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21/10/2021 | FRANCE | N°20VE01700

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 21 octobre 2021, 20VE01700


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 8 juin 2020 par lequel le préfet de la Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2005031 du 3 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2020, M. A..., rep

résenté par Me Namigohar, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 8 juin 2020 par lequel le préfet de la Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2005031 du 3 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2020, M. A..., représenté par Me Namigohar, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-et-Marne de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- son droit à un procès équitable a été méconnu, son entier dossier individuel sur la base duquel l'arrêté attaqué a été pris n'ayant pas été communiqué par le préfet en cours d'instance devant le tribunal administratif ;

Sur le moyen commun aux différentes décisions contenues dans l'arrêté attaqué :

- cet arrêté a été pris par une autorité incompétente ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- cette décision repose sur des faits et éléments matériellement inexacts ;

- elle a été prise en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa numérotation alors en vigueur ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours :

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- le délai qui lui a été octroyé est insuffisant au regard de sa situation personnelle et du contexte sanitaire de pandémie ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant indien né le 10 mai 1995, est entré en France en août 2015. Par un arrêté du 8 juin 2020, le préfet de la Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève régulièrement appel du jugement du 3 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes du quatrième alinéa du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin (...) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise ". Il ressort des pièces du dossier soumis au magistrat désigné que l'affaire était en état d'être jugée et que le principe du contradictoire a été respecté. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu tant des éléments produits par le requérant lui-même que des motifs de l'arrêté attaqué, il n'apparaissait pas nécessaire d'ordonner la communication de l'entier dossier de l'intéressé détenu par l'administration. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en raison de ce que le premier juge aurait statué en méconnaissance du principe du contradictoire et du droit au procès équitable, ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions contestées :

3. M. A... reprend en appel les moyens de première instance tirés de ce que les décisions contestées auraient été prises par une autorité incompétente pour ce faire et du défaut de motivation de ces décisions. Or, M. A... n'invoque au soutien de ces moyens aucun argument de fait ou de droit nouveau. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif aux points 3. à 6. du jugement attaqué.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa numérotation alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

5. M. A... reprend encore en appel le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas, avant de prendre la décision contestée, procédé à un examen de sa situation personnelle au regard des éléments qui avaient été portés à sa connaissance. Il n'invoque au soutien de ce moyen aucun argument de fait ou de droit nouveau. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif au point 7. du jugement attaqué.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-et Marne se serait fondé sur des faits inexacts ou qu'il aurait fait une inexacte application des dispositions citées au point 4 dès lors que M. A..., auquel un récépissé de demande de titre de séjour n'a pas été délivré, se borne à démontrer, par les pièces qu'il produit, d'une part, qu'un visa à entrées multiples valable du 28 juillet 2015 au 27 septembre 2015, pour un séjour de trente jours, lui a été délivré par les autorités grecques et qu'il s'est rendu en avion de l'aéroport d'Athènes à Paris Charles de Gaulle le 9 août 2015, sans justifier pour autant de la date certaine de sa dernière entrée sur le territoire français ni de la régularité de cette entrée, alors qu'il n'a pas signalé son entrée en France en provenance d'un autre État de l'Union européenne, en violation des articles L. 531-2 et R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne produit aucun justificatif d'un séjour en France avant le mois de juillet 2016, d'autre part, qu'un rendez-vous lui a été fixé à la sous-préfecture d'Argenteuil (Val-d'Oise), le 10 novembre 2020, pour un examen de sa situation administrative. Ces éléments sont ainsi sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

8. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement obliger un ressortissant étranger à quitter le territoire français que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

9. M. A... fait encore valoir qu'il est présent sur le territoire français depuis le 9 août 2015, qu'il est convoqué à la sous-préfecture d'Argenteuil (Val-d'Oise) le 10 novembre 2020 pour un examen de sa situation administrative, qu'il est hébergé par sa famille et dispose d'une adresse stable et certaine, qu'il travaille depuis plusieurs années en tant que tireur de câbles, qu'il ne trouble pas l'ordre public et ne s'est jamais soustrait à une mesure d'éloignement. Toutefois, si le requérant produit un billet d'avion à son nom pour un vol entre Athènes et Paris le 9 août 2015, les autres pièces qu'il produit ne permettent pas d'établir sa présence effective et continue sur le territoire français avant le mois de mars 2017 ainsi que la date de sa dernière entrée. Par ailleurs, il ne conteste pas en appel être célibataire, sans charge de famille, et il ressort aussi des pièces du dossier que si l'intéressé a un oncle et des cousins en France, il a déclaré aux services de gendarmerie l'ayant auditionné, le 8 juin 2020, que ses parents et ses frères résident dans son pays d'origine, où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt ans. En outre, si M. A... occupe, depuis le 2 novembre 2017, un emploi à temps complet de tireur de câbles au sein de la société " Entica ", dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, cette circonstance ne saurait suffire à caractériser l'ancienneté de son insertion professionnelle depuis son arrivée alléguée sur le territoire français. Enfin, par la seule production d'attestations établies par un oncle, par trois de ses cousins et par un ami, et en se bornant à faire valoir qu'il ne trouble pas l'ordre public et ne s'est jamais soustrait à une mesure d'éloignement, le requérant n'établit pas l'intensité de son insertion sociale en France, autre que professionnelle. Dès lors, eu égard à ces éléments, M. A... ne démontre pas qu'il remplissait les conditions de délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire en application des dispositions prévues au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement pour ce motif. Par suite, ce moyen doit être écarté.

10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9., M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant la décision contestée, le préfet de la Seine-et-Marne aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-et-Marne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de M. A... doit aussi être écarté, pour les mêmes motifs.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision par laquelle le préfet de la Seine-et-Marne a obligé M. A... à quitter le territoire français n'est pas illégale. Par suite, le requérant n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle fixant le délai de départ volontaire.

12. En second lieu, le délai de trente jours accordé à M. A... pour exécuter la décision l'obligeant à quitter le territoire français constitue un délai équivalent au délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application des dispositions de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008. Par ailleurs, il ne ressort des pièces du dossier, ni que le requérant aurait demandé au préfet de la Seine-et-Marne à bénéficier d'une prolongation de ce délai de trente jours, ni même qu'il justifierait d'éléments relatifs à sa situation personnelle rendant nécessaire cette prolongation, ainsi qu'il a été dit au point 10. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-et-Marne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle du requérant doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision par laquelle le préfet de la Seine-et-Marne a obligé M. A... à quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire ne sont pas illégales. Par suite, le requérant n'est pas fondé à invoquer de nouveau en appel, par la voie de l'exception, l'illégalité de ces décisions à l'encontre de celle fixant le pays de destination.

14. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

15. M. A... fait valoir qu'un retour en Inde, où l'épidémie de covid-19 est en pleine expansion, l'exposerait à un risque sanitaire élevé. Toutefois, l'intéressé, qui est né en 1995 et ne démontre pas être dans une situation de vulnérabilité en affirmant sans autre précision qu'il bénéfice d'un suivi pour une pathologie respiratoire, n'établit pas que la décision de renvoi dans son pays d'origine l'exposerait à un risque médical particulier. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait, d'une part, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. Si M. A... fait encore valoir qu'il n'existe actuellement aucune perspective à son éloignement vers son pays d'origine, en raison de l'épidémie de covid-19, cette circonstance est seulement susceptible de modifier, le cas échéant, les conditions de l'exécution de la décision contestée, mais demeure sans incidence sur sa légalité. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif du 3 juillet 2020. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

2

N° 20VE01700


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01700
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : NAMIGOHAR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-10-21;20ve01700 ?
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