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10/02/2021 | FRANCE | N°18VE00810

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 10 février 2021, 18VE00810


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la délibération n° 3 par laquelle le conseil municipal de la commune de Noisy-le-Sec, réuni en sa séance du 19 janvier 2017, a approuvé le budget primitif pour l'exercice 2017 et, par voie de conséquence, d'annuler les délibérations n° 2 portant fixation du produit fiscal attendu et des taux d'impôts locaux pour 2017 et n° 4 portant approbation des autorisations de programme et des crédits de paiement pour l'année 2017.

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ar un jugement n° 1700915 en date du 21 décembre 2017, le Tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la délibération n° 3 par laquelle le conseil municipal de la commune de Noisy-le-Sec, réuni en sa séance du 19 janvier 2017, a approuvé le budget primitif pour l'exercice 2017 et, par voie de conséquence, d'annuler les délibérations n° 2 portant fixation du produit fiscal attendu et des taux d'impôts locaux pour 2017 et n° 4 portant approbation des autorisations de programme et des crédits de paiement pour l'année 2017.

Par un jugement n° 1700915 en date du 21 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 février 2018 et le 5 avril 2019, M. B..., représenté par Me Marques Vieira, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, la délibération n° 3 adoptée le 19 janvier 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Noisy-le-Sec et portant approbation du budget primitif pour l'exercice 2017 ;

3° d'annuler, par voie de conséquence, la délibération n° 2 portant fixation du produit fiscal attendu et des taux d'impôts locaux au titre de l'année 2017 et la délibération n° 4 portant approbation des autorisations de programme et des crédits de paiement au titre de l'année 2017 ;

4° d'adresser une copie de l'arrêt au directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis par application de l'article R. 751-12 du code de justice administrative ;

5° d'adresser pour information une copie de l'arrêt au préfet de la Seine-Saint-Denis ;

6° de mettre à la charge de la commune de Noisy-le-Sec les dépens ainsi que le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en l'absence de signature par les membres de la formation de jugement en application de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- la délibération n° 3 contestée a été adoptée en méconnaissance des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;

- elle est entachée d'irrégularité en raison de l'insuffisance du rapport d'orientation budgétaire présenté au conseil municipal le 1er décembre 2016 en méconnaissance de l'article L. 2312-1 du code général des collectivités territoriales ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que la commission des finances a été convoquée sans ordre du jour ni documents budgétaires en méconnaissance de l'article 7-5 du règlement intérieur du conseil municipal ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales, dès lors que le budget primitif n'est pas en équilibre réel, les recettes et les dépenses des sections de fonctionnement et d'investissement n'ayant pas été évaluées de façon sincère.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- les observations de M. B... et de Me D... pour la commune de Noisy-le-Sec.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... fait régulièrement appel du jugement n° 1700915 du 21 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération n° 3 du 19 janvier 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Noisy-le-Sec a approuvé le budget primitif pour l'exercice 2017 et, par voie de conséquence, à l'annulation des délibérations n° 2 et n° 4 des mêmes jour et conseil portant respectivement fixation du produit fiscal attendu et approbation des autorisations de programme et des crédits de paiement pour l'année 2017.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2312-1 du code général des collectivités territoriales : " Le budget de la commune est proposé par le maire et voté par le conseil municipal. Dans les communes de 3 500 habitants et plus, le maire présente au conseil municipal, dans un délai de deux mois précédant l'examen du budget, un rapport sur les orientations budgétaires, les engagements pluriannuels envisagés ainsi que sur la structure et la gestion de la dette. Ce rapport donne lieu à un débat au conseil municipal, dans les conditions fixées par le règlement intérieur prévu à l'article L. 2121-8. Il est pris acte de ce débat par une délibération spécifique. Dans les communes de plus de 10 000 habitants, le rapport mentionné au deuxième alinéa du présent article comporte, en outre, une présentation de la structure et de l'évolution des dépenses et des effectifs. Ce rapport précise notamment l'évolution prévisionnelle et l'exécution des dépenses de personnel, des rémunérations, des avantages en nature et du temps de travail. Il est transmis au représentant de l'Etat dans le département et au président de l'établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre ; il fait l'objet d'une publication. Le contenu du rapport ainsi que les modalités de sa transmission et de sa publication sont fixés par décret. /(...). ". Ce décret a été codifié à l'article D. 2312-3 du même code, selon lequel : " A. - Le rapport prévu à l'article L. 2312-1 comporte les informations suivantes : 1° Les orientations budgétaires envisagées par la commune portant sur les évolutions prévisionnelles des dépenses et des recettes, en fonctionnement comme en investissement. Sont notamment précisées les hypothèses d'évolution retenues pour construire le projet de budget, notamment en matière de concours financiers, de fiscalité, de tarification, de subventions ainsi que les principales évolutions relatives aux relations financières entre la commune et l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elle est membre. 2° La présentation des engagements pluriannuels, notamment les orientations envisagées en matière de programmation d'investissement comportant une prévision des dépenses et des recettes. Le rapport présente, le cas échéant, les orientations en matière d'autorisation de programme. 3° Des informations relatives à la structure et la gestion de l'encours de dette contractée et les perspectives pour le projet de budget. Elles présentent notamment le profil de l'encours de dette que vise la collectivité pour la fin de l'exercice auquel se rapporte le projet de budget. Les orientations visées aux 1°, 2° et 3° devront permettre d'évaluer l'évolution prévisionnelle du niveau d'épargne brute, d'épargne nette et de l'endettement à la fin de l'exercice auquel se rapporte le projet de budget. B. - Dans les communes de plus de 10 000 habitants, le rapport prévu au troisième alinéa de l'article L. 2312-1, présenté par le maire au conseil municipal, comporte, au titre de l'exercice en cours, ou, le cas échéant, du dernier exercice connu, les informations relatives : 1° A la structure des effectifs ; 2° Aux dépenses de personnel comportant notamment des éléments sur la rémunération tels que les traitements indiciaires, les régimes indemnitaires, les nouvelles bonifications indiciaires, les heures supplémentaires rémunérées et les avantages en nature ; 3° A la durée effective du travail dans la commune. Il présente en outre l'évolution prévisionnelle de la structure des effectifs et des dépenses de personnel pour l'exercice auquel se rapporte le projet de budget. Ce rapport peut détailler la démarche de gestion prévisionnelle des ressources humaines de la commune. Ce rapport peut s'appuyer sur les informations contenues dans le rapport sur l'état de la collectivité prévu au dixième alinéa de l'article 33 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. C. - Le rapport prévu à l'article L. 2312-1 est transmis par la commune au président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elle est membre dans un délai de quinze jours à compter de son examen par l'assemblée délibérante. Il est mis à la disposition du public à l'hôtel de ville, dans les quinze jours suivants la tenue du débat d'orientation budgétaire. Le public est avisé de la mise à disposition de ces documents par tout moyen. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le rapport sur les orientations budgétaires présenté au conseil municipal de la commune de Noisy-le-Sec, ville de plus de 44 000 habitants, a fait l'objet d'un débat au sein de celui-ci, acté par une délibération du 1er décembre 2016, et a constitué la source principale d'information des élus en vue de l'adoption le 19 janvier 2017 du budget primitif de l'exercice 2017. Or il résulte de ce rapport qu'il ne comporte pas certaines des informations exigées par les dispositions, mentionnées au point 2, de l'article D. 2312-3 du code général des collectivités territoriales. Il y manque ainsi en particulier des éléments sur les dépenses de personnel, les traitements indiciaires, les régimes indemnitaires, les nouvelles bonifications indiciaires, les heures supplémentaires rémunérées, les avantages en nature et le temps de travail des agents, ainsi que sur l'évolution prévisionnelle de la structure des effectifs et des dépenses de personnel pour l'exercice auquel se rapporte le projet de budget. S'agissant de l'endettement, il n'a fait l'objet que d'un diagramme et deux camemberts qui ne sont pas de nature à eux seuls à fournir des informations relatives à la gestion de l'encours de dette contractée et au profil de cet encours, ni les orientations permettant d'évaluer l'évolution prévisionnelle du niveau d'épargne brute, d'épargne nette et de l'endettement à la fin de l'exercice auquel se rapporte le projet de budget. Il suit de là que, du fait des insuffisances et lacunes affectant le rapport sur les orientations budgétaires, la procédure d'approbation du budget primitif de la commune de Noisy-le-Sec pour 2017 est entachée d'irrégularité.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales : " Le budget de la collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre, les recettes et les dépenses ayant été évaluées de façon sincère, et lorsque le prélèvement sur les recettes de la section de fonctionnement au profit de la section d'investissement, ajouté aux recettes propres de cette section, à l'exclusion du produit des emprunts, et éventuellement aux dotations des comptes d'amortissements et de provisions, fournit des ressources suffisantes pour couvrir le remboursement en capital des annuités d'emprunt à échoir au cours de l'exercice. ".

5. D'une part, s'agissant de l'inscription d'un emprunt de 8 136 000 euros au budget primitif pour 2017, M. B... soutient qu'aucune justification d'un engagement écrit ou avis favorable d'un organisme prêteur n'a été apportée afin de fonder les recettes prévisionnelles correspondantes portées audit budget. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Noisy-le-Sec, pourtant en mesure de fournir les éléments de nature à infirmer les allégations du requérant, aurait établi la réalité ou la vraisemblance de l'octroi de cet emprunt par un organisme bancaire et, par conséquent, la sincérité de l'inscription budgétaire correspondante, alors même que l'intéressé soutient que, du fait de l'endettement ou des capacités de remboursement de la collectivité, cet emprunt doit être regardé comme purement aléatoire. D'autre part, s'agissant de l'inscription de subventions au budget primitif pour 2017, la commune de Noisy-le-Sec se prévaut de l'attribution d'une subvention de 240 000 euros par le ministère chargé des sports, d'une subvention de 1 770 000 euros par la région Ile-de-France et d'une subvention de 2 500 000 euros correspondant au fonds de concours de la ZAC du quartier durable de la plaine de l'Ourcq pour les travaux de reconstruction du groupe scolaire Jean-Renoir. Toutefois, en ce qui concerne la subvention de la région Ile-de-France, la commune de Noisy-le-Sec se borne à produire des courriers d'élus en date des 10 avril 2014 et 24 septembre 2014 l'informant de l'allocation d'une subvention de 1 501 500 euros pour le projet d'aménagement des espaces publics du quartier de La Boissière et d'une subvention de 1 160 250, 00 euros dans le cadre du dispositif " quartier Londeau - travaux d'aménagement des espaces extérieurs du Londeau ", dont le montant cumulé ne correspond pas à l'inscription de la somme précitée de 1 770 000 euros dans le budget primitif 2017. D'autre part, la subvention inscrite de 203 496 euros dédiée à la construction de logements sociaux a été accordée non pas à la commune mais à un bailleur social. Ainsi, la commune de Noisy-le-Sec ne justifie pas de la sincérité de l'évaluation des sommes représentatives du prêt et des subventions ci-dessus, inscrites au budget primitif pour 2017, ni, par conséquent, de la réalité de l'équilibre réel de la section d'investissement. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que la commune de Noisy-le-Sec a méconnu les exigences d'évaluation sincère des recettes et des dépenses et d'équilibre réel de la section de fonctionnement et de la section d'investissement, lesquelles, prescrites par les dispositions, mentionnées au point 4, de l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales, constituent des conditions de la légalité des délibérations budgétaires. Par suite, la délibération n° 3 du 19 janvier 2017 par laquelle le conseil municipal de Noisy-le-Sec a adopté le budget primitif de l'exercice 2017 doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la délibération n° 2 fixant le produit fiscal attendu et les taux des impôts locaux au titre de l'année 2017 et la délibération n° 4 approuvant les autorisations de programme et les crédits de paiement pour l'année 2017.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Noisy-le-Sec le versement à M. B... d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune défenderesse demande au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700915 du 21 décembre 2017 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Les délibérations n° 3, n° 2 et n° 4 du 19 janvier 2017 du conseil municipal de la commune de Noisy-le-Sec portant respectivement approbation du budget primitif, fixation du produit fiscal attendu et des taux des impôts locaux et approbation des autorisations de programme et des crédits de paiement au titre de l'année 2017 sont annulées.

Article 3 : La commune de Noisy-le-Sec versera à M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Noisy-le-Sec présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 18VE00810 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00810
Date de la décision : 10/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Dispositions financières.

Collectivités territoriales - Commune - Finances communales - Budget.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : MARQUES VIEIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-02-10;18ve00810 ?
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