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08/02/2022 | FRANCE | N°20VE00094

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 08 février 2022, 20VE00094


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Aik Immobilien-Investmentgesellschaft mbH a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution du prélèvement dont elle s'est acquittée en application l'article 244 bis A du code général des impôts, au titre de l'année 2015, à raison de la plus-value de cession d'un ensemble immobilier situé à Levallois-Perret (92), pour un montant de 3 562 338 euros.

Par un jugement n° 1607589 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Aik Immobilien-Investmentgesellschaft mbH a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution du prélèvement dont elle s'est acquittée en application l'article 244 bis A du code général des impôts, au titre de l'année 2015, à raison de la plus-value de cession d'un ensemble immobilier situé à Levallois-Perret (92), pour un montant de 3 562 338 euros.

Par un jugement n° 1607589 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 janvier et 23 octobre 2020, la société Aik Immobilien-Investmentgesellschaft mbH, représentée par Me Rubechi, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la restitution de l'imposition en litige ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a agi pour le compte du fonds immobilier " Grundstücksfonds GVW " détenu par des caisses de retraite en vertu de dispositions du droit allemand qui s'apparentent au contrat de fiducie ; le bien immobilier a ainsi été acquis et revendu au nom et pour le compte d'organismes à but non lucratif qui auraient été exonérés d'impôt sur les sociétés s'ils avaient été résidents fiscaux de France ; l'imposition de la plus-value immobilière réalisée par ce fonds est constitutive d'une discrimination contraire à la liberté de circulation des capitaux ;

- elle est une société de gestion de fonds d'investissements alternatifs (FIA) spéciaux au sens du code allemand des investissements financiers, comparable à une société de gestion d'un fonds de placement immobilier au sens des articles L. 214-71 et suivants du code monétaire et financier ;

- la soumettre au prélèvement en litige constitue une discrimination prohibée par l'article 21 de la convention fiscale conclue entre la France et l'Allemagne, eu égard à la nature de fonds de placement immobilier et à la qualité d'organismes non lucratifs des investisseurs porteurs de parts, dès lors qu'un tel fonds n'aurait pas été soumis à imposition s'il avait été constitué en France.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne du 21 juillet 1959 en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion ;

- les conclusions de M. Met, rapporteur public ;

- et les observations de Me Rubechi, pour la société Aik Immobilien-Investmentgesellschaft mbH.

Considérant ce qui suit :

1. La société Aik Immobilien-Investmentgesellschaft mbH a demandé la restitution du prélèvement de 3 561 982 euros dont elle s'est acquittée en application l'article 244 bis A du code général des impôts, lors de la cession d'un ensemble immobilier situé à Levallois-Perret (92) réalisée pour le compte du fonds d'investissement immobilier " Grundstücks-Fonds GVW " dont elle a la gestion. Elle relève appel du jugement du 12 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de restitution de cette imposition.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. D'une part, aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts : " I.-1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon les taux fixés au III bis. (...) / 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : (...) / b) Les personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont le siège social est situé hors de France ; (...) / d) Les fonds de placement immobilier mentionnés à l'article 239 nonies, au prorata des parts détenues par des porteurs qui ne sont pas domiciliés en France ou dont le siège social est situé hors de France. / 3. Le prélèvement mentionné au 1 s'applique aux plus-values résultant de la cession : / a) De biens immobiliers ou de droits portant sur ces biens ; (...). III.- (...) Par dérogation au III bis et au premier alinéa du présent III, le prélèvement dû par des personnes morales résidentes d'un Etat membre de l'Union européenne (...) est déterminé selon les règles d'assiette et de taux prévues en matière d'impôt sur les sociétés dans les mêmes conditions que celles applicables à la date de la cession aux personnes morales résidentes de France. (...). V.- Le prélèvement mentionné au I est libératoire de l'impôt sur le revenu dû en raison des sommes qui ont supporté celui-ci. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les plus-values résultant de la cession de biens immobiliers situés en France par des personnes morales résidentes d'un Etat membre de l'Union européenne qui seraient imposables à l'impôt sur les sociétés si elles étaient résidentes sont soumises au prélèvement libératoire prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts.

4. D'autre part, aux termes de l'article 207 du code général des impôts : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ; (...) ". Et l'article 261 du même code auquel renvoie l'article 207 dispose que : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7. (Organismes d'utilité générale) : (...) b. les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, (...). "

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les organismes sans but lucratif résidents d'un Etat membre de l'Union européenne qui seraient exonérés d'impôt sur les sociétés s'ils étaient résidents ne peuvent être assujettis au prélèvement libératoire prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts.

6. Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier dans un premier temps, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.

7. La société requérante, constituée sous la forme d'une société d'investissement immobilier à responsabilité limitée (" Immobilien Kapitalanlagegesellschaft mbH "), est assimilable à une société à responsabilité limitée (SARL) et ne soutient pas avoir opté pour le régime d'imposition des sociétés de personnes. Elle est comparable à une société commerciale imposée à l'impôt sur les sociétés en France et, par suite, passible du prélèvement prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts.

8. Au soutien de sa demande de restitution du prélèvement dont elle s'est acquittée spontanément, la société Aik Immobilien-Investmentgesellschaft mbH fait valoir, d'une part, qu'elle a agi en vertu d'un contrat de fiducie-gestion au nom et pour le compte du fonds immobilier " Grundstücksfonds GVW ", constitué par des caisses de retraite allemandes, véritables propriétaires des actifs, qui sont des organismes à but non lucratif exonérés d'impôt sur les sociétés en application des dispositions combinées du 5° bis du 1 de l'article 207 et du b du 7 de l'article 261 du code général des impôts, d'autre part, que son activité est comparable à celle d'un fonds de placement immobilier fiscalement transparent en vertu de l'article 239 nonies du même code.

9. En premier lieu, au terme de l'article 2011 du code civil : " La fiducie est l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires. " En vertu de l'article 2018 du même code, le contrat de fiducie doit déterminer les biens, droits ou sûretés transférés, ainsi que la durée du transfert qui ne peut excéder 99 ans. Selon les articles 2028 et 2029 de ce code, le contrat de fiducie prend fin par le décès du constituant personne physique, par la survenance du terme ou par la réalisation du but poursuivi quand celle-ci a lieu avant le terme, et ne peut être modifié ou révoqué, après acceptation par le bénéficiaire, qu'avec son accord ou par décision de justice. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 238 quater F du code général des impôts : " Le constituant demeure personnellement soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés pour la part de bénéfice correspondant à ses droits représentatifs des biens ou droits transférés dans le patrimoine fiduciaire, proportionnellement à la valeur réelle de ces biens ou droits mis à la date du transfert dans le patrimoine fiduciaire. "

10. Si le contrat conclu par la société requérante avec plusieurs caisses de retraite allemandes prévoit que la société acquiert et gère les actifs du fonds de placement immobilier dans lequel elles ont investi " en son nom propre et pour le compte des investisseurs ", qu'ils sont sa propriété " pour les investisseurs à titre fiduciaire " et qu'ils constituent un patrimoine distinct de son patrimoine propre qu'elle est tenue de gérer conformément aux stipulations contractuelles dans l'intérêt des investisseurs, ce qui rapproche l'objet du contrat d'un contrat de fiducie de droit français, il résulte de l'instruction, notamment du contrat-cadre dans sa version du 24 février 2014 et de ses trois annexes, auxquels les caisses de retraite investisseuses ont souscrit, que ce fonds a été créé à son initiative, qu'elle en a commercialisé les parts matérialisées par des titres au porteur, titres cessibles à d'autres investisseurs dont elle s'est réservée le droit d'émission, que les investisseurs bénéficient auprès d'elle d'un droit de rachat de leurs titres et que la société dispose du droit de résilier à tout moment la gestion du fonds ce qui conduit à sa liquidation. Ces conditions de constitution, cession de parts et résiliation, ne permettent pas de regarder le fonds immobilier " Grundstücksfonds GVW " comme étant géré par la société AIK Aik Immobilien-Investmentgesellschaft mbH en vertu des stipulations contractuelles comparables à un contrat de fiducie de droit français, dans lequel les constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés à un fiduciaire chargé de les gérer et de les restituer à une date donnée, dans le but et selon les modalités déterminées par le constituant du patrimoine fiduciaire. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les caisses de retraite qui ont souscrit à ce fonds étaient personnellement redevables des impositions en vertu de l'article 238 quater F du code général des impôts et en étaient dès lors exonérées en leur qualité d'organismes à but non lucratif à gestion désintéressée.

11. En second lieu, en vertu des dispositions des articles L. 214-71 et suivants du code monétaire et financier, un fonds de placement immobilier est une copropriété dépourvue de personnalité morale, administrée par une société de gestion, composée d'actifs notamment immobiliers, dont les porteurs de parts sont propriétaires. Aux termes de l'article 239 nonies du code général des impôts : " I. Les fonds de placement immobilier sont des organismes de placement collectif immobilier et des organismes professionnels de placement collectif immobilier, mentionnés au (...) code monétaire et financier. / II. 1. Les revenus et profits imposables mentionnés au I de l'article L. 214-81 du code monétaire et financier sont déterminés par la société de gestion du fonds de placement immobilier pour la fraction correspondant aux droits de chaque porteur de parts passibles de l'impôt sur le revenu qui n'a pas inscrit ses parts à son actif professionnel (...). 2. Les porteurs de parts de fonds de placement immobilier mentionnés au 1 sont soumis à l'impôt sur le revenu à raison des revenus et profits distribués par le fonds, au titre de l'année au cours de laquelle cette distribution intervient. (...) / III. Pour les autres porteurs de parts, les revenus et profits mentionnés au I de l'article L. 214-81 du code monétaire et financier sont imposés à la date de leurs distributions pour la fraction correspondant à leurs droits. "

12. Le fonds d'investissement immobilier " Grundstücks-Fonds GVW " ne peut être assimilé à un fonds de placement immobilier au sens des dispositions du code monétaire et financier dès lors qu'aux termes des stipulations contractuelles mentionnées au point 10, notamment de l'article 10 de l'annexe 1 au contrat-cadre relatif aux conditions spéciales de placement régissant les rapports entre les investisseurs et la société requérante, cette dernière est propriétaire des actifs constituant le fonds commun de placement. La société requérante ne peut dès lors se prévaloir de la transparence fiscale prévue par l'article 239 nonies du code général des impôts.

Sur l'application de la convention fiscale franco-allemande :

13. Aux termes de l'article 21 de la convention fiscale conclue le 21 juillet 1959 : " 1) Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que les impositions et les obligations y relatives auxquelles sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation. / 2. Le terme " nationaux " désigne : / (...) 3. Toutes les personnes morales, sociétés de personnes et associations constituées conformément à la législation en vigueur dans un Etat contractant. (...) ".

14. En vertu des dispositions du III de l'article 244 bis A du code général des impôts, rappelées au point 2, le prélèvement dû par des personnes morales résidentes d'un Etat membre de l'Union européenne est déterminé selon les règles d'assiette et de taux prévues en matière d'impôt sur les sociétés dans les mêmes conditions que celles applicables, à la date de la cession, aux personnes morales résidentes de France.

15. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la société Aik Immobilien-Investmentgesellschaft mbH, comparable à une société à responsabilité limitée de droit français, entrait, à raison de la plus-value de cession immobilière qu'elle a réalisée en France, dans le champ d'application du prélèvement prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts, sans pouvoir se prévaloir de l'exonération prévue en faveur des organismes sans but lucratif. Cette imposition déterminée selon les règles d'assiette et de taux applicables aux sociétés résidentes en matière d'imposition sur les sociétés, n'est pas supérieure à la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle aurait été assujettie une société française à raison de la même cession. Il s'ensuit que la discrimination alléguée n'est pas constituée.

16. Enfin, si la requérante invoque également l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, elle n'assortit son moyen d'aucune précision de nature à permettre au juge d'en apprécier la portée.

17. Il résulte de ce qui précède que la société n'est pas fondée à se soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Aik Immobilien-Investmentgesellschaft mbH est rejetée.

N° 20VE00094 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00094
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu. - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. - Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SELAS VALORIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-02-08;20ve00094 ?
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