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01/12/2020 | FRANCE | N°18VE01398

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 01 décembre 2020, 18VE01398


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Gonesse à lui verser la somme de 152 430 euros, somme assortie des intérêts de droit à compter du 9 septembre 2016 et de la capitalisation de ces intérêts au 10 septembre 2017, à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise sur la prise en charge de sa grossesse au sein du centre hospitalier de Gonesse.

Par un jugement n° 1610880 du 22 février 2018, le Tribunal admin

istratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Gonesse à lui verser la somme de 152 430 euros, somme assortie des intérêts de droit à compter du 9 septembre 2016 et de la capitalisation de ces intérêts au 10 septembre 2017, à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise sur la prise en charge de sa grossesse au sein du centre hospitalier de Gonesse.

Par un jugement n° 1610880 du 22 février 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 avril 2018 et 18 août 2020, Mme A... D..., représentée par Me Ribeiro, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1610880 du 22 février 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2° à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Gonesse à l'indemniser des préjudices subis à hauteur de 152 430 euros ;

3° de dire que cette somme portera intérêts à compter du 9 septembre 2016, date de sa demande préalable, et seront capitalisés à compter du 10 septembre 2017 ;

4° à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise ;

5° de mettre à la charge du centre hospitalier de Gonesse une somme de 6 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la rupture utérine n'a pas été causée par le placenta accreta mais par un défaut de prise en charge médicale ; le tribunal, face à deux avis médicaux contradictoires, n'était pas en mesure de statuer sans ordonner de nouvelle expertise ;

- le centre hospitalier a commis une faute dans la prise en charge médicale à l'origine de l'hystérectomie dont elle a été victime ;

- cette hystérectomie est à l'origine de différents préjudices dont elle est fondée à solliciter la réparation.

......................................................................................................

Vu les autres pièces.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., alors âgée de 37 ans, s'est présentée le 20 mai 2005 au centre hospitalier de Gonesse dans le cadre du suivi médical de sa troisième grossesse alors qu'elle était au stade de huit semaines d'aménorrhée. L'échographie pratiquée a révélé une grossesse cornuale et, à la suite de cet examen, la patiente est rentrée chez elle informée de la nécessité de faire réaliser un examen de contrôle un mois plus tard. Le 20 juin 2005, la patiente, algique, s'est de nouveau rendue aux urgences. Elle était alors renvoyée chez elle avec une prescription pour lutter contre les nausées. Toujours souffrante, la patiente s'est rendue aux urgences à plusieurs reprises, les 5 et 27 juillet 2005 notamment. Les 23 et 24 août, la patiente a de nouveau consulté pour des douleurs. Le 28 août 2005 enfin, à vingt-deux semaines d'aménorrhée, la patiente était admise aux urgences du centre hospitalier. Au décours de cette prise en charge, la patiente perdait connaissance. Elle était alors transférée au bloc opératoire pour une rupture utérine. A cette occasion, il était constaté que l'activité cardiaque du foetus avait disparu et une hystérectomie était pratiquée en urgence. La patiente est sortie de l'hôpital le 2 septembre 2005. Par un courrier du 9 septembre 2016, Mme D... a sollicité du centre hospitalier de Gonesse l'indemnisation des préjudices qu'elle estime consécutifs à un défaut de prise en charge médicale de sa grossesse. Cette demande a été rejetée par une décision du 22 septembre 2016. Mme D... a alors saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande indemnitaire rejetée par jugement n° 1610880 du 22 février 2018. Mme D... relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ( ...) ".

3. Si, lorsque Mme D... s'est présentée aux urgences du centre hospitalier de Gonesse le 20 mai 2005, une grossesse ectopique car intra utérine mais cornuale (ou angulaire) a été diagnostiquée justifiant un contrôle à un mois, il résulte de l'instruction que les grossesses angulaires peuvent évoluer vers la cavité utérine et donc connaître une évolution favorable. Dans le cas de la patiente toutefois, ainsi que le relève le rapport d'expertise rédigé par les Docteurs Milliez et Archambaudlt, la grossesse était caractérisée par une seconde anomalie, une pathologie du placenta de très haute gravité, un placenta accreta, à savoir un placenta incrusté dans la profondeur du muscle utérin et qui est susceptible de conduire à des hémorragies, parfois " cataclysmiques " lors de la délivrance. Selon le rapport d'expertise, la rupture utérine dont Mme D... a été victime résulte de cette pathologie du placenta dont les racines ont rongé le muscle utérin entrainant une perforation du fond de l'utérus sous l'effet de la pénétration du placenta. Le rapport relève également que le diagnostic de placenta accreta est très difficile à poser, surtout dans les hypothèses où, comme dans le cas de Mme D..., aucune cause favorisante n'a pu être retrouvée dès lors, notamment, qu'il n'existe aucune corrélation entre une grossesse située dans la corne et l'existence d'un placenta accreta. Les experts concluent qu'aucune intervention médicale n'aurait pu éviter le décès de l'enfant car si, idéalement, le diagnostic de placenta accreta avait été évoqué et retenu dans le cas de la patiente, il aurait fallu interrompre, plus tôt encore, la grossesse de Mme D.... De même, les experts concluent au caractère inévitable de l'hystérectomie pratiquée quel qu'ait été le terme d'une intervention médicale plus précoce et, plus encore, dans le cas de Mme D... qui, présentait, le 28 août 2005, une importante hémorragie associée à un état de choc hémodynamique qui n'offraient pas d'autre choix, pour lui sauver la vie, que de procéder à une laparotomie immédiate et à l'ablation sans délai de l'utérus. Si la note d'analyse critique rédigée par le Docteur Forveille, de manière non contradictoire et versée au dossier par la requérante, affirme que la grossesse cornuale et donc d'implantation anormale doit bénéficier d'un traitement précoce dès le diagnostic et ajoute que " le traitement peut être médical ou chirurgical mais consiste toujours en une interruption de la grossesse ", ces dires ne suffisent pas à contredire sérieusement les affirmations des experts qui sont au demeurant corroborées par certains documents médicaux versés au dossier par la requérante elle-même, tels que l'étude menée, en 2006, par les Docteurs Boutten et Debodinance et dédiée au cas d'une grossesse angulaire diagnostiquée à onze semaines d'aménorrhée qui évoque la possibilité d'une régularisation de ces grossesses. Par ailleurs, il n'est pas contesté que le diagnostic de placenta accreta est difficile à poser et que la patiente ne présentait aucune prédisposition à cet égard, et il ne résulte pas de l'instruction que, contrairement à ce qu'indique le rapport des Docteurs Milliez et Archambaudlt, ce diagnostic une fois posé, plusieurs options thérapeutiques alternatives auraient pu se présenter à l'équipe médicale en charge du suivi de la grossesse de Mme D... alors que les études scientifiques qu'elle produit, bien postérieures aux faits à l'origine du litige, et notamment l'étude réalisée en 2014 par les Docteurs Kayem et Keita parue au journal de gynécologie obstétrique et biologie de la reproduction, n'évoque comme seules issues thérapeutiques d'une pathologie telle que le placenta accreta, la tentative de délivrance manuelle lors de l'accouchement, la césarienne hystérectomie et, éventuellement, une tentative de traitement conservateur. Dès lors, les pièces versées au dossier par Mme D... en appel ne permettent pas plus qu'en première instance d'établir l'existence d'une faute dans le diagnostic de sa pathologie ou la prise en charge de sa grossesse au centre hospitalier de Gonesse à l'origine des préjudices qu'elle a subis et susceptible d'engager la responsabilité de ce centre hospitalier à son égard.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée dans toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qui font obstacle à ce qu'une somme soit mise, sur leur fondement, à la charge du centre hospitalier de Gonesse qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... D... est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01398
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : CABINET MOR

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-01;18ve01398 ?
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