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15/03/2022 | FRANCE | N°20VE00133

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 15 mars 2022, 20VE00133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Karapass Services a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des rappels de taxe sur les véhicules de société réclamés pour la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, ainsi que des suppléments d'impôt sur les sociétés, de cotisation sur la vale

ur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquels elle a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Karapass Services a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des rappels de taxe sur les véhicules de société réclamés pour la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, ainsi que des suppléments d'impôt sur les sociétés, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement no 1703235 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 janvier 2020 et le 23 décembre 2021, la SASU Karapass Services, représentée par Me Dahmoun, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- la procédure est irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales dès lors que l'avis de vérification n'a pas été adressé à l'adresse de son siège social, bien que le pli ait été retiré par erreur par une personne non habilitée et dont l'identité n'a pu être déterminée ;

- l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne lui a pas été valablement notifié, le courrier du 3 juin 2016 ne comportant pas l'avis dans son intégralité ; les dispositions de l'article R. 60-3 du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;

- le courrier supposé contenir cet avis a également été envoyé à une adresse erronée ;

- il n'a pas été notifié avant la mise en recouvrement des impositions en litige ;

- l'avis de mise en recouvrement a été signé par un comptable public qui n'était pas territorialement compétent ;

- contrairement aux dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, l'avis de mise en recouvrement ne comporte pas la mention manuscrite faisant référence à la dernière pièce de procédure au sens de l'article L. 48 du même livre ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- s'agissant de l'impôt sur les sociétés, l'administration n'établit pas l'acte anormal de gestion révélé selon elle par la facturation faite à la société Techtraining, dans le cadre du contrat de sous-traitance conclu avec cette dernière ; le service et le tribunal n'ont pas tenu compte de l'économie générale du contrat, notamment de ce que la société Techtraining s'était engagée à lui reverser l'intégralité des sommes facturées déduction faite des frais de traitement internes évalués à 2% des sommes hors taxes facturées à ses clients distributeurs ; elle a réalisé un chiffre d'affaires de 2 903 518 euros en 2012 et de 1 643 584 euros en 2013 grâce à ce contrat ;

- si l'acte anormal de gestion devait être constaté, l'exercice de rattachement serait l'exercice 2011 et non l'exercice 2012 ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle n'avait pas évalué avec une précision suffisante les provisions pour garantie restant en litige au titre des exercices 2012 et 2013.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouzar, premier conseiller,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SASU Karapass Services, sous-traitante de la société Techtraining, dont l'activité principale consiste à proposer au grand public, par l'intermédiaire d'enseignes de la grande distribution, des extensions de garantie sur des produits électroniques et électroménagers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale lui a notifié, par une proposition de rectification du 28 juillet 2015, des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013, assortis de majorations et des intérêts de retard, à raison, notamment, d'une minoration de recettes sur l'exercice 2012 regardée comme un acte anormal de gestion et de provisions sur les exercices 2012 et 2013 non justifiées. Saisie pour avis, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a proposé l'abandon de la rectification relative à l'acte anormal de gestion et d'admettre les provisions comptabilisées, à concurrence de 30 %. Le service a seulement admis la déduction des provisions dans cette proportion. La SASU Karapass Services a contesté ces impositions supplémentaires, mises en recouvrement le 16 juin 2016 pour un montant total de 1 576 806 euros, par une réclamation en date du 21 juillet 2016 qui a été rejetée par une décision du 3 février 2017. Elle relève appel du jugement du 12 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, la SASU Karapass Services reprend en appel sans élément nouveau, ses moyens tirés de ce que ni l'avis de vérification, ni la lettre du 3 juin 2016 lui notifiant l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ne lui ont été adressés à l'adresse de son siège social, et de ce que cet avis n'était pas joint au courrier du 3 juin 2016. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs exposés aux points 2 à 5 du jugement attaqué. Si la société requérante fait valoir en appel qu'il n'est pas établi qu'elle a été destinataire du courrier du 3 juin 2016, cette allégation est contredite par les énonciations de sa réclamation selon lesquelles l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lui a bien été notifié le 3 juin 2016 avant la notification de l'avis de mise en recouvrement du 16 juin 2016.

3. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 256-8 du livre des procédures fiscales : " Le comptable public compétent pour établir l'avis de mise en recouvrement est soit celui du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable, soit, dans le cas où ce lieu a été ou aurait dû être modifié, celui compétent à l'issue de ce changement, même si les sommes dues se rapportent à la période antérieure à ce changement ". Ces dispositions offrent, en cas de transfert de siège social de la société, une alternative entre le comptable territorialement compétent à l'issue du transfert et le comptable territorialement compétent avant ce changement pour établir l'avis de mise en recouvrement et non une compétence exclusive au comptable territorialement compétent à l'issue de ce transfert.

4. Il résulte de l'instruction que le lieu de déclaration et d'imposition de la SASU Karapass Services était, au cours des exercices vérifiés, situé à Courbevoie, dans le département des Hauts-de-Seine. Par suite, alors même que la société requérante a transféré son siège social à Bois d'Arcy, dans le département des Yvelines, le 12 février 2013, le comptable public du service des impôts de Courbevoie était compétent pour émettre l'avis de mise en recouvrement du 16 juin 2016, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 256-8 du livre des procédures fiscales.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 48 du même livre, dans sa rédaction alors applicable : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76 , le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. "

6. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 16 juin 2016 mentionne, conformément à ces dispositions, la proposition de rectification du 26 juin 2015, la réponse aux observations du contribuable du 13 novembre 2015 ainsi que la notification des bases d'impositions rectifiées du 3 juin 2016, suite à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 10 mai 2016. Le moyen tiré de ce que l'avis de mise en recouvrement ne comporte pas la mention de la dernière pièce de procédure en méconnaissance des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, qui manque en fait, doit par suite être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la minoration de produits sur le contrat de sous-traitance :

7. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. S'agissant d'une renonciation partielle à recettes au profit d'une autre entreprise avec laquelle existent des relations d'intérêt, il appartient à l'administration d'apporter la preuve qu'une telle renonciation relève d'une gestion anormale.

8. Pour considérer que le contrat de sous-traitance des prestations de garanties conclu le 30 décembre 2011 avec la société Techtraining était constitutif d'un acte anormal de gestion, le service a relevé que la rémunération forfaitaire de 650 000 euros HT prévue par ce contrat pour la prise en charge des contrats déjà vendus au 31 décembre 2011 par la société Techtraining, dont l'exécution est transférée à la société requérante, dits " pack actif 2011 ", était inférieure aux charges exposées pour l'exécution des prestations, alors que le produit correspondant perçu par la société Techtraining s'était élevé à la somme de 2 803 152 euros HT, et que l'intention libérale était présumée entre sociétés liées. Toutefois, ainsi que le soutient la SASU Karapass Services, outre le prix forfaitaire de 650 000 euros HT convenu pour la prise en charge des contrats de garantie conclus au 31 décembre 2011, le même contrat de prestations de services prévoyait, pour l'avenir, que la société Techtraining reverse à la SASU Karapass Services à compter du 1er janvier 2012 l'intégralité des sommes facturées à ses clients, déduction faite de frais de traitement internes évalués à 2% de ces sommes. La conclusion de ce contrat de sous-traitance a ainsi permis à la SASU Karapass Services de réaliser des chiffres d'affaires de 2 903 518 euros en 2012 et de 1 643 584 euros en 2013. Il n'est pas soutenu que cette rémunération, prise globalement, serait sous-évaluée au regard des charges induites par l'exécution des prestations sous-traitées. Par conséquent, au regard de l'économie générale du contrat, l'administration n'établit pas l'existence d'une sous-facturation constitutive d'un appauvrissement de la part de la SASU Karapass Services. Il en résulte que cette dernière est fondée à obtenir la décharge en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondant à ce chef de rectification, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen par lequel la SASU Karapass Services conteste son exercice de rattachement.

En ce qui concerne les provisions pour garanties :

9. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ". Il résulte de ces dispositions, applicables pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise. Le mode de calcul de la provision, qui peut, le cas échéant, être fait par voie statistique, doit être propre à exprimer avec une approximation suffisante le montant probable de ces pertes ou charges. Un mode de calcul forfaitaire et global ne peut être regardé comme exprimant avec une précision suffisante le montant des pertes auxquelles un contribuable estime être exposé.

10. Il appartient au contribuable de justifier des provisions qu'il entend déduire de son bénéfice.

11. La SASU Karapass Services a comptabilisé au titre de l'exercice clos en 2012 une provision pour garanties données aux clients d'un montant de 1 409 808 euros, provision partiellement reprise au cours de l'exercice clos en 2013 à hauteur de 671 150 euros pour être portée à 738 658 euros, et une seconde provision constatée sur l'exercice clos en 2013, afférente aux garanties sur les produits vendus en 2013 d'un montant de 1 027 892 euros. Pour déterminer le montant de ces provisions, qui correspondent à l'exécution prévisionnelle de contrats de garantie qui diffèrent pourtant tant dans leur objet (réparation ou remboursement) que dans leur durée (de un an à cinq ans), la SASU Karapass Services a appliqué un taux forfaitaire de 85% pour l'exercice 2012 ramené en 2013 à 80%, sur la base de son chiffre d'affaires réalisé lors de ces mêmes exercices après soustraction d'un taux de marge bénéficiaire prévisionnelle estimé par elle à 15%. Si la SASU Karapass Services soutient que, bien que manquant de recul pour évaluer ses provisions pour risque et justifier les montants comptabilisés, ceux-ci sont conformes à la réalité économique, elle ne l'établit pas, notamment au moyen du simulateur dont elle se prévaut dans son mémoire en réplique, élaboré par ses équipes et qui ne saurait constituer une étude ou des données statistiques sur sa branche d'activité. Dans ces conditions, alors que l'administration a finalement admis, conformément à l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, la prise en compte des provisions constituées à hauteur de 30% de leur montant, la SASU Karapass Services n'établit pas que des provisions d'un montant supérieur devaient être admises en déduction de son bénéfice imposable.

12. Il résulte de ce qui précède que la SASU Karapass Services est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondant à la remise en cause du prix convenu dans le contrat de sous-traitance conclu avec la société Techtraining pour la prise en charge des contrats d'extensions de garantie déjà conclus au 31 décembre 2011. Le surplus des conclusions de sa requête doit par suite être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas la partie perdante pour l'essentiel.

DECIDE :

Article 1er : La SASU Karapass Services est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 à raison d'une insuffisance de facturation de 2 097 089 euros, ainsi que des pénalités et des intérêts de retard correspondants.

Article 2 : Le jugement du 12 novembre 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SASU Karapass Services est rejeté.

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N° 20VE00133


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