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28/10/2021 | FRANCE | N°19VE01871

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 28 octobre 2021, 19VE01871


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Gennevilliers à lui verser la somme totale de 80 007,71 euros en réparation des préjudices résultant de la mise en danger de sa santé, du refus de la commune de traiter sa déclaration d'accident du travail, de l'abstention de la commune de la placer en congé de grave maladie, de son maintien dans une situation contractuelle irrégulière et de l'absence de mesures destinées à prendre en compte sa déclaration d'

inaptitude, et de mettre à la charge de la commune de Gennevilliers la somm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Gennevilliers à lui verser la somme totale de 80 007,71 euros en réparation des préjudices résultant de la mise en danger de sa santé, du refus de la commune de traiter sa déclaration d'accident du travail, de l'abstention de la commune de la placer en congé de grave maladie, de son maintien dans une situation contractuelle irrégulière et de l'absence de mesures destinées à prendre en compte sa déclaration d'inaptitude, et de mettre à la charge de la commune de Gennevilliers la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701404 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 20 mai 2019 et le 4 mai 2021, Mme B..., représentée par Me Deschamps, avocate, demande à la cour dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Gennevilliers à lui verser la somme totale de 68 747,71 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Gennevilliers la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de première instance n'était pas tardive ;

- le tribunal administratif a entaché sa décision d'erreur de droit, d'erreur de fait, d'erreur d'appréciation, de contradiction de motifs et a inversé la charge de preuve ;

- la responsabilité pour faute de la commune est engagée, sans qu'il soit besoin d'établir une intention de nuire, l'administration n'ayant pris aucune mesure de prévention pour assurer la protection de sa santé et de sa sécurité ; elle a été victime de deux malaises sur son lieu de travail en raison d'un surmenage ; le caractère professionnel du second malaise a été reconnu par la commission de recours amiable ; l'employeur a été alerté ;

- la commune n'a accepté de transmettre ses déclarations d'accident de travail que tardivement en mars 2016 après l'intervention du médecin de prévention ; le défaut de diligence de l'administration dans un délai raisonnable est constitutif d'une faute ;

- la commune n'a pas pris en compte sa demande de congé de grave maladie ; le comité médical ne pouvait se prononcer sur le caractère ordinaire de l'arrêt maladie dans la mesure où l'assurance maladie en avait reconnu l'imputabilité au service ; l'avis du comité médical est irrégulier en ce qu'elle n'a pu consulter son dossier, présenter ses observations, solliciter une expertise et se faire assister et en ce que l'avis ne lui a pas été communiqué ; la commune n'est pas liée par cet avis ; elle n'a engagé aucune démarche liée à son inaptitude signalée par le médecin de prévention ; elle n'a pas saisi le médecin agréé ; elle n'a pas pris les mesures nécessaires compte tenu de son état de santé ou ne les a pas prises dans un délai raisonnable ; elle n'a pas mis en œuvre une procédure de reclassement ou de licenciement dans un délai raisonnable ; aucune proposition de reclassement concrète et adaptée n'a été faite ; l'employeur n'a effectué aucune recherche compatible avec les préconisations du médecin de prévention ;

- l'exposante n'a pas été placée dans une position contractuelle régulière, ses contrats ayant été renouvelés pendant plus de sept ans ; elle a été en réalité recrutée sur le fondement de l'article 3.3 loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ;

- il a été illégalement mis fin à ses fonctions ;

- elle a été placée à mi-traitement à compter du 9 mars 2016 puis sans traitement ; son préjudice financier peut être évalué à 15 734,75 euros ;

- les soins nécessaires à son rétablissement s'élèvent à la somme de 4 000 euros ;

- son incapacité de travail doit être réparée par l'allocation d'une somme de 6 940 euros ;

- le préjudice financier résultant du refus de traiter sa déclaration d'accident du travail s'élève à la somme de 3 801 euros ;

- l'absence de placement en congé de grave maladie lui a fait perdre le bénéfice d'une rémunération à plein traitement pendant une année, soit au total la somme de 29 271,96 euros, dont 15 734,75 euros à titre subsidiaire au titre de l'accident de travail et 13 537 euros correspondant à six mois supplémentaires à plein traitement ;

- ses troubles dans les conditions d'existence et son préjudice moral s'élèvent à la somme totale de 9 000 euros.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Derridj, pour la commune de Gennevilliers.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., employée par la commune de Gennevilliers en qualité d'attachée contractuelle du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2016, relève appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 mars 2019 rejetant sa demande tendant à la condamnation de la commune de Gennevilliers à l'indemniser des préjudices qu'elle aurait subis du fait de la mise en danger de sa santé et de l'abstention ou du retard de cette collectivité à prendre les mesures imposées par la dégradation de son état de santé, de l'irrégularité de la situation contractuelle dans laquelle elle aurait été maintenue et de l'illégalité de la décision mettant fin à ses fonctions.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Gennevilliers :

2. En premier lieu, il ne résulte pas des écritures en appel de Mme B... que celle-ci sollicite réparation d'un préjudice né de la carence de la commune à ne pas lui avoir accordé des droits particuliers à la suite de la décision de la commission de recours amiable du 21 février 2017. Par suite, la commune de Gennevilliers n'est pas fondée à soutenir que Mme B... présenterait des conclusions nouvelles en appel.

3. En deuxième lieu, Mme B... a demandé en première instance la condamnation de la commune à lui verser la somme de 3 801 euros au titre du préjudice financier résultant du défaut de traitement de sa déclaration d'accident du travail. Par ailleurs, ses conclusions indemnitaires ont été précédées d'une demande préalable reçue par l'administration le 5 août 2016. Enfin, aucune exception de recours parallèle ne fait obstacle à la recevabilité de ces conclusions.

4. Enfin, la somme totale de 9 000 euros que Mme B... sollicite au titre de ses troubles dans les conditions d'existence et de son préjudice moral correspond exactement à celle qu'elle a sollicitée en dernier lieu en première instance pour ces chefs de préjudice. Par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce qu'elle réduise ses conclusions en cours d'appel.

5. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par la commune de Gennevilliers doivent être écartées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait entaché sa décision d'erreurs de droit, de fait, d'appréciation, de contradiction de motifs et de ce qu'il aurait inversé la charge de preuve se rattachent au raisonnement suivi par les premiers juges et sont sans influence sur la régularité du jugement attaqué. Ils doivent ainsi être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

7. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours (...) ". Aux termes de l'article R. 421-3 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que si une décision implicite est née à la suite de la demande préalable de Mme B... reçue par l'administration le 5 août 2016, cette demande n'a été expressément rejetée que par une décision du maire de Gennevilliers du 7 décembre 2016, notifiée le 13 décembre 2016. Compte tenu des dispositions précitées de l'article R. 421-3 du code de justice administrative dans leur rédaction alors applicable, la commune de Gennevilliers n'est pas fondée à soutenir que la demande de Mme B... était irrecevable au motif que la décision expresse du 7 décembre 2016 était confirmative de la décision implicite opposée à sa demande. Ainsi, la demande de Mme B... enregistrée au greffe du tribunal le 13 février 2017 était recevable.

En ce qui concerne les fautes de la commune de Gennevilliers :

9. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 451-1 et suivants du code de la sécurité sociale qu'un agent contractuel de droit public peut demander au juge administratif la réparation par son employeur du préjudice que lui a causé l'accident du travail dont il a été victime, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du code de la sécurité sociale, lorsque cet accident est dû à la faute intentionnelle de cet employeur ou de l'un de ses préposés. Il peut également exercer une action en réparation de l'ensemble des préjudices résultant de cet accident non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, contre son employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, en cas de faute inexcusable de ce dernier, ou contre une personne autre que l'employeur ou ses préposés, conformément aux règles du droit commun, lorsque la lésion dont il a été la victime est imputable à ce tiers.

10. Si Mme B... a été victime d'un malaise sur son lieu de travail le 15 février 2016 reconnu comme accident du travail par une décision de la commission de recours amiable du 21 février 2017, il ne résulte pas de l'instruction que cet accident est dû à une faute intentionnelle de la commune de Gennevilliers, celle-ci lui ayant au contraire permis de réaliser deux auto-tests sur le burn-out. Si le compte-rendu du comité technique du 29 janvier 2016 concernant l'organisation du centre social et culturel des Grésillons dans lequel Mme B... était affectée fait notamment état d'un climat malsain et de difficultés relationnelles, cet élément ne suffit pas à établir l'existence d'une faute intentionnelle de la commune. L'existence de cette faute n'est pas davantage établie par les deux courriers du médecin de prévention des 4 mars et 7 mars 2016.

11. En outre, Mme B... a également été victime, le 19 novembre 2015, d'un malaise sur son lieu de travail. Toutefois, aucun élément tiré notamment de ce que l'intéressée aurait informé sa hiérarchie des difficultés rencontrées dans l'exercice de ses fonctions, ne permet d'établir que la commune a commis une faute en s'abstenant de prendre antérieurement les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé de Mme B....

12. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 441-1 du code de la sécurité sociale : " La victime d'un accident du travail doit, dans un délai déterminé, sauf le cas de force majeure, d'impossibilité absolue ou de motifs légitimes, en informer ou en faire informer l'employeur ou l'un de ses préposés ". Et aux termes de l'article R. 441-2 de ce code : " La déclaration à laquelle la victime d'un accident du travail est tenue conformément à l'article L. 441-1 doit être effectuée dans la journée où l'accident s'est produit ou au plus tard dans les vingt-quatre heures (...). ". D'autre part, aux termes de l'article L. 441-2 du même code : " L'employeur ou l'un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d'assurance maladie dont relève la victime selon des modalités et dans un délai déterminés (...) ". Et aux termes de l'article R. 441-3 du même code : " La déclaration de l'employeur ou l'un de ses préposés prévue à l'article L. 441-2 doit être faite par lettre recommandée, avec demande d'avis de réception, dans les quarante-huit heures non compris les dimanches et jours fériés (...) ".

13. Il résulte de l'instruction, en particulier des mentions non contestées des déclarations de la commune de Gennevilliers, que Mme B... n'a informé la collectivité avoir été victime d'accidents du travail les 19 novembre 2015 et 15 février 2016 respectivement que les 7 mars 2016 et 18 mars 2016, soit au-delà du délai prévu par les dispositions précitées de l'article R. 441-2 du code de la sécurité sociale. Toutefois, il n'est pas sérieusement contesté, ainsi qu'il résulte des courriers du médecin de prévention des 4 mars 2016 et 7 mars 2016, que l'employeur de Mme B... a initialement refusé de prendre en compte ses déclarations. En outre, si le second malaise de Mme B... a été déclaré par l'employeur le 21 mars 2016, dans le délai prévu par les dispositions de l'article R. 441-3 du code de la sécurité sociale, le premier malaise a en revanche été déclaré par la commune au-delà de ce délai le 15 mars 2016, sans qu'il soit fait état d'aucune circonstance de nature à justifier ce retard. Dans ces conditions, le retard de la commune de Gennevilliers à déclarer les malaises dont Mme B... a été victime sur son lieu de travail, d'ailleurs confirmé par le courrier du maire de Gennevilliers à la caisse d'assurance maladie de Paris du 22 mars 2016, est constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité. Mme B... est fondée à en demander réparation pour autant qu'elle a subi un préjudice en lien direct avec cette faute.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " L'agent contractuel en activité et comptant au moins trois années de services, atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans (...) La décision d'octroi est prise par le chef de service sur avis émis par le comité médical saisi du dossier (...) ". Aux termes de l'article 13 du même décret : " (...) III. - A l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, d'accident du travail, de maladie professionnelle (...), lorsqu'il a été médicalement constaté par le médecin agréé qu'un agent se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, le licenciement ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l'agent dans un emploi que la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement de ces agents n'est pas possible (...) ".

15. Mme B... soutient que la commune de Gennevilliers a commis une faute en s'abstenant de prendre les mesures administratives rendues nécessaires par les deux malaises dont elle a été victime sur son lieu de travail les 19 novembre 2015 et 15 février 2016 et les congés de maladie qui en ont résulté. Toutefois, si Mme B... a demandé à son employeur le bénéfice d'un congé de grave maladie dans sa lettre du 25 septembre 2016, il résulte de l'instruction que le maire de Gennevilliers a saisi à cette fin le comité médical le 17 octobre 2016. La commune doit ainsi être regardée comme ayant mis en œuvre la procédure résultant de la demande de l'agent dans un délai raisonnable. En outre, les documents médicaux produits par Mme B... ne permettent pas d'établir que la commune de Gennevilliers a illégalement refusé de lui accorder un congé de grave maladie, le comité médical dans son avis du 15 juin 2017 ayant seulement estimé que l'intéressée était apte aux fonctions d'attaché contractuel mais inapte aux fonctions d'agent de développement à la direction de la citoyenneté et de la cohésion. Dans ces conditions, à supposer même que cet avis ait été rendu dans des conditions irrégulières, il n'est pas établi que ces irrégularités sont en lien direct avec un préjudice subi Mme B.... Par ailleurs, si le médecin de prévention a émis le 11 juillet 2016 un avis défavorable à la reprise du travail par Mme B..., celle-ci étant selon cet avis inapte définitivement à tout poste dans la collectivité, le maire de Gennevilliers, dans un courrier antérieur du 4 juillet 2016, avait déjà décidé de ne pas renouveler l'engagement de l'intéressée. Dans ces conditions, il n'y avait pas lieu pour la collectivité d'engager une procédure de licenciement pour inaptitude de Mme B... après avoir examiné les possibilités de son reclassement. En tout état de cause, d'une part, l'avis du comité médical précité du 15 juin 2017 ne confirme pas l'inaptitude totale de Mme B... à tout emploi dans la collectivité et, d'autre part, il résulte d'un courrier de Mme B... à son employeur du 13 juillet 2016 qu'elle ne souhaitait pas bénéficier des dispositions relatives au reclassement compte tenu des motifs de son inaptitude. Dans ces conditions, alors même que Mme B... a demandé à son employeur dans ce même courrier de prendre sans délai les dispositions découlant de son inaptitude, la commune n'a commis aucune faute dans la gestion de la situation administrative résultant de son état de santé.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et pour les besoins de continuité du service, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. / Le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an. Il ne peut l'être que lorsque la communication requise à l'article 41 a été effectuée. / Sa durée peut être prolongée, dans la limite d'une durée totale de deux ans, lorsque, au terme de la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, la procédure de recrutement pour pourvoir l'emploi par un fonctionnaire n'a pu aboutir ". Aux termes de l'article 3-3 de cette même loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants (...) Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée ".

17. Il résulte de l'instruction, en particulier des arrêtés portant recrutement d'un agent titulaire non permanent produits par Mme B..., que cette dernière a été recrutée à compter du 1er octobre 2009 pour faire face temporairement et pour une durée d'un an à la vacance d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la loi. Elle doit ainsi être regardée comme ayant été recrutée sur le fondement du 1er alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 repris par les dispositions précitées de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984 et non sur le fondement de l'article 3-3 de cette même loi. Toutefois, ses engagements ont été renouvelés chaque année au-delà de la durée totale de deux ans prévue par ces mêmes dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, la commune n'apportant aucun élément de nature à justifier le renouvellement successif de ces contrats, Mme B... est fondée à soutenir que la commune a commis une faute en renouvelant illégalement ses contrats au-delà du 1er octobre 2011. En revanche, il ne ressort pas des circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la nature des fonctions et à la durée d'emploi de l'intéressée, que le renouvellement des contrats de Mme B... présenterait un caractère abusif.

18. Enfin, si Mme B... soutient que la commune de Gennevilliers a commis une faute en mettant fin illégalement à ses fonctions, motif pris, notamment, qu'elle devait être regardée comme employée sur le fondement d'un contrat à durée indéterminée et comme ayant fait l'objet d'une décision de licenciement, le jugement n° 1701404 du tribunal de Cergy-Pontoise du 19 mars 2019, devenu définitif, a rejeté ses conclusions indemnitaires résultant de l'illégalité de la décision mettant fin à ses fonctions. Dans ces conditions, l'exception de chose jugée invoquée par la commune fait obstacle à qu'il soit de nouveau statué sur ces conclusions.

En ce qui concerne les préjudices :

19. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du décret du 15 février 1988 susvisé : " L'agent contractuel en activité bénéficie en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle d'un congé pendant toute la période d'incapacité de travail jusqu'à la guérison complète, la consolidation de la blessure ou le décès. / L'intéressé a droit au versement par l'autorité territoriale de son plein traitement dans les limites suivantes (...) 3. Pendant trois mois après trois ans de services ".

20. Il résulte des bulletins de paie de Mme B... que celle-ci a été rémunérée à plein traitement au cours des mois de février 2016, mars 2016, mai 2016 et juin 2016. Ainsi, les dispositions précitées de l'article 9 du décret du 15 février 1988 n'ayant pas été méconnues, Mme B... ne saurait en tout état de cause obtenir réparation de la perte de rémunération liée à la circonstance qu'à la suite de son accident du travail du 15 février 2016, elle aurait été placée à mi-traitement à compter du 9 mars 2016 et qu'aucun traitement ne lui aurait été versé après le mois de juillet 2016. En outre, si Mme B... sollicite également réparation de la perte de rémunération résultant de ce qu'elle n'a pas bénéficié d'un congé de grave maladie, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'elle n'établit pas que ce congé lui a été illégalement refusé. Par ailleurs, l'autorité de chose jugée fait obstacle à ce qu'elle obtienne réparation du préjudice financier résultant du non renouvellement de son engagement. Enfin, elle ne justifie pas de l'existence et du montant de son préjudice financier de 3 801 euros résultant d'une erreur de gestion de la commune, des soins nécessaires à son rétablissement qu'elle évalue à la somme de 4 000 euros et de son préjudice de santé qu'elle chiffre à la somme de 6 940 euros.

21. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que si Mme B... est fondée à se prévaloir de son maintien dans une situation contractuelle illégale de 2011 à 2016, l'intéressée, qui n'avait pas droit à l'obtention d'un contrat à durée indéterminée, ne justifie d'aucun préjudice directement en lien avec la faute commise par la commune à avoir renouvelé ses contrats au-delà de la durée de deux ans prévue par les dispositions précitées de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984.

22. Enfin, compte tenu des fautes commises par la commune dans la gestion des déclarations d'accident du travail de Mme B..., il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices en résultant en les évaluant globalement à la somme de 500 euros.

23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B..., qui n'est pas la partie perdante, verse une quelconque somme à la commune de Gennevilliers au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Gennevilliers le versement à Mme B... C... la somme de 2 000 euros à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701404 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 mars 2019 est annulé.

Article 2 : La commune de Gennevilliers est condamnée à verser la somme de 500 euros à Mme B....

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme B... est rejeté.

Article 4 : La commune de Gennevilliers versera la somme de 2 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Gennevilliers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

4

N° 19VE01871


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01871
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : DESCHAMPS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-10-28;19ve01871 ?
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