 8 694 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement à la commune de Drancy d'une somme totale de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle dans les instances n° 18VE00734 et n° 18VE00736 et non compris dans les dépens.

25. La commune de Drancy n'étant pas la partie perdante dans ces deux instances, les conclusions présentées par M. C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent en revanche être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700664 du 26 décembre 2017 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La tierce opposition de la commune de Drancy est admise.

Article 3 : Le jugement n° 1602533 du 24 novembre 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est déclaré non avenu en tant que, par son article 1er, il annule l'arrêté du 1er février 2016 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il porte obligation de reloger Mme F... ainsi que les autres occupants du local situé en sous-sol 1ère porte gauche de l'immeuble du 41 rue Lacordaire à Drancy.

Article 4 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2016 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il porte obligation de reloger Mme F... est rejetée.

Article 5 : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1608628 du 26 décembre 2017 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 6 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil tendant à l'annulation des quatre titres exécutoires émis le 13 septembre 2016 par la commune de Drancy en vue du recouvrement de la somme totale de 8 694 euros est rejetée.

Article 7 : M. C... versera à la commune de Drancy une somme totale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la commune de Drancy présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 9 : Les conclusions présentées en appel par M. C... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Nos 18VE00734-18VE00736 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00734-18VE00736
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Polices spéciales.

Police - Polices spéciales - Police sanitaire (voir aussi : Santé publique).

Procédure - Voies de recours - Tierce-opposition - Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SELARL GOUTAL, ALIBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-01;18ve00734.18ve00736 ?
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