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10/03/2022 | FRANCE | N°20VE02922

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 10 mars 2022, 20VE02922


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 2 septembre 2019 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1912501 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Val-d'Oise ou au préfet territori

alement compétent de délivrer à Mme B... une carte de séjour portant la mention " vie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 2 septembre 2019 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1912501 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Val-d'Oise ou au préfet territorialement compétent de délivrer à Mme B... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2020, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- Mme B... n'établit pas contribuer à l'entretien et l'éducation de son enfant français au sens des dispositions de l'article 371-2 du code civil ; le fait d'être parent d'enfant français ne confère aucun droit au séjour ; les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues ;

- l'arrêté, qui n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme B... de ses enfants, ne porte pas atteinte à leur intérêt supérieur et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- et les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Val-d'Oise relève appel du jugement du 13 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 2 septembre 2019 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 4 juillet 1988, faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, et lui a enjoint de délivrer à Mme B... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Le tribunal administratif a annulé l'arrêté en litige aux motifs qu'en refusant de délivrer à Mme B... " un titre de séjour qui seul pourrait lui permettre de subvenir effectivement aux besoins de son enfant français qui a vocation à résider en France et qui vit avec elle ", le préfet du Val-d'Oise a porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de l'article 55 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est hébergée par le SAMU social dans un hôtel situé à Argenteuil avec ses deux enfants mineurs nés en France les 8 février 2016 et 2 septembre 2017. Il est constant que le second de ses enfants est ressortissant français et qu'il réside en France avec sa mère dans cet hôtel. Toutefois, il n'est pas établi que le père de cet enfant français contribue de quelque manière à son entretien et son éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil. En outre, aucune décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant n'est produite. Dès lors, conformément aux dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit au séjour de Mme B... s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant.

5. Si Mme B... fait valoir qu'elle résidait en France depuis sept ans à la date de l'arrêté contesté et qu'elle y élève ses enfants, d'une part, cette durée de résidence en France n'est établie par aucune pièce du dossier et, d'autre part, il n'est fait état d'aucun lien à caractère personnel ou professionnel entretenu par l'intéressée sur le territoire français. En outre, Mme B... n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où il n'est pas contesté que résident ses parents et sa fratrie. Par ailleurs, il est constant, ainsi qu'il a été dit, que le père de son enfant français ne contribue nullement à son entretien et son éducation. Il n'est d'ailleurs fait état d'aucun lien entre eux à l'exception de la reconnaissance de paternité dont l'enfant a fait l'objet. Dans ces conditions, cet enfant étant âgé de deux ans à la date de l'arrêté contesté et la cellule familiale pouvant se reconstituer dans le pays d'origine de la mère de l'enfant, son intérêt supérieur n'implique pas nécessairement que cette dernière se voie délivrer un titre de séjour pour lui permettre de subvenir en France à ses besoins. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B..., le préfet du Val-d'Oise n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif.

Sur les autres moyens de la demande de Mme B... :

7. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui relève notamment, s'agissant de l'application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le père français de l'enfant de Mme B... ne justifie pas contribuer à l'entretien et l'éducation de son enfant, comporte les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement. Il est ainsi suffisamment motivé.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...), qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 5, Mme B... ne justifie pas avoir résidé en France depuis sept ans à la date de l'arrêté contesté et ne fait état d'aucun lien familial, amical ou professionnel sur le territoire français. Elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où réside sa famille. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la violation des textes précités doit, par suite, être écarté. Mme B... n'est pas davantage fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle, telle que précédemment décrite.

10. Enfin, les moyens tirés de la violation des dispositions de l'article L. 313-14 et de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur ne sont assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

11. Il résulte tout de ce qui précède que, compte tenu des seuls moyens soulevés par Mme B..., le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté contesté.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soient accueillies les conclusions présentées par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1912501 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 13 octobre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02922
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : AUCHER-FAGBEMI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-03-10;20ve02922 ?
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