La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2021 | FRANCE | N°19VE01380

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 27 mai 2021, 19VE01380


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 26 septembre 2017 par laquelle le ministre de l'action et des comptes publics lui a refusé le bénéfice de l'exonération, prévue à l'article 795 A du code général des impôts, des droits de mutation dus au titre de la transmission du Couvent des Soeurs Noires, jardin et parc, situé sur la commune de Vieil Hesdin (Pas-de-Calais).

Une ordonnance du président de la Section du contentieux du Conseil d'État a, sur le fo

ndement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 26 septembre 2017 par laquelle le ministre de l'action et des comptes publics lui a refusé le bénéfice de l'exonération, prévue à l'article 795 A du code général des impôts, des droits de mutation dus au titre de la transmission du Couvent des Soeurs Noires, jardin et parc, situé sur la commune de Vieil Hesdin (Pas-de-Calais).

Une ordonnance du président de la Section du contentieux du Conseil d'État a, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué cette demande au tribunal administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 1750198 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 17 avril 2019 et 12 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter le recours pour excès de pouvoir formé contre cette décision.

Il soutient que :

- la décision du 26 septembre 2017 n'est que la confirmation explicite d'une décision implicite intervenue antérieurement ;

- il résulte de la combinaison des articles 795 A, 641 et 1649 nonies A-1 du code général des impôts et de l'article 281 bis de l'annexe III au même code, que le bénéfice du régime d'exonération des droits de mutation est subordonné au dépôt, dans le délai de six mois, de la déclaration de succession et de la demande de convention, ces deux démarches devant être concomitantes ; la déclaration de succession n'a toutefois été déposée que le 18 mars 2013 soit vingt-et-un mois après la date limite fixée par l'article 641 du code général des impôts ;

- la copie de la demande de convention certifiée par la direction régionale des affaires culturelles n'a pas été remise au service des impôts compétent dans le délai imparti, le dépôt d'une demande de convention auprès de la DRAC dans le délai de six mois ne se substituant pas à cette formalité, prévue par l'article 281 bis de l'annexe III au code précité.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2001-907 du 3 octobre 2001 pris pour l'application au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public ;

- et les observations de Me de Foucher, avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite du décès de leur tante survenu le 18 décembre 2010, MM. Georges et Guy C... ont hérité du Couvent des Soeurs Noires, jardin et parc, situé sur la commune de Vieil Hesdin (Pas-de-Calais) inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques par deux arrêtés de 1981 et 1993. Par décision du 26 septembre 2017, le ministre a refusé à M. A... C... le bénéfice de l'exonération des droits de mutation à titre gratuit prévue par les dispositions de l'article 795 A du code général des impôts, motif pris de la tardiveté du dépôt de la déclaration de succession faisant mention de l'exonération, non accompagnée du projet de convention, lequel n'était au demeurant ni daté si signé. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel du jugement du 28 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article 795 A du code général des impôts :

" Sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit les biens immeubles par nature ou par destination qui sont, pour l'essentiel, classés ou inscrits sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, ainsi que les biens meubles qui en constituent le complément historique ou artistique, dès lors que les héritiers, les donataires ou les légataires ont souscrit avec les ministres chargés de la culture et des finances une convention à durée indéterminée prévoyant le maintien dans l'immeuble des meubles exonérés et leurs conditions de présentation, les modalités d'accès du public ainsi que les conditions d'entretien des biens exonérés, conformément à des dispositions types approuvées par décret. (...) ". Aux termes de l'article 281 bis de l'annexe III au code précité : " I. - Les héritiers, donataires ou légataires qui demandent à bénéficier des dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 795 A du code général des impôts doivent remettre au service des impôts compétent pour enregistrer l'acte de donation ou la déclaration de succession, dans les délais prévus pour cet enregistrement, une copie de la demande de convention ou d'adhésion à une convention existante, certifiée par le service du département de la culture compétent. (...)". Aux termes de l'article 641 du même code : " Les délais pour l'enregistrement des déclarations que les héritiers, donataires ou légataires ont à souscrire des biens à eux échus ou transmis par décès sont : / De six mois,

à compter du jour du décès (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1649 nonies du code général des impôts : " I. - Nonobstant toute disposition contraire, les agréments auxquels est subordonné l'octroi d'avantages fiscaux prévus par la loi sont délivrés par le ministre chargé du budget. Sauf disposition expresse contraire, toute demande d'agrément auquel est subordonnée l'application d'un régime fiscal particulier doit être déposée préalablement à la réalisation de l'opération qui la motive. (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées qu'un contribuable doit, pour bénéficier de l'exonération des droits de mutation prévue par les dispositions de l'article 795 A précité, remettre au service des impôts, dans le délai de six mois à compter du jour du décès, une copie de la demande de convention mentionnée à ce dernier article. En revanche, il ne résulte d'aucune disposition du code général des impôts que le dépôt de la déclaration de succession au-delà du délai fixé à l'article 641 du code général des impôts ferait, par lui-même, obstacle au bénéfice de l'exonération des droits de mutation prévues à l'article 795 A de ce code. Dans ces conditions, et ainsi que l'a jugé le tribunal, en refusant la demande de M. C... au motif qu'il n'avait pas remis, dans le délai de six mois prévu à l'article 641 du code général des impôts précité, la déclaration de succession, le ministre de l'action et des comptes publics a commis une erreur de droit. Les seules circonstances, mentionnées à titre surabondant dans la décision attaquée, tirées de ce que la déclaration de succession déposée en 2013 n'était pas accompagnée du projet de convention et que le projet de convention n'aurait pas été signé, ce que conteste M. C..., ne sont pas à elles seules de nature à justifier le refus en litige, alors au demeurant qu'aucun motif de fond n'a été opposé.

5. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

6. Pour établir que la décision attaquée était légale, le ministre de l'action et des comptes publics invoque, pour la première fois en cause d'appel, dans son mémoire en réplique communiqué à M. C..., un autre motif, tiré de l'absence d'accomplissement de la formalité requise par l'article 281 bis de l'annexe III au code général des impôts. Il ressort, en effet, des pièces du dossier que la copie de la demande de convention certifiée par la direction régionale des affaires culturelles n'a pas été remise au service des impôts compétent dans le délai imparti de six mois à compter du jour du décès, mais seulement déposée auprès des services de la DRAC, ainsi qu'il résulte du courrier du 17 juin 2011, ce qui ne saurait permettre de regarder comme remplie la formalité exigée par les dispositions précitées de l'article 281 bis de l'annexe III au code général des impôts. Le ministre aurait pris la même décision s'il avait entendu initialement se fonder sur ce motif, lequel ne prive le contribuable, qui a été mis à même de le discuter, d'aucune garantie de procédure et qui, à lui seul, est de nature à fonder légalement la décision attaquée. Il y a dès lors lieu de procéder à la substitution de motif demandée.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics, que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé sa décision du 26 septembre 2017.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil en date du 28 février 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... est rejetée ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 19VE01380


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01380
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-02-01-02-01 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Questions communes. Pouvoirs du juge fiscal. Recours pour excès de pouvoir.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : DE FOUCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-05-27;19ve01380 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award