La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2020 | FRANCE | N°19VE00144

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 15 décembre 2020, 19VE00144


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Rénovation Tout Corps d'Etat (RTCE) a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 27 novembre 2014 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire pour l'emploi de deux salariés étrangers en situation irrégulière, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1503579 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a r

ejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Rénovation Tout Corps d'Etat (RTCE) a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 27 novembre 2014 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire pour l'emploi de deux salariés étrangers en situation irrégulière, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1503579 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2019, la société RTCE, représentée par Me Belgrand, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision du 27 novembre 2014 par laquelle l'OFII a mis à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire pour un montant total de 39 718 euros pour l'emploi de deux salariés étrangers en situation irrégulière et dépourvus d'autorisation de travail ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société RTCE soutient que :

- la décision de l'OFII est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle ne prend pas en compte ses observations ;

- la décision souffre d'un défaut de motivation, en l'absence de transmission du procès-verbal établi par l'inspecteur du travail ;

- lors de la prise de la décision, l'OFII n'a pas respecté le principe du contradictoire ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 22 janvier 2014, les services de l'inspection du travail ont procédé à un contrôle sur le chantier de l'ensemble immobilier Park Fabert au 3/7 rue Fabert à Sartrouville (Yvelines), dont le maitre d'ouvrage est la SCCV Fabert. A l'issue de ce contrôle ont été transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) des procès-verbaux d'infraction à l'encontre de la société RTCE pour l'emploi sur ce chantier de deux électriciens de nationalité indienne, M. H... C... et M. E... C..., démunis de titre les autorisant à travailler en France et n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche. Par un courrier du 24 juin 2014, le directeur général de l'office a informé la société de son intention de lui demander le versement de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a invité à présenter ses éventuelles observations. Par une décision du 27 novembre 2014, malgré les observations présentées par la société le 8 juillet 2014, l'OFII a mis à la charge de la société RTCE les contributions susmentionnées pour un montant total de 39 718 euros. La société requérante relève régulièrement appel du jugement du 15 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 27 novembre 2014 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 8253-3 du code du travail : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur (...) que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-4 du même code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / (...) ". Aux termes de l'article R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / (...) ".

3. Les dispositions précitées du code du travail et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposent au directeur général de l'OFII ni de viser dans sa décision finale les observations de l'employeur ni d'y répondre explicitement. Dès lors qu'il est constant que la société RTCE a été invitée à présenter ses observations, ce qu'elle a fait le 8 juillet 2014, et que la décision lui infligeant les sanctions n'a été prise par le directeur général de l'OFII que postérieurement à la réception de ces observations, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision du 27 novembre 2014 serait entachée d'un vice de procédure.

4. En deuxième lieu, si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et à la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'OFII en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de ces contributions, qui revêtent le caractère de sanctions administratives. Le refus de communication du procès-verbal ne saurait toutefois entacher les sanctions d'irrégularité que dans le cas où la demande de communication a été faite avant l'intervention de la décision qui, mettant la contribution spéciale et la contribution forfaitaire à la charge de l'intéressé, prononce la sanction.

5. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est du reste pas allégué que la société RTCE aurait demandé, avant l'intervention de la décision du 27 novembre 2014 mettant à sa charge les contributions litigieuses, communication du procès-verbal établi à son encontre à la suite du contrôle du 22 janvier 2014, mentionné dans le courrier du 24 juin 2014 du directeur général de l'OFII qui l'informait qu'il envisageait de mettre à sa charge les contributions litigieuses et l'invitait à présenter ses observations. Dès lors, la circonstance que la société requérante n'ait pas eu communication de ce procès-verbal est sans incidence sur la régularité de la sanction prononcée à son encontre par l'OFII.

6. En dernier lieu, il résulte des termes de la décision attaquée que celle-ci comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment la date des faits litigieux, l'identité des ressortissants étrangers, le montant des sommes dues ainsi que les dispositions légales applicables. La décision du 27 novembre 2014 étant en elle-même suffisamment motivée, la circonstance que le procès-verbal du 22 janvier 2014 auquel elle se réfère n'était pas joint est sans incidence sur sa régularité formelle. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision ne peut, dès lors, qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision du 27 novembre 2014 :

7. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. ".

8. Aux termes de l'article L. 8113-7 du code du travail : " Les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1 et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire (...) ".

9. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire prévue par les dispositions également précitées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.

10. La société RTCE soutient que si certains de ses salariés étaient effectivement présents sur le chantier de l'ensemble immobilier Park Fabert lors du contrôle de l'inspection du travail, en l'occurrence M. B... F..., titulaire d'un passeport britannique, et M. I... C..., titulaire d'une carte de résident, les deux travailleurs visés par le procès-verbal, MM. H... et Harjeet C..., ne font pas partie de ses salariés. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des termes du procès-verbal établi par les agents de l'inspection du travail, clos le 3 avril 2014, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que la société RTCE intervenait sur ce chantier, dans le cadre de l'exécution d'un contrat de pose d'installations électriques, en sous-traitance de l'entreprise Bentin. Lors du contrôle, M. G... A..., chef d'équipe et représentant de la société Bentin en sa qualité de donneur d'ordre, a indiqué que MM. Israr F..., H... C... et Harjeet C... travaillaient en sous-traitance pour la société Bentin. Par ailleurs, M. F..., dont il est constant qu'il est salarié de la société RTCE, a déclaré que deux de ses collègues se trouvaient dans un container sur le chantier, en train de ranger du matériel. Les deux collègues en question, MM. H... et Harjeet C..., ont quant à eux indiqué qu'ils avaient été embauchés par la société RTCE depuis respectivement un mois et dix jours. Ces éléments précis et concordants du procès-verbal, qui ne résultent pas des seules déclarations du salarié de la société Bentin, ne sont pas sérieusement contestés par la société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 429 du code de procédure pénale dans le cadre du présent litige, par la double circonstance que d'autres entreprises intervenaient sur le chantier le jour du contrôle et que les deux travailleurs indiens visés par le procès-verbal ne figurent pas sur le registre du personnel. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société RTCE, la matérialité des faits constitutifs de l'infraction est établie et c'est par une exacte application des dispositions précitées des articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la contribution spéciale et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ont été mises à la charge de la requérante.

11. Il résulte de ce qui précède que la société RTCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la société RTCE doivent dès lors, et en tout état de cause, être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société RTCE le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'OFII et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société RTCE est rejetée.

Article 2 : La société RTCE versera la somme de 1 500 euros à l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 19VE00144 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00144
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SCP MICHEL-AUDOUIN-GILLET-BELGRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-15;19ve00144 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award