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10/12/2020 | FRANCE | N°18VE01148

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 10 décembre 2020, 18VE01148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler le compte-rendu d'entretien professionnel établi le 25 octobre 2015 au titre de l'année 2015 par son supérieur hiérarchique direct, ensemble la décision du 19 décembre 2016 par laquelle le président de l'établissement public territorial Est Ensemble a rejeté sa demande de révision après avis favorable de la commission administrative paritaire, d'enjoindre à l'établissement public territorial Est Ensemble de confier son évaluatio

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler le compte-rendu d'entretien professionnel établi le 25 octobre 2015 au titre de l'année 2015 par son supérieur hiérarchique direct, ensemble la décision du 19 décembre 2016 par laquelle le président de l'établissement public territorial Est Ensemble a rejeté sa demande de révision après avis favorable de la commission administrative paritaire, d'enjoindre à l'établissement public territorial Est Ensemble de confier son évaluation à un autre évaluateur, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, et de mettre à la charge de l'établissement public territorial Est Ensemble la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700951 du 9 février 2018, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 3 avril 2018 et 23 octobre 2020, Mme D..., représentée par Me Komly-Nallier, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler ces décisions ;

3° d'enjoindre à l'établissement public territorial Est Ensemble de confier son évaluation à un autre évaluateur, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4° de mettre à la charge de l'établissement public territorial Est Ensemble la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le rapporteur public n'a pas mis à la disposition des parties le sens de ses conclusions dans un délai raisonnable, en méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et d'appréciation s'agissant de la durée de l'entretien professionnel et de ses conséquences ;

- il a également commis une erreur de droit et d'appréciation en se bornant à relever qu'elle n'avait pas atteint complètement ses objectifs sans chercher à savoir si des éléments extérieurs, indépendants de sa valeur professionnelle, l'en avaient empêchée ;

- le jugement est entaché d'une erreur de fait, d'une dénaturation des pièces du dossier et de ses écritures voire d'une omission à statuer sur le moyen tiré de ce que le compte-rendu d'entretien professionnel repose sur des faits matériellement inexacts ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que le tribunal a refusé de reconnaître que la décision contestée repose sur des considérations sans rapport avec sa valeur professionnelle ;

- il est entaché d'erreurs dans la qualification juridique des faits, faute d'avoir retenu l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le compte-rendu d'entretien professionnel a été établi au terme d'un entretien irrégulier et déloyal ;

- les décisions attaquées sont fondées sur des faits inexacts ;

- elles sont entachées d'erreur de droit en ce qui concerne la prise en compte d'éléments étrangers à la manière de servir de l'intéressée ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2011-1642 du 23 novembre 2011 ;

- le décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me E..., pour l'établissement public territorial Est Ensemble.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., assistante territoriale de conservation du patrimoine et des bibliothèques principale de 1ère classe, est employée par l'établissement public territorial Est Ensemble. Exerçant les fonctions de responsable du secteur adultes de la bibliothèque André Malraux, elle a été évaluée, au titre de l'année 2015, lors d'un entretien avec sa supérieure hiérarchique directe qui s'est déroulé le 28 octobre 2015. A la suite du refus du président de l'établissement public territorial Est Ensemble de réviser le compte-rendu de cet entretien,

Mme D... a saisi la commission administrative paritaire qui a émis le 16 novembre 2016 un avis favorable à sa demande de révision. Par un courrier du 19 décembre 2016, le président de l'établissement public territorial Est Ensemble a maintenu le compte-rendu initial.

Mme D... relève appel du jugement du 9 février 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce compte-rendu et de la décision du 19 décembre 2016 rejetant sa demande de révision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. / Lorsque l'affaire est susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 732-1-1, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions et, dans le cas où il n'en est pas dispensé, le sens de ces conclusions ". En vertu de ces dispositions, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public. En revanche, s'il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, la communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

3. Il ressort du relevé de l'application " Sagace " que le rapporteur public a porté à la connaissance des parties, le mercredi 24 janvier 2018 à 11 h 00, pour une audience qui s'est tenue le vendredi 26 janvier 2018 à 11 h 30, qu'il envisageait de conclure au rejet " au fond " de la demande de Mme D.... Ainsi, cette dernière ayant eu connaissance du sens des conclusions du rapporteur public dans un délai raisonnable, les dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative n'ont pas été méconnues.

4. En deuxième lieu, si la requérante soutient que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de ce que le compte-rendu d'entretien professionnel repose sur des faits matériellement inexacts, il ressort de l'examen du jugement attaqué, et en particulier de son point 8, qu'il a répondu à ce moyen. Par suite, il doit être écarté.

5. Enfin, si la requérante soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit, d'erreurs d'appréciation, d'erreur de fait, d'erreur dans la qualification juridique des faits, et de dénaturation des pièces du dossier et de ses écritures, ces moyens, qui concernent le bien-fondé du jugement attaqué, ne sont pas de nature à mettre en cause sa régularité. Ils doivent, dès lors, être écartés.

Au fond :

6. D'une part, aux termes de l'article 76 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'appréciation, par l'autorité territoriale, de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct qui donne lieu à l'établissement d'un compte rendu. (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux : " L'entretien professionnel porte principalement sur : 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des évolutions prévisibles en matière d'organisation et de fonctionnement du service ; 3° La manière de servir du fonctionnaire ; 4° Les acquis de son expérience professionnelle ; 5° Le cas échéant, ses capacités d'encadrement ; 6° Les besoins de formation du fonctionnaire eu égard, notamment, aux missions qui lui sont imparties, aux compétences qu'il doit acquérir et à son projet professionnel ainsi que l'accomplissement de ses formations obligatoires ; 7° Les perspectives d'évolution professionnelle du fonctionnaire en termes de carrière et de mobilité. / L'agent est invité à formuler, au cours de cet entretien, ses observations et propositions sur l'évolution du poste et le fonctionnement du service ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " Les critères à partir desquels la valeur professionnelle du fonctionnaire est appréciée, au terme de cet entretien, sont fonction de la nature des tâches qui lui sont confiées et du niveau de responsabilité assumé. Ces critères, fixés après avis du comité technique, portent notamment sur : 1° Les résultats professionnels obtenus par l'agent et la réalisation des objectifs ; 2° Les compétences professionnelles et techniques ; 3° Les qualités relationnelles ; 4° La capacité d'encadrement ou d'expertise ou, le cas échéant, à exercer des fonctions d'un niveau supérieur ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 3 du décret du 23 novembre 2011 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux de conservation du patrimoine et des bibliothèques : " I. (...) Dans chacune de leurs spécialités, ils contribuent au développement d'actions culturelles et éducatives. Ils participent, sous l'autorité d'un supérieur hiérarchique, aux responsabilités dans le traitement, la mise en valeur, la conservation des collections et la recherche documentaire. Ils peuvent être chargés du contrôle et de la bonne exécution des travaux confiés aux fonctionnaires appartenant aux cadres d'emplois de la catégorie C ainsi que de l'encadrement de leurs équipes. Lorsqu'ils sont affectés dans les bibliothèques, ils participent à la promotion de la lecture publique. II. _ Les titulaires des grades d'assistant de conservation principal de 2e classe et d'assistant de conservation principal de 1re classe ont vocation à occuper des emplois qui, relevant des spécialités mentionnées au I, correspondent à un niveau particulier d'expertise. / Ils participent à la conception, au développement et à la mise en oeuvre des projets culturels du service ou de l'établissement. / Ils peuvent diriger des services ou des établissements lorsque la direction de ces derniers par un agent de catégorie A n'apparaît pas nécessaire. Dans les services ou établissements dirigés par des personnels de catégorie A, ils ont vocation à être adjoints au responsable du service ou de l'établissement et à participer à des activités de coordination ".

8. En premier lieu, il n'est pas contesté par l'administration que l'entretien d'évaluation du 28 octobre 2015 a duré cinq heures. Si la durée de cet entretien peut être regardée comme inhabituelle, elle n'est en soi contraire à aucune disposition et aucun principe. Si Mme D... a été placée en congé de maladie à compter du 2 novembre 2015 en raison d'un syndrome anxieux et si l'accident dont l'intéressée a été victime le 28 octobre 2015 a été reconnu imputable au service par un arrêté du 13 décembre 2016, cette circonstance n'est pas de nature à établir que ledit entretien se serait déroulé, comme elle l'affirme, dans des conditions n'ayant eu pour autre objet que de l'éprouver physiquement et psychologiquement, consécutivement à des différends survenus avec sa supérieure hiérarchique en janvier 2014 et à partir de mars 2015. Par ailleurs, si la requérante verse au dossier deux attestations établies le 24 mars 2016 et le 30 mars 2016 par deux agents ayant travaillé sous l'autorité de sa supérieure hiérarchique, respectivement entre 2008 et 2012 et entre septembre 2008 et août 2009, lesquels mettent en cause l'attitude et le management de cette dernière, ces deux documents ne sont pas de nature à établir ses allégations relatives aux conditions de déroulement de son entretien d'évaluation. Il en va de même des nouvelles attestations produites en appel par Mme D.... Si elle fait valoir qu'elle n'a pas eu la possibilité de s'exprimer lors de son entretien d'évaluation, aucune pièce du dossier ne permet de l'établir. D'ailleurs, le compte-rendu en litige comporte de longues observations de l'agent en réponse à l'évaluation de ses objectifs au titre de l'année écoulée. Par suite, le moyen tiré de ce que l'entretien d'évaluation du 28 octobre 2015 se serait déroulé dans des conditions irrégulières et déloyales doit être écarté.

9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des termes mêmes du compte-rendu d'entretien en litige, que la supérieure hiérarchique de Mme D... se serait fondée, au cours de cet entretien, sur des considérations sans rapport avec sa valeur professionnelle.

10. En troisième lieu, si la requérante fait valoir que c'est à tort que le compte-rendu d'entretien mentionne notamment " un fonctionnement trop autarcique et autocentré du secteur adulte ", la nécessité de " travailler au développement des partenariats locaux et réseaux " ou des " difficultés de mise en oeuvre de la transversalité ", ces mentions ne sauraient être regardées comme des considérations factuelles mais des appréciations relatives à sa valeur professionnelle et sa manière de servir, au sens des dispositions citées au point ci-dessus et ne permettent pas d'établir que le compte-rendu litigieux serait fondé sur des faits matériellement inexacts.

11. En quatrième lieu, la requérante soutient que c'est à tort que la plupart des objectifs qui lui ont été assignés au titre de l'année écoulée ont été évalués comme partiellement atteints, dès lors que ce résultat partiel est la conséquence d'éléments indépendants de sa volonté. Toutefois, d'une part, l'intéressée ne conteste pas que la plupart des objectifs qui lui ont été assignés n'ont été atteints que partiellement. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du non remplacement deux agents placés en congé maladie, mentionné dans le compte-rendu en litige, que diverses circonstances indépendantes de Mme D... l'auraient empêchée d'atteindre totalement la plupart des objectifs qui lui ont été personnellement assignés.

12. Enfin, si Mme D... se prévaut de ses qualités professionnelles et techniques, de son savoir-faire et de son expertise ainsi que de ses qualités relationnelles, invoque le mode de gestion anormal de sa supérieure hiérarchique ainsi que l'avis favorable à la révision de son évaluation de la commission administrative paritaire et mentionne notamment les actions qu'elle a menées au cours de l'année 2015 en faveur de la transversalité entre les secteurs adultes et jeunesse de la bibliothèque, ces éléments ne sont pas de nature à établir que son évaluation serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, celle-ci étant d'ailleurs globalement favorable à l'agent en ce qu'elle indique notamment que l'intéressée est " force de proposition pour la programmation culturelle et très invertie avec l'équipe adulte pour la mise en valeur de son secteur et du service public ".

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce point par Mme D.... Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'établissement public territorial Est Ensemble au titre de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public territorial Est Ensemble au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 18VE01148 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01148
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-06-01 Fonctionnaires et agents publics. Notation et avancement. Notation.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : SELARL GOUTAL, ALIBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-10;18ve01148 ?
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