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19/10/2021 | FRANCE | N°20VE00448

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 19 octobre 2021, 20VE00448


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société VSR a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2009, 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre des périodes correspondantes.

Par un jugement n° 1706195 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a déchargé la société VSR des

amendes pour non-désignation des bénéficiaires des sommes distribuées, à concurrence de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société VSR a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2009, 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre des périodes correspondantes.

Par un jugement n° 1706195 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a déchargé la société VSR des amendes pour non-désignation des bénéficiaires des sommes distribuées, à concurrence de la somme totale de 118 421 euros (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 février 2020, le 9 avril 2021 et le 16 septembre 2021, la société VSR, représenté par Me Hoin, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler l'article 2 du jugement attaqué ;

2° de prononcer, pour la période courant de juin 2008 à septembre 2011, la décharge des rappels de TVA pour 89 937 euros ainsi que celles des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés à hauteur de 75 376 euros ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- la procédure de taxation d'office ne pouvait être utilisée en l'absence de mise en demeure qui lui aurait été adressée par l'administration de déposer sa déclaration n° 2065 et ses annexes ;

- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 25 juin 2013 ne lui a pas été notifié et que les conséquences financières découlant de cet avis ne lui ont pas été intégralement notifiées ;

- elle n'a jamais émis les factures litigieuses, réalisé les prestations facturées, disposé ou encaissé les chèques clients que l'administration fiscale lui a opposées ;

- l'administration fiscale aurait dû se fonder sur des constatations propres à l'entreprise pour déterminer les résultats imposables, ce qu'elle n'a pas fait.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham, première conseillère,

- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société VSR exerce, selon ses statuts, son activité dans le domaine du bâtiment. A la suite d'une vérification de sa comptabilité, l'administration lui a proposé des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à raison de sommes réglées par des clients de cette société et non comptabilisées par celle-ci. La société VSR a demandé au tribunal la décharge, en droits, majorations, intérêts de retard et amendes, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a ainsi été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et des rappels de TVA mis à sa charge au titre des périodes correspondantes. Elle relève régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Versailles en tant, après l'avoir déchargée des amendes pour non-désignation des bénéficiaires des sommes distribuées, à concurrence de la somme totale de 118 421 euros, il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, l'administration a produit le courrier du 5 juin 2010, distribué le 9 juillet 2010, par lequel la société VSR a été mise en demeure de produire une déclaration n° 2065 de ses résultats. Par suite, le moyen tiré du recours irrégulier à la procédure de taxation d'office doit être écarté.

3. En deuxième lieu, la société VSR soutient que l'avis rendu le 25 juin 2013 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, mentionné à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, ne lui a jamais été notifié. L'administration produit toutefois un courrier du 14 janvier 2014, présenté le 16 janvier 2014 et distribué le 31 janvier 2014 indiquant les bases de rehaussement finalement décidées après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et mentionnant cet avis comme joint audit courrier. La société requérante ne peut alléguer utilement que ce courrier n'était pas accompagné dudit avis, alors qu'elle n'établit pas avoir accompli les diligences nécessaires pour en obtenir communication. Au vu de ces éléments, est sans incidence la circonstance que ledit courrier indiquait être composé seulement de huit feuilles, alors que la notification dudit avis impliquait nécessairement dix feuilles. De surcroît et en tout état de cause, la circonstance que l'accusé de réception de la lettre du 14 janvier 2014 indique un courrier n° 2230 alors que l'avis produit en première instance par l'administration figure sur un imprimé n° 2220 n'est pas de nature à révéler l'absence de notification de cet avis, dès lors que, selon la circulaire référencée BOI-CF-CMSS-20-40-30, la minute de l'avis est portée sur un imprimé n° 2220, alors que la notification de cet avis se fait sur un imprimé nos 2224 et 2230 à 2233, selon le type d'affaire. Enfin, la seule circonstance que la numérotation de cet avis soit manuscrite alors que celle du reste du courrier du 15 avril 2014 est typographiée, ne suffit pas, à elle seule, à établir une falsification de la part de l'administration fiscale.

4. En troisième lieu, la société VSR ne peut utilement faire valoir que les conséquences financières découlant de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne lui auraient pas été intégralement notifiées, alors qu'elle n'a pas accompli les diligences nécessaires pour obtenir les pages prétendument manquantes du courrier du 14 janvier 2014.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 66 du même livre : " Sont taxés d'office : (...) / 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 68 de ce livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. (...) ". Il résulte de l'instruction que la société VSR, dont il est constant qu'elle n'a pas déposé sa déclaration de résultat de l'exercice clos en 2009 dans le délai de trente jours suivant la notification de la mise en demeure qui lui a été notifiée par l'administration en ce sens, a été assujettie à des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2009 selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66, 2° du livre des procédures fiscales. Elle supporte ainsi la charge de la preuve du caractère exagéré de son imposition en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2009. L'administration supporte en revanche la charge de la preuve de suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels la société VSR a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et des rappels de TVA mis à sa charge au titre des trois périodes vérifiées, les rectifications correspondantes ayant été proposées selon la procédure contradictoire et régulièrement contestées.

En ce qui concerne les rectifications en matière de TVA :

6. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts: " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) / 2. La taxe est exigible : / (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) ". L'article 283 de ce même code dispose : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...) / 3. Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. (...) ". Aux termes de l'article L. 131-31 du code monétaire et financier : " Le chèque est payable à vue. Toute mention contraire est réputée non écrite (...) ". Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la taxe sur la valeur ajoutée due à raison d'une prestation de service réglée par chèque par le client est exigible lors de la remise de ce chèque au redevable, dès lors que ce dernier est libre de l'encaisser immédiatement.

7. Il résulte de l'instruction que, par l'exercice de son droit de communication exercé auprès de clients de la société VSR et du tribunal de grande instance, l'administration fiscale a établi que des factures au nom de la société VSR avaient été réglées par certains de ses clients mais que leur existence et leur montant n'avaient pas été inscrits dans sa comptabilité. En outre, seize de ces chèques avaient été encaissés sur un compte de la banque espagnole Santander ouvert au nom de M. A..., associé de la société VSR et compagnon de la gérante de cette société. L'administration fiscale a réintégré le montant de ces factures dans le bénéfice imposable de la société VSR ainsi que dans sa base imposable à la TVA.

8. En premier lieu, la société VSR conteste avoir émis lesdites factures et avoir réalisé les prestations afférentes. Toutefois, il résulte de l'instruction que les copies des factures transmises à l'administration par les clients de la société VSR portent l'en-tête et le cachet de cette dernière. Les prestations de service facturées correspondent aux activités qu'elle exerce, conformément à son objet social. Par ailleurs, la société requérante a indiqué, dans son courrier du 17 janvier 2014 adressé à l'administration, que les factures avaient été émises par M. A..., avant de soutenir que celui-ci n'exerçait aucune activité de gestion au sein de la société. En outre, il résulte de l'instruction que ses clients, sollicités dans le cadre d'un droit de communication, n'ont pas indiqué que ces prestations auraient été réalisées par un tiers et qu'ils les ont réglées par des chèques au nom de la société VSR ou des lettres-chèques envoyées à l'adresse de cette société. Enfin, la société requérante n'établit pas qu'elle n'aurait pas exécuté ces prestations en se bornant à faire valoir qu'elle n'avait, au regard des charges comptabilisées, ni la main d'œuvre ni les matériaux nécessaires pour réaliser ces prestations, alors que sa comptabilité a révélé des omissions importantes. Dans ces conditions, la société VSR, qui n'établit ni qu'elle ne serait pas l'auteur des factures, ni que celles-ci auraient été émises à son insu, doit être regardée comme ayant réalisé ces prestations de service.

9. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la TVA due à raison d'une prestation de service réglée par chèque est exigible lors de la remise de ce chèque au redevable qui, dès lors qu'il est libre de l'encaisser immédiatement, est réputé, sauf circonstance empêchant cet encaissement, comme ayant à sa disposition ces sommes dès ce moment. Par suite, la société VSR, redevable de la taxe figurant sur les factures ainsi réglées par les clients, était tenue de verser celle-ci dès la remise des chèques, peu important que les sommes réglées par ses clients aient été ou non effectivement encaissées. L'argument tiré de ce que l'administration n'aurait pas établi l'encaissement de certains de ces chèques doit dès lors être écarté comme inopérant. De même, la circonstance que la banque espagnole Santander aurait fait preuve de négligence en permettant l'encaissement de chèques au profit de la société VSR sur un compte ouvert au nom de M. A... est sans incidence sur la détermination du redevable de la TVA ainsi collectée. Si la société SVR a soutenu, dans ses observations du 17 janvier 2013, qu'une action judiciaire avait été initiée à l'encontre de la banque espagnole Santander, cette seule circonstance, qui n'est au demeurant pas établie, ne suffit toutefois pas à apporter la preuve, en l'état de l'instruction, que M. A... aurait été manipulé ou que son identité aurait été usurpée.

10. Il résulte de ce qui précède que la société VSR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la TVA figurant sur les factures susmentionnées.

En ce qui concerne les rectifications en matière d'impôt sur les sociétés :

11. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, dans ses rédactions applicables aux exercices d'imposition en litige : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. (...) ".

12. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, il résulte de l'instruction que les prestations de service facturées ont été réalisées et que les clients ont émis des chèques ou lettres chèques en règlement des factures, libellés au nom de la société VSR.

13. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts que les produits sont rattachés à l'exercice de réalisation de la prestation de service, indépendamment de l'encaissement des paiements. Ainsi, la société VSR ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'encaissement des sommes facturées pour contester la réintégration des créances correspondantes dans son actif net au titre des exercices d'imposition en litige. La société requérante ne peut pas plus utilement se prévaloir du fait que la Banque Santander ne pouvait permettre l'encaissement des chèques émis au profit de la société VSR sur le compte ouvert au nom de M. A....

14. En troisième lieu, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne s'est pas fondée sur des constatations propres à l'entreprise pour déterminer le montant de son résultat imposable, dès lors que celle-ci a tenu compte, à titre de réalisme économique, d'un montant de charges correspondant à 30 % du chiffre d'affaires ainsi rectifié, conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qu'elle n'était d'ailleurs pas tenue de suivre.

15. Il résulte de ce qui précède que la société VSR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge.

16. Par suite, il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre, que la société VSR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société VSR est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société VSR et au ministre de l'économie, des

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N° 20VE00448


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