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30/11/2021 | FRANCE | N°20VE03113

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 30 novembre 2021, 20VE03113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 4 juin 2020 par lequel la préfète d'Eure-et-Loir lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français, d'enjoindre à la préfète d'Eure-et-Loir, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 30 jours

compter de la notification du jugement, l'ensemble sous astreinte de 100 euros par jo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 4 juin 2020 par lequel la préfète d'Eure-et-Loir lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français, d'enjoindre à la préfète d'Eure-et-Loir, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement, l'ensemble sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2002372 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2020, Mme C..., représentée par Me Cote-Zerbib, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 3 novembre 2020 ;

2°) d'enjoindre à la préfète d'Eure-et-Loir, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision, l'ensemble sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est illégale, elle n'aura pas d'accès aux soins en Tunisie au regard de sa domiciliation et de ses revenus ; le médecin de l'agence régionale de santé n'a pas pris en considération cette accessibilité des soins ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale car elle peut bénéficier des dispositions des articles L. 313-11 11° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la contradiction dans ses déclarations, retenues par le tribunal, n'est pas justifiée.

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mauny a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante tunisienne née le 18 août 1953, est entrée en France le 28 mars 2018. Elle a sollicité le 24 décembre 2019 un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 4 juin 2020, la préfète d'Eure-et-Loir a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français. Par un jugement du 3 novembre 2020, dont la requérante fait appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision de refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, le 19 mars 2020, que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, elle pouvait bénéficier en Tunisie d'un traitement approprié. Mme C..., qui souffre notamment d'un diabète insulino-dépendant, d'hypertension artérielle et de problèmes cardiaques et a été opérée d'un cancer nécessitant une surveillance médicale, soutient qu'elle n'aura pas un accès effectif aux traitements et aux soins disponibles en Tunisie eu égard à son éloignement géographique des grands centres urbains et à son impécuniosité. Elle n'établit toutefois pas, par les pièces qu'elle produit, qu'elle ne pourrait pas accéder aux centres de soins ni aux médicaments nécessaires à son état en Tunisie. Il ressort au contraire des pièces du dossier qu'elle y a bénéficié des soins que nécessitait son état de santé et notamment d'une intervention chirurgicale lourde réalisée en 2014. Elle n'établit pas non plus qu'elle ne pourrait pas bénéficier de la couverture de l'assurance maladie tunisienne, quand bien même elle n'apparaît pas y être affiliée actuellement, ni que ses enfants ne pourraient pas continuer à lui apporter une assistance financière pour accéder aux traitements qui lui sont nécessaires. Elle n'établit donc pas que l'arrêté litigieux méconnaitrait le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. A supposer même que Mme C... puisse être regardée comme se prévalant de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est entrée sur le territoire français que deux ans avant la décision attaquée, en provenance de Tunisie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 64 ans. S'il est constant qu'elle est veuve et que plusieurs de ses enfants vivent en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de tout lien familial ou personnel en Tunisie et donc qu'elle y serait isolée. Elle ne justifie donc pas de considérations humanitaires ou de circonstances exceptionnelles au sens de cet article.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français :

5. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure

qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que la requérante a vécu l'essentiel de sa vie en Tunisie et qu'elle ne justifie pas y être isolée. En outre, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le contenu de certaines des déclarations figurant au dossier n'apparaît pas concordant avec d'autres éléments le constituant, et en particulier le compte-rendu du docteur A... B... du 16 janvier 2019 faisant état de cinq grossesses menées à terme. Au regard des éléments produits par la requérante, elle ne justifie donc pas être dépourvue d'attaches familiales en Tunisie. Ainsi, nonobstant les attaches dont elle dispose sur le territoire national, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnait pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Enfin, la requérante ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Il y a donc lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'annulation dudit jugement et, par voie de conséquence, celles présentées aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

2

N° 20VE03113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03113
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : COTE-ZERBIB

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-11-30;20ve03113 ?
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