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01/12/2020 | FRANCE | N°18VE03221-18VE03243

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 01 décembre 2020, 18VE03221-18VE03243


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... H... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation des décisions de la commune de Drancy mettant à sa charge les frais de relogement des occupants de l'immeuble situé 41 rue Lacordaire, dont il est propriétaire.

Par un jugement n° 1706073 du 19 juillet 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à cette demande en annulant les titres de perception n° 1170 et n° 1173 en date du 25 mai 2017 et en accordant à M. G... la décharge de la somme de 4

819 euros.

Procédures devant la Cour :

I. Sous le n° 18VE03221, par une req...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... H... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation des décisions de la commune de Drancy mettant à sa charge les frais de relogement des occupants de l'immeuble situé 41 rue Lacordaire, dont il est propriétaire.

Par un jugement n° 1706073 du 19 juillet 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à cette demande en annulant les titres de perception n° 1170 et n° 1173 en date du 25 mai 2017 et en accordant à M. G... la décharge de la somme de 4 819 euros.

Procédures devant la Cour :

I. Sous le n° 18VE03221, par une requête enregistrée le 19 septembre 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 15 mars 2019, la commune de Drancy, représentée par Me Peynet, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il annule les titres de perception n° 1170 et n° 1173 en date du 25 mai 2017 ;

2° de rejeter la demande de première instance de M. G... ainsi que son appel incident ;

3° de mettre à la charge de M. G... le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entachée d'une irrégularité justifiant son annulation dès lors qu'il ne comporte pas le visa de la note en délibéré produite par la commune le 18 juillet 2018 ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que M. J... n'était pas un occupant de bonne foi du pavillon appartenant à M. G... à la date de l'évacuation de l'immeuble ; les frais résultant du relogement de M. J... devaient donc être supportés par le propriétaire de l'immeuble, contrairement à ce que le tribunal a jugé.

..........................................................................................................

II. Sous le n° 18VE03243, par une requête enregistrée le 20 septembre 2018 M. I... G..., représenté par Me Yacoub, avocat, demande à la Cour :

1° d'infirmer ce jugement ;

2° d'annuler les titres de perception nos 1167, 1168, 1169, 1170, 1171, 1172, 1173 et 1174 ;

3° de mettre à la charge de la commune de Drancy le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les frais de relogement mis à sa charge par la commune de Drancy concernent des occupants sans droit ni titre et qu'il n'avait donc pas à supporter ces frais.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coudert,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- et les observations de Me Mascré pour la commune de Drancy.

Considérant ce qui suit :

1. M. I... G... est propriétaire d'un pavillon, situé 41 rue de Lacordaire à Drancy (Seine-Saint-Denis), composé de onze logements occupés aux fins d'habitation. A la suite d'une visite de ce pavillon par le service communal d'hygiène et santé, le 25 novembre 2016, la commune de Drancy a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de désigner un expert afin de décrire les désordres affectant le pavillon et de proposer des mesures pour assurer la sécurité des occupants en cas de danger immédiat. Le rapport d'expertise ayant conclu à un péril grave et imminent pour la sécurité des occupants, le maire de la commune de Drancy a, le 29 novembre 2016, sur le fondement de l'article L. 129-3 du code de la construction et de l'habitation, pris un arrêté enjoignant à M. G..., dans un délai de 48 heures, de procéder notamment à l'évacuation de l'ensemble des occupants de l'immeuble. Le 2 décembre 2016, l'intéressé s'étant abstenu d'exécuter son arrêté, la commune y a procédé d'office. Le pavillon de la rue Lacordaire a ainsi été évacué et la commune a pris en charge l'hébergement des occupants du pavillon. Elle a en conséquence émis, le 25 mai 2017, huit titres exécutoires à l'encontre de M. G..., d'un montant total de 19 276 euros, correspondant aux frais supportés par elle pour le relogement durant les mois de mars et avril 2017 de quatre familles qui occupaient cette habitation. Par un jugement n° 1706073 du 19 juillet 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les titres de perception nos 1170 et 1173 relatifs aux frais exposés par la commune pour le relogement de M. J... et a rejeté le surplus de la demande de M. G.... Par les requêtes susvisées, la commune de Drancy et M. G... relèvent appel, chacun en ce qui le concerne, de ce jugement.

2. Les requêtes de la commune de Drancy et de M. I... G... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 129-1 du code de la construction et de l'habitation : " Lorsque, du fait de la carence du ou des propriétaires, des équipements communs d'un immeuble collectif à usage principal d'habitation présentent un fonctionnement défectueux ou un défaut d'entretien de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou à compromettre gravement leurs conditions d'habitation, le maire peut, par arrêté, prescrire leur remise en état de fonctionnement ou leur remplacement, en fixant le délai imparti pour l'exécution de ces mesures. / (...) / En cas d'urgence ou de menace grave et imminente, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce danger, dans les conditions prévues à l'article L. 129-3. ". Aux termes de l'article L. 129-3 du même code : " En cas d'urgence ou de menace grave et imminente, le maire, après en avoir informé les personnes visées au deuxième alinéa de l'article L. 129-1, selon les modalités prévues à cet article, demande à la juridiction administrative de désigner un expert chargé d'examiner l'état des équipements communs dans un délai de vingt-quatre heures suivant sa désignation et de proposer des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du danger s'il la constate. / Si le rapport de l'expert constate l'urgence ou la menace grave et imminente, le maire ordonne les mesures provisoires permettant de garantir la sécurité des occupants et, si nécessaire, l'évacuation de l'immeuble. / Lorsque l'évacuation a été ordonnée par le maire, le propriétaire est tenu d'assurer l'hébergement provisoire des occupants, dans les conditions prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-3-1. L'article L. 521-3-2 est applicable. / Dans le cas où ces mesures provisoires ne sont pas exécutées dans le délai imparti par l'arrêté, le maire peut les faire exécuter d'office et aux frais des propriétaires et des titulaires de droits réels immobiliers concernés. / (...) ". Aux termes de l'article L. 521-1 dudit code : " Pour l'application du présent chapitre, l'occupant est le titulaire d'un droit réel conférant l'usage, le locataire, le sous-locataire ou l'occupant de bonne foi des locaux à usage d'habitation et de locaux d'hébergement constituant son habitation principale. Le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer le relogement ou l'hébergement des occupants ou de contribuer au coût correspondant dans les conditions prévues à l'article L. 521-3-1 (...) ". Aux termes du II de cet article : " Lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une interdiction définitive d'habiter, ainsi qu'en cas d'évacuation à caractère définitif, le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer le relogement des occupants. Cette obligation est satisfaite par la présentation à l'occupant de l'offre d'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités. (...) / En cas de défaillance du propriétaire ou de l'exploitant, le relogement des occupants est assuré dans les conditions prévues à l'article L. 521-3-2. ". Enfin aux termes de ce dernier article : " (...) / II. - Lorsqu'une déclaration d'insalubrité, une mise en demeure ou une injonction prise sur le fondement des articles L. 1331-22 (...) du code de la santé publique est assortie d'une interdiction temporaire ou définitive d'habiter et que le propriétaire ou l'exploitant n'a pas assuré l'hébergement ou le relogement des occupants, le préfet, ou le maire s'il est délégataire de tout ou partie des réservations de logements en application de l'article L. 441-1, prend les dispositions nécessaires pour héberger ou reloger les occupants (...) / V. - Si la commune assure, de façon occasionnelle ou en application d'une convention passée avec l'Etat, les obligations d'hébergement ou de relogement qui sont faites à celui-ci en cas de défaillance du propriétaire, elle est subrogée dans les droits de l'Etat pour le recouvrement de sa créance. VI. - La créance résultant de la substitution de la collectivité publique aux propriétaires ou exploitants qui ne se conforment pas aux obligations d'hébergement et de relogement qui leur sont faites par le présent article est recouvrée soit comme en matière de contributions directes par la personne publique créancière, soit par l'émission par le maire ou le préfet d'un titre exécutoire au profit de l'organisme ayant assuré l'hébergement ou le relogement. (...) ".

En ce qui concerne l'appel de la commune de Drancy :

4. A supposer que M. G... ait entendu soulever une fin de non-recevoir tirée du défaut de production par la commune des deux titres exécutoires annulés par le jugement attaqué, cette circonstance, au surplus inexacte, est sans incidence sur la recevabilité de la requête de la commune de Drancy.

5. Pour faire droit à la demande de M. G... tendant à l'annulation des titres de perception émis par la commune en vue de recouvrer les sommes exposées au titre de l'hébergement de M. J... et décharger l'intéressé de la somme de 4 819 euros correspondante, le Tribunal administratif de Montreuil a estimé que cet occupant n'avait plus la " qualité pour bénéficier d'un relogement durant les mois de mars et avril 2017 en application des dispositions précitées du code de la construction et de l'habitation " et que, par voie de conséquence, " les frais de relogement de l'intéressé pour cette période [ne] pouvaient [pas] être mis à la charge de M. G... ".

6. Si M. G... a indiqué que M. J... lui avait remis le 21 octobre 2016 une " notification de départ immédiat sans préavis ", il résulte de l'instruction que les autres occupants du pavillon, à l'égard desquels M. G... se prévalait également de la remise d'une même " notification de départ immédiat sans préavis " ont déclaré lors de leur audition par les services de police n'avoir jamais rédigé de notification de départ immédiat sans préavis ou avoir rédigé un tel document lors de leur entrée dans les lieux et sans qu'une date y soit apposée. Si les déclarations de M. J... devant les services de police, le 28 septembre 2017, n'évoquent pas cette notification de départ ou les conditions dans lesquelles ce document aurait été rédigé, celui-ci indique toutefois avoir vécu dans un logement situé au rez-de-chaussée accessible par l'avant du pavillon porte droite du mois de juin 2016 jusqu'au 2 décembre 2016, date à laquelle le pavillon a été évacué. Il a également déclaré avoir " payé tous [ses] loyers jusqu'au mois d'octobre 2016 ", mais qu'" à partir de la fuite d'eau et de la coupure d'eau et d'électricité, [il a] cessé de payer les loyers car le propriétaire ne faisait rien ". Dans ces conditions, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le contrat de location initialement conclu en juillet 2014 n'était consenti que pour une durée d'un an, M. J... doit être qualifié d'occupant de bonne foi du local situé dans le pavillon de M. G..., à la date d'édiction de l'arrêté du maire de la commune de Drancy. M. G... était ainsi tenu d'assurer l'hébergement de M. J....

7. Si M. G... soutient avoir fait des offres de relogement à l'intéressé, dont l'une, formulée le 15 octobre 2016, correspondant à un F2 situé en rez-de-chaussée surélevé à Bobigny, il résulte des déclarations de M. J... que son propriétaire lui " a proposé trois autres studios situés sur la commune de Bobigny dans un pavillon lui appartenant ". Il précise qu'il a " visité les trois logements, [qui étaient] encore plus petits " que le logement de Drancy. A défaut pour M. G... d'apporter des éléments permettant d'apprécier la consistance du logement dont il fait état dans son courrier du 15 octobre 2016, il ne peut être considéré qu'il a satisfait à son obligation d'hébergement de M. J.... Par suite, la commune de Drancy, qui a supporté le coût de cet hébergement, était fondée à demander à M. G... le remboursement des sommes ainsi exposées.

8. Il résulte de ce qui précède, dès lors que M. G... n'a soulevé ni en première instance ni en appel d'autres moyens opérants susceptibles d'être examinés par la cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que la commune de Drancy est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les titres de perception n° 1170 et n° 1173 relatifs aux frais exposés pour le relogement de M. J... et a déchargé M. G... de la somme correspondante de 4 819 euros.

En ce qui concerne l'appel et les conclusions d'appel incident de M. G... :

9. M. G..., qui ne conteste pas en appel l'irrecevabilité opposée par le jugement attaqué à certaines des conclusions de sa demande, soutient que M. B..., M. F... et Mme C... A... étaient des occupants sans droit ni titre et qu'il ne pouvait en conséquence être tenu d'assurer leur hébergement.

10. Il ne résulte cependant pas de l'instruction, ainsi que le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil l'a relevé au point 4 de son jugement, que les éléments produits par M. G... permettent de considérer que M. B..., M. F... et Mme C... A... avaient donné leur congé antérieurement à l'édiction de l'arrêté litigieux. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que ces trois occupants ne se seraient pas acquitté des loyers et charges afférents aux locaux qu'ils occupaient dans le pavillon de M. G.... Il suit de là que M. B..., M. F... et Mme C... A... avaient la qualité d'occupants de bonne foi et que M. G... était tenu d'assurer leur hébergement à la suite de l'évacuation de son pavillon. Par suite, c'est à bon droit que les frais exposés par la commune de Drancy pour assurer leur hébergement ont été mis à la charge de M. G... par les titres de perception en litige.

11. Il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. G... le versement à la commune de Drancy d'une somme totale de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle dans les instances n° 18VE03221 et n° 18VE03243 et non compris dans les dépens.

13. La commune de Drancy n'étant pas la partie perdante dans ces deux instances, les conclusions présentées par M. G... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent en revanche être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1706073 du 19 juillet 2018 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le Tribunal administratif de Montreuil tendant à l'annulation des titres de perception n° 1170 et n° 1173 relatifs aux frais exposés pour le relogement de M. J... et à la décharge de la somme correspondante de 4 819 euros, ainsi que l'ensemble de ses conclusions d'appel et d'appel incident sont rejetées.

Article 3 : M. G... versera à la commune de Drancy une somme totale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Drancy tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Nos 18VE03221-18VE03243 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03221-18VE03243
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Polices spéciales.

Santé publique - Protection générale de la santé publique - Police et réglementation sanitaire - Salubrité des immeubles.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SELARL GOUTAL, ALIBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-01;18ve03221.18ve03243 ?
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