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19/10/2021 | FRANCE | N°21VE01074

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 19 octobre 2021, 21VE01074


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler les articles 4 et 6 de l'arrêté n° 2020-149 du 7 avril 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a interdit jusqu'au 15 avril 2020, au titre des mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 l'accès aux parcs et jardins, aux berges de Seine et aux forêts domaniales du département ainsi que les déplacements liés à l'activité physique individuelle entre 10h00 et 19h00, d'autre par

t, d'annuler l'article 4 de l'arrêté n° 2020-156 du 15 avril 2020 portant mesure...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler les articles 4 et 6 de l'arrêté n° 2020-149 du 7 avril 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a interdit jusqu'au 15 avril 2020, au titre des mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 l'accès aux parcs et jardins, aux berges de Seine et aux forêts domaniales du département ainsi que les déplacements liés à l'activité physique individuelle entre 10h00 et 19h00, d'autre part, d'annuler l'article 4 de l'arrêté n° 2020-156 du 15 avril 2020 portant mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a interdit jusqu'au 11 mai 2020 l'accès aux parcs et jardins, aux berges de Seine et aux forêts domaniales du département.

Par un jugement n°s 2003987-2004053 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 7 avril 2020 du préfet des Hauts-de-Seine et a rejeté le surplus des demandes de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 avril 2021, M. A..., représenté par Me Nunes, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 4 de l'arrêté du 15 avril 2020 du préfet des Hauts-de-Seine ;

2°) d'annuler l'article 4 de l'arrêté n° 2020-156 du 15 avril 2020 portant mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a interdit jusqu'au 11 mai 2020 l'accès aux parcs et jardins, aux berges de Seine et aux forêts domaniales du département ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 900 € au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet n'a justifié d'aucune circonstance locale justifiant que l'adoption de la mesure d'interdiction de l'accès aux parcs et jardins du département ainsi qu'aux berges de Seine, pour les seuls exercices physiques pourtant autorisés, évitait dans tout le département un manquement massif au respect des mesures d'hygiène et de distanciation sociale, et en tout cas sur le territoire de la commune de Levallois-Perret ; le préfet a ainsi méconnu les dispositions du III de l'article 3 du décret du 23 mars 2020 ;

- l'article 4 de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine méconnaît les stipulations de l'article 2§3 du protocole additionnel n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mesure prise par le préfet des Hauts-de-Seine n'était ni nécessaire, ni proportionnée et était ainsi illégale ;

- elle présentait également un caractère général et absolu, faute d'être limitée aux parties fortement peuplées des communes du département ;

- le préfet des Hauts-de-Seine a entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa mesure sur la santé mentale des habitants.

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coudert,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- et les observations de Me Nunes pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 7 avril 2020, le préfet des Hauts-de-Seine a interdit jusqu'au 15 avril 2020, d'une part, l'accès aux parcs et jardins, aux berges de Seine et aux forêts domaniales du département et, d'autre part, les déplacements liés à l'activité physique individuelle entre 10h00 et 19h00. Par un arrêté du 15 avril 2020, le préfet a, d'une part abrogé son arrêté du 7 avril 2020 et, d'autre part, à l'article 4, interdit l'accès aux parcs et jardins, aux berges de Seine et aux forêts domaniales du département. M. A..., habitant de la commune de Levallois-Perret, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir ces deux arrêtés. Par jugement du 15 février 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 7 avril 2020 du préfet des Hauts-de-Seine et a rejeté le surplus des demandes de M. A.... Ce dernier relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 4 de l'arrêté du 15 avril 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Le législateur, par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020.

3. Aux termes de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 23 mars 2020 : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : 1° Restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret ; 2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé (...) ". L'article L. 3131-16 donne compétence au ministre chargé de la santé pour " prescrire toute mesure individuelle nécessaire à l'application des mesures prescrites par le Premier ministre en application des 1° à 9° du I de l'article L. 3131-15. " Enfin, aux termes de l'article L. 3131-17 : " Lorsque le Premier ministre ou le ministre chargé de la santé prennent des mesures mentionnées aux articles L. 3131-15 et L. 3131-16, ils peuvent habiliter le représentant de l'État territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d'application de ces dispositions. ".

4. Aux termes de l'article 3 du décret du 23 mars 2020 modifié : " I. - (...) tout déplacement de personne hors de son domicile est interdit à l'exception des déplacements pour les motifs suivants en évitant tout regroupement de personnes : / (...) 5° Déplacements brefs, dans la limite d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile, liés soit à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d'autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie ; / (...) III. - Le représentant de l'Etat dans le département est habilité à adopter des mesures plus restrictives en matière de trajets et déplacements des personnes lorsque les circonstances locales l'exigent. (...) ".

5. En période d'état d'urgence sanitaire, il appartient aux différentes autorités compétentes de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l'épidémie. Ces mesures, qui peuvent limiter l'exercice des droits et libertés fondamentaux doivent, dans cette mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif de sauvegarde de la santé publique qu'elles poursuivent. A cet égard, le caractère proportionné d'une mesure de police s'apprécie nécessairement en tenant compte de ses conséquences pour les personnes concernées et de son caractère approprié pour atteindre le but d'intérêt général poursuivi. Sa simplicité et sa lisibilité, nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les personnes auxquelles elle s'adresse, sont un élément de son effectivité qui doivent, à ce titre, être prises en considération.

6. Par l'article 4 de l'arrêté en litige du 15 avril 2020, pris sur le fondement des dispositions précitées, le préfet des Hauts-de-Seine a interdit l'accès aux parcs et jardins, aux forêts domaniales ainsi qu'aux berges de la Seine, y compris pour les déplacements prévus par les dispositions du 5° du I de l'article 3 du décret du 23 mars 2020. Pour justifier l'édiction de cette mesure de police, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur la circonstance que le nombre de décès dans le département des Hauts-de-Seine était en hausse et que le nombre de personnes en réanimation ou en soins intensifs restait élevé, le département étant alors classé au deuxième rang des départements les plus touchés par la pandémie. Le préfet a également relevé que le pourcentage de contraventions dressées par rapport au nombre de contrôles effectués était en augmentation par rapport au début du mois d'avril 2020, ce qui traduisait un relâchement de la population dans le respect du confinement.

7. Les circonstances générales ainsi avancées ne sont toutefois pas suffisantes pour justifier de la nécessité de l'interdiction de l'accès aux parcs et jardins, aux forêts domaniales ainsi qu'aux berges de la Seine édictée par l'article 4 de l'arrêté en litige. En effet le préfet des Hauts-de-Seine ne fait état d'aucune circonstance particulière propre aux espaces concernés par cette mesure faisant notamment apparaître qu'ils seraient caractérisés par une concentration de population telle qu'il serait justifié d'en interdire l'accès, alors que le risque de contamination à la covid-19 est, de façon générale, moins élevé en plein air. Le préfet des Hauts-de-Seine ne justifie pas davantage que les manquements au respect du confinement constatés par les services de police seraient liés à la fréquentation de ces espaces et que la mesure prise d'en interdire l'accès serait ainsi nécessaire à l'objectif de sauvegarde de la santé publique. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que la mesure d'interdiction prise, sans que les circonstances locales ne l'exigent, est intervenue en méconnaissance des dispositions précitées du III de l'article 3 du décret du 23 mars 2020.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 4 de l'arrêté du 15 avril 2020 du préfet des Hauts-de-Seine.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Nunes, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Nunes d'une somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 4 du jugement n°s 2003987-2004053 du 15 février 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'article 4 de l'arrêté n° 2020-156 du 15 avril 2020 du préfet des Hauts-de-Seine sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Me Nunes une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Nunes renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

N° 21VE01074 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01074
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : NUNES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-10-19;21ve01074 ?
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