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12/01/2021 | FRANCE | N°19VE03398

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 janvier 2021, 19VE03398


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit.

Par un jugement n° 1909999 du 18 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté contesté.

Procédure devant la cour :

Par une

requête, enregistrée le 14 octobre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit.

Par un jugement n° 1909999 du 18 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté contesté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes de M. E....

Il soutient que l'arrêté contesté ne porte pas une atteinte excessive à la vie privée et familiale de M. E... et que les moyens soulevés par celui-ci en première instance ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- les décrets n° 2020-1404 et 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Interpellé lors d'un contrôle d'identité à Montreuil alors qu'il était dépourvu de titre l'autorisant à séjourner en France, M. E... a fait l'objet, le 12 septembre 2019, d'un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du 18 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) ".

3. M. E..., ressortissant tunisien né le 13 mars 1992 à Kairouan (Tunisie), entré en France en novembre 2018 avec un visa Schengen de court séjour dont la période de validité expirait le 24 février 2019, séjournait irrégulièrement en France lorsqu'il a été interpelé le 12 septembre 2019 à l'occasion d'un contrôle d'identité. Pour annuler l'arrêté par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur les circonstances que l'intéressé a épousé, le 14 novembre 2018, une compatriote régulièrement installée en France sous couvert d'une carte de résident, mère de deux enfants français sur lesquels elle exerce seule l'autorité parentale, que la communauté de vie des époux était établie, qu'à la date de l'arrêté attaqué, l'épouse de M. E... était enceinte de plusieurs mois et que son état de santé nécessite une aide régulière. Toutefois, à la date de l'arrêté attaqué, M. E... n'était marié à Mme A... et présent en France que depuis dix mois et l'enfant du couple est né le 16 mars 2020, postérieurement à l'arrêté attaqué. En outre, M. E... a été contrôlé à Montreuil, alors que son épouse réside à Carpentras et il a déclaré aux services de police exercer illégalement une activité à temps partiel de livreur. Dans ces circonstances, eu égard notamment au caractère très récent du mariage de M. E... et de son entrée en France, et alors que l'intéressé entre dans les catégories d'étrangers ouvrant droit au bénéficie du regroupement familial, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. E... n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris et que c'est par suite à tort que le magistrat désigné par le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté contesté au motif que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avaient été méconnues.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. E... en première instance.

En ce qui concerne le moyen commun aux trois décisions contestées :

5. Par arrêté n° 2019-1824 du 28 juin 2019, publié le même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à Mme D... F..., chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, à l'effet de signer " les mesures d'éloignement ", notamment les obligations de quitter le territoire français, ainsi que " les décisions fixant le délai de départ " et " les décisions fixant le pays vers lequel sera éloigné un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ". Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée manque par conséquent en fait.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

6. L'arrêté contesté mentionne que M. E... n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, qu'il déclare se maintenir irrégulièrement en France, qu'il n'a effectué aucune démarche pour régulariser sa situation au regard du droit au séjour et qu'il exerce illégalement une activité non déclarée. Il comporte les motifs de droit et les circonstances de fait pour lesquels il a été pris et répond ainsi aux exigences des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il s'ensuit que le moyen d'insuffisance de motivation manque également en fait. Il en est de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.

7. Si M. E... fait valoir que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire aux étrangers dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser leur séjour porterait à leur droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, ont été méconnues, et que la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet est illégale par exception d'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui aurait été opposé, ces moyens sont inopérants dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. E... n'a pas présenté de demande de titre de séjour à l'expiration de la durée de validité de son visa.

8. En vertu des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, qu'elles aient pour objet de régler leur situation personnelle ou pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation. Toutefois, l'enfant auquel l'épouse de M. E... a donné naissance le 16 mars 2020, n'était pas né à la date de la décision attaquée. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que, compte tenu de la brièveté de son séjour en France et de l'absence de mention de liens noués précédemment, l'éloignement de M. E... méconnaîtrait l'intérêt supérieur des deux fils nés d'une précédente union de son épouse.

9. Enfin, pour les motifs exposés au point 3, l'obligation faite à M. E... de quitter le territoire ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il s'en suit que les conclusions dirigées contre l'obligation faite à M. E... de quitter le territoire doivent être rejetées.

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

10. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) h) si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français "

11. L'arrêté contesté justifie le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire par les circonstances qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à son obligation d'éloignement, qu'il ne présente pas de garantie de représentation dans la mesure où il est dépourvu de documents d'identité ou de voyage, qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, qu'il a déclaré vouloir rester en France et qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour. Il est suffisamment motivé.

12. Si M. E... fait valoir qu'il dispose de solides garanties, qu'il est entré régulièrement sur le sol national, qu'il ne trouble pas l'ordre public et qu'il ne s'est jamais soustrait à une mesure d'éloignement, il résulte des dispositions rappelées au point 10 que le risque de se soustraire à la mesure d'éloignement est présumé lorsque l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement en France à l'expiration de la durée de validité de son visa sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour. En outre, l'intéressé a déclaré, lors de son audition par les services de police, avoir l'intention de se maintenir en France. Dans ces conditions, le préfet a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, lui faire obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire. M. E... n'est pas davantage fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire dès lors que les moyens dirigés contre cette décision ont été écartés.

En ce qui concerne le pays de renvoi :

13. Aux termes du dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ".

14. Si M. E... fait valoir qu'il serait exposé à un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, il ne précise pas la nature de ces risques et n'en justifie pas. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut dès lors qu'être écarté, de même que, compte tenu de ce qui a été dit au point 9, le moyen d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise, que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande d'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2019 faisant obligation à M. E... de quitter le territoire.

Sur les frais de l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. E... demande à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1909999 du 18 septembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 19VE03398


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03398
Date de la décision : 12/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : NAMIGOHAR

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-01-12;19ve03398 ?
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