La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2020 | FRANCE | N°18VE01920

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 10 décembre 2020, 18VE01920


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles à l'indemniser des préjudices résultant de l'accident survenu le 29 avril 2014 et d'ordonner, avant-dire droit, une nouvelle expertise médicale.

Par un jugement n° 1605624 du 13 avril 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés resp

ectivement le 4 juin 2018 et le 7 avril 2020, M. D..., représenté par Me Portejoie, avocat, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles à l'indemniser des préjudices résultant de l'accident survenu le 29 avril 2014 et d'ordonner, avant-dire droit, une nouvelle expertise médicale.

Par un jugement n° 1605624 du 13 avril 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 4 juin 2018 et le 7 avril 2020, M. D..., représenté par Me Portejoie, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'ordonner avant-dire droit une nouvelle expertise médicale ;

3° de mettre à la charge de l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- alors qu'il visitait le château de Versailles le 29 avril 2014, il a été victime d'un étourdissement passager qui l'a contraint à prendre appui sur une barrière mobile qui s'est dérobée sous son poids ; en chutant, il a percuté la vitre d'une fenêtre, laquelle, en se brisant, a profondément entaillé son poignet droit ; cette barrière est un élément accessoire indissociable du château ; elle constitue un élément de l'ouvrage public ; la responsabilité de l'établissement public est engagée pour défaut d'entretien normal ;

- en plaçant devant une fenêtre une barrière non fixée au sol, qui présentait dès lors un caractère instable, l'administration a fait preuve de négligence fautive, notamment au regard de son obligation d'assurer la sécurité des visiteurs ; le château reçoit une quantité de visiteurs trop élevée par rapport à ses capacités ; le malaise dont il a été victime s'explique par la chaleur résultant d'un nombre excessif de visiteurs, l'Établissement public du château de Versailles ne tenant pas compte à cet égard de ses capacités d'accueil réelles ;

- outre son instabilité, cette barrière n'avait aucune utilité à l'endroit où elle a été placée, ce qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Établissement public du château de Versailles ;

- la responsabilité pour faute de l'administration est également engagée, dès lors que la barrière en cause ne faisait l'objet d'aucune signalisation indiquant sa nature mobile ; en outre, le règlement de visite du domaine national de Versailles et de Trianon ne contient aucun article interdisant aux visiteurs de s'approcher des barrières ;

- aucune faute ne lui est imputable et l'administration ne peut se prévaloir d'aucun cas de force majeure ;

- il y a dès lors lieu de condamner l'administration à l'indemniser des conséquences dommageables de cet accident ;

- il est nécessaire de prescrire une nouvelle expertise médicale, afin que la consolidation de son état de santé soit constatée et que l'ensemble de ses préjudices soient chiffrés.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles.

Considérant ce qui suit :

1. Alors qu'il visitait le château de Versailles le 29 avril 2014, M. D..., né le 31 janvier 1970, a été victime d'un étourdissement. En chutant, il a percuté la vitre d'une fenêtre, laquelle, en se brisant, a entaillé son poignet droit. Par une ordonnance du 8 juin 2015, le président du Tribunal administratif de Versailles a prescrit une mesure d'expertise dont le rapport est intervenu le 21 octobre 2015. M. D... a recherché devant le Tribunal administratif de Versailles la responsabilité de l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, et demandé une nouvelle expertise médicale. M. D... relève appel du jugement du 13 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le jugement attaqué ne s'est pas prononcé sur la dévolution des frais de l'expertise ordonnée en première instance et a ainsi méconnu la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel. Par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer sur la charge des frais d'expertise.

Sur la responsabilité de l'administration :

3. En premier lieu, la responsabilité de la personne publique maître d'un bien à l'égard de l'usager qui a été victime d'un dommage imputé à ce bien n'est engagée de plein droit pour défaut d'entretien normal, sans que l'intéressé ait à établir l'existence d'une faute à la charge de cette personne publique, qu'à la condition que le dommage soit imputable à un bien immobilier, seul susceptible de recevoir la qualification d'ouvrage public.

4. M. D... soutient que lors d'une visite du château de Versailles le 29 avril 2014, il a été victime d'un étourdissement passager qui l'a contraint à prendre appui sur une barrière mobile qui s'est dérobée sous son poids, et qu'en chutant, il a percuté la vitre d'une fenêtre, laquelle, en se brisant, a profondément entaillé son poignet droit. Il résulte de l'instruction qu'une barrière mobile en bois ajourée, pourvue de pieds en métal, est placée devant chaque fenêtre des Grands appartements du château de Versailles afin d'empêcher les visiteurs d'accéder aux balcons. Ces barrières, comme celle en cause, étant dépourvues de fixation au sol, elles ne peuvent être regardées comme un bien immobilier. Par suite, le requérant n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles pour défaut d'entretien normal d'un ouvrage public.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction, et en particulier des photographies versées au dossier, que la barrière en bois à laquelle le requérant impute son accident est dotée à chacune de ses extrémités de deux pieds métalliques d'une longueur de trente centimètres environ qui permettent, compte tenu de la longueur de cette barrière (environ deux mètres) et de sa hauteur (environ un mètre), d'assurer sa stabilité. Il résulte également de l'instruction, en particulier des écritures mêmes du requérant, que cette barrière ne s'est pas renversée lors de l'accident mais s'est seulement déplacée. L'administration affirme sans être contredite, en produisant une note de son service d'accueil et de surveillance, que les barrières de ce type sont contrôlées quotidiennement et n'ont jamais causé d'accident depuis leur mise en service. Ainsi, la barrière mobile en litige était suffisamment stable pour qu'une absence de fixation au sol ne puisse caractériser l'existence d'une faute de l'administration. Contrairement aux affirmations du requérant, la circonstance que la barrière en cause a été volontairement placée devant une fenêtre afin d'en interdire l'accès pour des raisons de sécurité ne saurait être regardée comme constituant une faute de l'administration. Il ne résulte ni de la configuration des lieux, ni de la conception susmentionnée de la barrière en cause que cette dernière aurait dû faire l'objet d'une signalisation indiquant sa nature mobile ou d'une mention particulière dans le règlement de visite du domaine national de Versailles et de Trianon. Enfin, si le requérant soutient que le malaise dont il a été victime le 29 avril 2014 s'explique par la chaleur résultant d'un nombre excessif de visiteurs, il n'établit pas ce lien de causalité en se bornant à relever, d'une part, que l'accident a eu lieu un mardi, jour d'affluence au château de Versailles en raison de la fermeture des autres musées nationaux et, d'autre part, que le procès-verbal de la sous-commission départementale de sécurité, établi deux ans plus tard le 21 juin 2016, indique que " le circuit de visite des Grands appartements est saturé de public et ne correspond pas du tout à la densité de 1 personne / 5 m2 ". Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles aurait commis des fautes de nature à engager sa responsabilité.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.

Sur les frais d'expertise :

7. Il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés par l'ordonnance du 26 octobre 2015 du président du Tribunal administratif de Versailles à la somme de 1 398 euros TTC, à la charge de M. D..., partie perdante.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce point par M. D.... Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... la somme de 1 500 euros, à verser à l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, au titre de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1605624 du Tribunal administratif de Versailles du 13 avril 2018 est annulé en ce qu'il a omis de statuer sur la dévolution de la charge des frais d'expertise.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 398 euros sont mis à la charge de M. D....

Article 4 : M. D... versera la somme de 1 500 euros à l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 18VE01920 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01920
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Régime de la responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : SELARL MICHEL TEBOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-10;18ve01920 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award