La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2021 | FRANCE | N°20VE02581-20VE02582

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 09 juillet 2021, 20VE02581-20VE02582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Prevor a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 avril 2014 de l'inspectrice du travail refusant d'autoriser le licenciement pour motif personnel de Mme A....

Par un jugement n° 1405369 du 5 novembre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision.

Procédure initiale devant la cour :

I. - Par un recours, enregistré le 22 décembre 2015 sous le n° 15VE03930, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation

professionnelle et du dialogue social, a demandé à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Prevor a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 avril 2014 de l'inspectrice du travail refusant d'autoriser le licenciement pour motif personnel de Mme A....

Par un jugement n° 1405369 du 5 novembre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision.

Procédure initiale devant la cour :

I. - Par un recours, enregistré le 22 décembre 2015 sous le n° 15VE03930, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, a demandé à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par la société Prevor devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

.....................................................................................................................

II.- Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2016 sous le n° 16VE00017, Mme C... A..., représentée par Me Ruault, avocat, a demandé à la cour :

1° d'annuler le même jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par la société Prevor devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.....................................................................................................................

Par un arrêt n° 15VE03930-16VE00017 du 26 juin 2018, la cour de céans a annulé le jugement n° 1405369 du 5 novembre 2015 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et a rejeté la demande de première instance présentée par la société Prevor.

Par une décision n° 423062 du 7 octobre 2020, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour après renvoi :

I.- Par un mémoire, enregistré le 8 avril 2021 sous le n° 20VE02581, la société Prevor, représentée par Me Cazin, avocat, conclut, à titre principal, au rejet du recours du ministre chargé du travail, subsidiairement, à l'annulation de la décision du 4 avril 2014 de l'inspectrice du travail, et, en tout cas, à la mise à la charge de l'Etat du versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II.- Par un mémoire, enregistré le 8 avril 2021 sous le n° 20VE02582, la société Prevor, représentée par Me Cazin, avocat, conclut, à titre principal, au rejet de la requête de Mme A..., subsidiairement, à l'annulation de la décision du 4 avril 2014 de l'inspectrice du travail, et, en tout cas, à la mise à la charge de l'Etat du versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour la société Prevor.

Considérant ce qui suit :

1. Il y a lieu de joindre les requêtes nos 20VE02581 et 20VE02582 dirigées à l'encontre du même jugement n° 1405369 du 5 novembre 2015 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., employée par la société Prevor et salariée protégée, a fait l'objet d'une demande d'autorisation de licenciement. Par une décision du 4 avril 2014, l'inspectrice du travail a refusé de délivrer cette autorisation. Par un jugement n° 1405369 du 5 novembre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision, contestée devant lui par la société Prevor, au seul motif que le lien entre la candidature de Mme A... aux élections professionnelles et la demande d'autorisation de licenciement n'était pas établi. Sur appels du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et de Mme A..., la cour de céans a, par un arrêt n° 15VE03930-16VE00017 du 26 juin 2018, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société Prevor devant le tribunal administratif. Sur la demande de cette société, le Conseil d'Etat a, par une décision n° 423062 du 7 octobre 2020, annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort du jugement attaqué du 5 novembre 2015 que les premiers juges ont annulé la décision du 4 avril 2014 par laquelle l'inspectrice du travail avait rejeté la demande d'autorisation de licencier Mme A... présentée par la société Prevor, au seul motif que le lien entre la candidature de Mme A... aux élections professionnelles et la demande d'autorisation de licenciement n'était pas établi, sans se prononcer sur le bien-fondé des autres motifs tirés d'un vice dans la procédure de consultation du comité d'entreprise et de l'absence d'exposé de faits fautifs précis à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement. Ce faisant, le tribunal, qui a censuré le motif de refus ci-dessus, n'a pas vérifié si les autres motifs retenus par l'inspectrice du travail étaient de nature à justifier le refus qu'elle avait opposé à la demande de licenciement de Mme A... présentée par la société Prevor. Dès lors, le ministre du travail est fondé à soutenir que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a pas épuisé son pouvoir juridictionnel. Par suite, le jugement entrepris est irrégulier et doit pour ce motif être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Prevor devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. /(...). ".

6. Il ressort de la décision du 4 avril 2014 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser la société Prevor à licencier Mme A... qu'elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle répond ainsi à l'exigence de motivation prévue par les dispositions spéciales de l'article R. 2421-12 du code du travail.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel, d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie. /( /(...). La demande énonce les motifs du licenciement envisagé. /(...). ". Lorsqu'un employeur demande à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier un salarié protégé, il lui appartient de faire précisément état dans sa demande, ou le cas échéant dans un document joint à cet effet auquel renvoie sa demande, de la cause ou des motifs justifiant, selon lui, le licenciement. Par ailleurs, l'inspecteur du travail ne peut, pour accorder l'autorisation demandée, se fonder sur d'autre motifs que ceux énoncés dans la demande.

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement de Mme A..., remise le 7 février 2014 à l'inspection du travail, la société Prevor a indiqué que ce licenciement était envisagé pour les motifs tirés de l'incapacité de cette salariée à organiser son équipe, ce qui entraîne une surcharge de travail pour les membres de son groupe et a engendré la souffrance au travail d'une collègue, du refus de l'intéressée d'assumer sa responsabilité sur ce point et du fait que la désorganisation et l'incompétence de celle-ci entraînent un nombre très important de fautes et erreurs techniques inacceptables. Ainsi, ni cette demande, ni le document annexé qui se borne à renvoyer à plusieurs dizaines de pièces ne font état avec précision de la cause ou des motifs justifiant, selon l'employeur, le licenciement de sa salariée protégée. Par suite, la société Prevor n'est pas fondée à soutenir que l'inspectrice du travail aurait entaché sa décision de refus d'erreur de droit.

9. Par ailleurs, contrairement aux allégations du ministre chargé du travail, l'inspectrice du travail, pour relever l'éventuelle absence de motivation suffisamment précise de la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Prevor, permettant à l'autorité administrative d'identifier le motif du licenciement, était nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits de l'espèce et ne se trouvait donc pas en situation de compétence liée pour refuser l'autorisation sollicitée.

10. En troisième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé.

11. Il ressort de la décision du 4 avril 2014 de l'inspectrice du travail qu'elle a retenu les circonstances, d'une part, qu'alors que le 14 octobre 2013 Mme A... s'était portée candidate, en qualité de suppléante du collège cadres, aux élections partielles de la délégation unique du personnel prévues les 21 octobre et 4 novembre 2013, elle fut convoquée le 15 avril 2013 par son employeur à un entretien d'évaluation fixé au lendemain et se concluant par une " proposition de rétrogradation ", et, d'autre part, que la société Prevor avait saisi le 29 octobre 2013 le Tribunal d'instance de Pontoise aux fins de contester la candidature de l'intéressée aux élections professionnelles ci-dessus, pour estimer qu'un " lien entre la candidature de la salariée et la procédure de licenciement ne pouvait être exclu. Toutefois, à la lecture des pièces du dossier, ces circonstances ne suffisent pas, compte tenu des antécédents et l'ancienneté des griefs formulés à l'encontre de la salariée, tenant à ses difficultés d'organisation et d'encadrement et leurs conséquences sur les conditions de travail de ses subordonnés, relevées notamment par le comité d'entreprise et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, à établir que le projet de licenciement de Mme A... serait en relation avec la candidature, au demeurant avortée, de celle-ci à un mandat de représentation. Par suite, la société Prevor est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu ce motif opposé par l'inspectrice du travail.

12. En quatrième et dernier lieu, pour rejeter la demande d'autorisation de licencier Mme A... présentée par la société Prevor, l'inspectrice du travail a estimé que l'absence de consultation de l'ensemble des membres du comité d'entreprise tenu le 27 janvier 2014 avait vicié la procédure. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la société Prevor justifie avoir convoqué M. E..., membre suppléant de la délégation unique du personnel à cette réunion du comité d'entreprise. Par suite, la société Prevor est fondée à soutenir que ce motif retenu par l'inspectrice du travail n'était pas fondé.

13. Si deux des trois motifs de la décision de l'inspectrice du travail rejetant la demande d'autorisation de licencier Mme A... présentée par la société Prevor sont infondés comme il est dit aux points 11 et 12, il résulte de l'instruction que l'inspectrice du travail aurait pris la même décision de refus si elle n'avait retenu que le motif, fondé, mentionné au point 8 du présent arrêt. Par suite, la société Prevor n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 4 avril 2014 de l'inspectrice du travail refusant de l'autoriser à licencier Mme A....

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la gravité des fautes reprochées à Mme A..., que la demande présentée par la société Prevor devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées en première instance et en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Prevor le versement à Mme A... de la somme qu'elle demande à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1405369 du 5 novembre 2015 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Prevor devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la société Prevor et celles de Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

Nos 20VE02581...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02581-20VE02582
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : RUAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-07-09;20ve02581.20ve02582 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award