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02/02/2021 | FRANCE | N°18VE00927

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 02 février 2021, 18VE00927


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier René Dubos à lui verser la somme totale de 403 735,78 euros assortie des intérêts de droit à compter du 28 avril 2015 ainsi que de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices subis à la suite de l'infection nosocomiale dont il a été victime.

Par un jugement n° 1510840 du 18 janvier 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le centre hospitalier René Dubo

s à verser à M. A... la somme de 78 074,95 euros, assortie des intérêts au taux léga...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier René Dubos à lui verser la somme totale de 403 735,78 euros assortie des intérêts de droit à compter du 28 avril 2015 ainsi que de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices subis à la suite de l'infection nosocomiale dont il a été victime.

Par un jugement n° 1510840 du 18 janvier 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le centre hospitalier René Dubos à verser à M. A... la somme de 78 074,95 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2015 et de la capitalisation des intérêts et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mars 2018, M. D... A..., représenté par Me Mor, avocat, demande à la Cour :

1° de réformer le jugement n° 1510840 du 18 janvier 2018 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en portant le montant des condamnations mises à la charge du centre hospitalier à la somme de 369 432, 84 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2015 et de la capitalisation des intérêts à compter du 4 mai 2016 ;

2° de confirmer ce jugement pour le surplus ;

3° de mettre à la charge du centre hospitalier René Dubos de Pontoise la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'entend pas critiquer les différents postes de préjudices indemnisés par le tribunal administratif à l'exception du poste correspondant à son besoin en assistance par une tierce personne que le tribunal administratif a estimé à une heure par semaine alors que les experts avaient évalué ce besoin à deux heures par jour ; le centre hospitalier n'a contesté que tardivement l'appréciation faite par les experts ; c'est à tort que le tribunal administratif a été établi une corrélation entre le taux d'atteinte à l'intégrité physique et les besoins en aide humaine ; le besoin en tierce personne doit être apprécié en fonction des ; il a justifié de ses besoins en aide d'une tierce personne ;

- s'agissant du quantum de sa demande, celui-ci doit être apprécié en tenant compte des arrérages échus de la rente indemnisant ce poste et de l'évolution du barème de capitalisation des rentes.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., subsituant Me C..., pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., né le 8 octobre 1944, a été opéré d'une cataracte de l'oeil droit le 20 octobre 2008 au centre hospitalier René Dubos de Pontoise (Val-d'Oise). Le 26 octobre suivant, M. A..., qui se plaignait de ce même oeil, s'est rendu aux urgences du centre hospitalier où le prélèvement opéré a montré la présence d'un streptococcus alpha-hémolytique. Le 27 octobre 2008, une endophtalmie était constatée et M. A... dirigé vers l'Hôtel Dieu à Paris où il était hospitalisé. Des injections intravitréennes étaient effectuées. Mais en l'absence d'amélioration de son état, une vitrectomie devait être réalisée le 19 novembre puis une énucléation le 29 décembre 2008. Par un courrier du 28 avril 2015, M. A... a sollicité du centre hospitalier René Dubos l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence de l'infection contractée le 20 octobre 2008. En l'absence de réponse du centre hospitalier, il a présenté une requête en ce sens auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par un jugement n° 1510840 du 18 janvier 2018, a condamné le centre hospitalier René Dubos à lui verser la somme de 78 074,95 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2015 et de la capitalisation des intérêts et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à la somme de 14 424, 43 euros l'indemnisation de son préjudice permanent de besoin en aide par une tierce personne.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par le centre hospitalier :

2. La personne qui a demandé au tribunal administratif la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors qu'ils se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle.

3. M. A... est ainsi recevable en appel à se prévaloir de l'aggravation de son préjudice permanent de besoin en assistance par une tierce personne, nonobstant la circonstance que les premiers juges auraient déjà tenu compte de son aggravation au jour de leur jugement. La circonstance que les bases sur lesquelles M. A... se fonde pour actualiser ses demandes étaient déjà connues avant que le tribunal administratif ne rende son jugement n'est pas davantage de nature à faire obstacle à une telle réactualisation. Au surplus, il ressort de la lecture des écritures d'appel de M. A... que si ce dernier a réactualisé le montant de ses demandes s'agissant des arrérages échus, il a, tenant compte du barème de capitalisation applicable à la date d'introduction de sa requête d'appel, et donc tenant compte des bases de liquidations sur lesquelles il s'était fondé dès la première instance, réduit le montant de ses prétentions au titre du capital dont il demande le versement pour l'avenir. La fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier a donc vocation à être écartée.

Sur le préjudice permanent de besoin en assistance par une tierce personne :

4. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise rédigé par les Docteurs Nils Brion et Christine Estève et déposé le 6 juin 2013 auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise qu'en conséquence de sa monophtalmie, M. A... nécessite une aide quotidienne pour les transports, courses, démarches administratives et la préparation des repas dès lors qu'il " n'a plus de vision stéréoscopique, avec perte de la vision du relief, qu'il ne voit plus en profondeur, " verse à côté et " se cogne aux gens du côté droit, de par la négligence de la perte droite du champ visuel. " ainsi que l'ont relevé les experts. Ces derniers ont en conséquence évalué ce besoin à deux heures par jour. Si le centre hospitalier conteste sérieusement ce poste de préjudice en faisant valoir que M. A... a conservé une acuité visuelle de 8/10e à gauche et un score de Parinaud à 2 s'agissant de la vision de près et que ce handicap lui laisse notamment la possibilité de conduire en vertu des dispositions de l'arrêté du 31 août 2010 modifiant l'arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l'obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée, il résulte de l'instruction et notamment des dires des experts repris par M. A... dans ses écritures, confrontés aux objections du centre hospitalier, que M. A... demeure atteint d'un handicap nécessitant une aide quotidienne non qualifiée pour l'accomplissement des gestes de la vie quotidienne qui, s'ils ne sont pas rendus impossibles du fait de l'altération de la vision, restent difficiles dans leur réalisation car rendus très approximatifs. Ce besoin en aide quotidienne peut ainsi être estimé à deux heures par jour chaque jour de la semaine, y compris les dimanches et jours fériés, conformément aux conclusions des experts.

5. Pour évaluer ce poste de préjudice, il y a donc lieu, s'agissant d'une aide non qualifiée, de tenir compte d'un taux horaire de 14,50 euros, majoré des congés payés et de la majoration pour travail des jours fériés et dimanche alors même que cette aide aurait, jusqu'à ce jour, été assurée par un proche de M. A.... Ainsi, pour la période du 2 mai 2009, date de la consolidation de l'état de santé du requérant au jour du présent arrêt, le préjudice de M. A... peut être évalué à la somme de 134 038 euros.

6. S'agissant des frais futurs, qui peuvent être estimés à la somme de 11 538 euros par an, il y a lieu de condamner le centre hospitalier René Dubos à verser au requérant une rente annuelle de ce même montant versée par trimestre échu à compter de la date du présent arrêt. Cette rente sera revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Les sommes perçues par M. A... au titre de la prestation de compensation du handicap ou de toute autre prestation ayant le même objet dès lors qu'aucune disposition particulière ne permet à l'organisme qui l'a versée d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune, dont il lui appartiendra de justifier annuellement du montant, viendront en déduction de cette rente.

7. Il résulte de ce qui précède que, M. A... est fondé à demander le relèvement de l'indemnité accordée par les premiers juges au titre de son besoin permanent en assistance par une tierce personne dans la mesure arrêtée aux points 5 et 6 du présent arrêt et donc à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

8. La condamnation prononcée au point 5 du présent arrêt portera intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2015, date de réception de la demande indemnitaire préalable du requérant par le centre hospitalier. La capitalisation des intérêts ayant été demandée le 14 décembre 2015, il y a donc lieu d'y faire droit à compter du 4 mai 2016, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier René Dubos le versement d'une somme de 1 500 euros à M. A....

DECIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier René Dubos de Pontoise est condamné à verser à M. A... une somme de 134 038 euros (cent trente quatre mille trente huit euros). Cette somme portera intérêts aux taux légal à compter du 4 mai 2005. Les intérêts échus au 4 mai 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le centre hospitalier est condamné à verser à M. A..., à compter de la date du présent arrêt, une rente annuelle de 11 538 euros dans les conditions qui sont précisées au point 6 du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement n° 1510840 du 18 janvier 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier René Dubos versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel de M. A... est rejeté.

N°18VE00927 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00927
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : CABINET MOR

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-02-02;18ve00927 ?
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