La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2022 | FRANCE | N°22VE00271

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 13 avril 2022, 22VE00271


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité social et économique de l'unité économique et sociale du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 juillet 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Île-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de

l'emploi de l'unité économique et sociale du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité social et économique de l'unité économique et sociale du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 juillet 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Île-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de l'unité économique et sociale du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains.

Par un jugement n° 2111469 du 10 décembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2022, le comité social et économique (CSE) de l'unité économique et sociale du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains, représenté par Me Riquelme, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2°) d'annuler la décision du 15 juillet 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Île-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de l'unité économique et sociale du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme de 6 000 euros, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- la procédure d'information et de consultation du comité social et économique est entachée d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas été informé préalablement de la sortie du dispositif spécifique d'activité partielle auquel les sociétés de l'unité économique et sociale avaient recours ;

- les critères d'ordre des licenciements définis par les sociétés de l'unité économique et sociale méconnaissent l'article L. 1233-5 du code du travail dès lors qu'ils ne permettent pas de prendre en compte les qualités professionnelles des salariés ; la décision d'homologation est en conséquence entachée d'une erreur de qualification juridique des faits ;

- le champ d'application des critères d'ordre des licenciements n'est en outre pas conforme aux dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail dès lors que leur application est neutralisée dans certaines hypothèses, notamment celle dans laquelle un salarié refuse une modification de son contrat de travail ; la décision d'homologation est en conséquence entachée d'une erreur de qualification juridique des faits et méconnaît les dispositions précédemment mentionnées du code du travail ;

- le document unilatéral ne fait pas état d'un calendrier prévisionnel des licenciements en méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 1233-24-2 du code du travail ; la décision d'homologation est en conséquence entachée d'une erreur de qualification juridique des faits et méconnaît les dispositions précédemment mentionnées du code du travail ;

- les catégories professionnelles définies par l'employeur ne permettent pas de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonction de même nature supposant une formation professionnelle commune ; la décision d'homologation est en conséquence entachée d'une erreur de qualification juridique des faits et méconnaît les dispositions de l'article L. 1233-24-2 du code du travail.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2022, la société touristique et thermale d'Enghien-les-Bains, la société immobilière et d'exploitation de l'Hôtel du Lac et la société PAVLAC, représentées par Me Bordier, avocat, concluent au rejet de la requête et à ce que le comité social et économique soit condamné au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à chacune d'elles une somme de 3 000 euros.

Elles font valoir que les moyens soulevés par le comité social et économique ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coudert,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- et les observations de Me Beauvironnet, substituant Me Riquelme, pour le CSE de l'unité économique et sociale du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains et de Me Bordier, pour la société touristique et thermale d'Enghien-les-Bains, la société immobilière et d'exploitation de l'Hôtel du Lac et la société PAVLAC.

Considérant ce qui suit :

1. La société touristique et thermale d'Enghien-les-Bains (STTE), qui exploite un ensemble constitué d'un casino, d'un hôtel, de plusieurs restaurants, de thermes, d'un centre de bien-être et d'un théâtre, la société immobilière et d'exploitation de l'Hôtel du Lac (SIEHL), qui exploite l'hôtel éponyme, et la société PAVLAC, qui exploite le restaurant Le Fouquet's d'Enghien-les-Bains, appartiennent au groupe Lucien-Barrière et constituent l'unité économique et sociale (UES) du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains. Au 31 décembre 2020, ces trois sociétés employaient au total 603 personnes. Le 13 janvier 2021, l'administration a été informée de l'ouverture d'une procédure d'information et de consultation du comité social et économique de l'UES du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains dans le cadre d'un projet de licenciement collectif pour motif économique se traduisant par 58 suppressions de postes et 11 modifications de contrats de travail. Cinq réunions du comité social et économique se sont alors tenues entre le 21 janvier et le 22 mars 2021. Le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France ayant refusé, par une décision du 28 avril 2021, l'homologation du document unilatéral qui lui avait été soumis par les sociétés de l'UES, la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a repris le 25 mai 2021. Elle s'est achevée le 18 juin 2021 par une réunion au cours de laquelle le comité a émis des avis défavorables sur l'opération projetée et ses modalités d'application. Le 25 juin 2021, l'UES a déposé une nouvelle demande d'homologation du document unilatéral relatif au projet de licenciement pour motif économique. Par décision du 15 juillet 2021, le DRIEETS d'Île-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de l'UES du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains. Le comité social et économique de l'UES relève appel du jugement du 10 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision d'homologation du 15 juillet 2021 :

2. Il résulte des dispositions des articles L. 1235-10, L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail que, pour les entreprises qui ne sont pas en redressement ou en liquidation judiciaire, le législateur a attaché à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, des effets qui diffèrent selon le motif pour lequel cette annulation est prononcée. Par suite, lorsque le juge administratif est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise qui n'est pas en redressement ou en liquidation judiciaire, il doit, si cette requête soulève plusieurs moyens, toujours commencer par se prononcer, s'il est soulevé devant lui, sur le moyen tiré de l'absence ou de l'insuffisance du plan, même lorsqu'un autre moyen est de nature à fonder l'annulation de la décision administrative, compte tenu des conséquences particulières qui, en application de l'article L. 1235-11 du code du travail, sont susceptibles d'en découler pour les salariés. En outre, compte tenu de ce que l'article L. 1235-16 de ce code, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, prévoit désormais que l'annulation d'une telle décision administrative, pour un autre motif que celui tiré de l'absence ou de l'insuffisance du plan, est susceptible d'avoir des conséquences différentes selon que cette annulation est fondée sur un moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision en cause ou sur un autre moyen, il appartient au juge administratif de se prononcer ensuite sur les autres moyens éventuellement présentés à l'appui des conclusions aux fins d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision, en réservant, à ce stade, celui tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative. Enfin, lorsqu'aucun de ces moyens n'est fondé, le juge administratif doit se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative lorsqu'il est soulevé.

3. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre ". Les articles L. 1233-24-1 et L. 1233-24-4 du même code prévoient que le contenu de ce plan de sauvegarde de l'emploi peut être déterminé par un accord collectif d'entreprise et qu'à défaut d'accord, il est fixé par un document élaboré unilatéralement par l'employeur.

4. Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. / Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71. ". Aux termes de l'article L. 1233-24-2 du même code : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, en particulier les conditions dans lesquelles ces modalités peuvent être aménagées en cas de projet de transfert d'une ou de plusieurs entités économiques prévu à l'article L. 1233-61, nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois ; / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; / 3° Le calendrier des licenciements ; / 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; / 5° Les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement prévues à l'article L. 1233-4. ".

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique central :

5. Aux termes de l'article L. 1233-28 du code du travail : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues par le présent paragraphe ". Aux termes de l'article L. 1233-30 du même code : " I. - Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-31 du même code : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; / 2° Le nombre de licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; / 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économique envisagées ; / 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ".

6. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient en particulier à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité social et économique, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause.

7. Si le comité social et économique soutient que les sociétés de l'UES ne l'auraient pas informé préalablement à la sortie du dispositif spécifique d'activité partielle auquel certaines d'entre elles avaient recours, une telle circonstance, qui n'a pas fait obstacle à ce que le comité social et économique formulât ses avis en toute connaissance de cause, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'information et de consultation et par suite sur le bien-fondé de l'appréciation portée par l'administration sur cette procédure. Ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité des critères d'ordre des licenciements :

8. Aux termes de l'article L. 1233-5 du code du travail : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique. / Ces critères prennent notamment en compte : / 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; / 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; / 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; / 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article. Le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif. / En l'absence d'un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emplois dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emplois (...) ".

S'agissant des modalités de prise en compte des qualités professionnelles des salariés :

9. Il résulte de la lettre même des dispositions précitées du code du travail qu'en l'absence d'accord collectif en ayant disposé autrement, l'employeur qui procède à un licenciement collectif pour motif économique est tenu, pour déterminer l'ordre des licenciements, de se fonder sur des critères prenant en compte l'ensemble des critères d'appréciation mentionnés aux 1° à 4° ci-dessus. Par suite, en l'absence d'accord collectif ayant fixé les critères d'ordre des licenciements, le document unilatéral de l'employeur fixant le plan de sauvegarde de l'emploi ne saurait légalement fixer des critères d'ordre des licenciements qui omettraient l'un de ces quatre critères d'appréciation ou neutraliseraient ses effets. Il n'en va autrement que s'il est établi de manière certaine, dès l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, que, dans la situation particulière de l'entreprise et pour l'ensemble des personnes susceptibles d'être licenciées, aucune des modulations légalement envisageables pour le critère d'appréciation en question ne pourra être matériellement mise en œuvre lors de la détermination de l'ordre des licenciements.

10. Il ressort des pièces du dossier que le document unilatéral établi par les sociétés de l'UES, outre les critères des " charges de famille ", de l'" ancienneté " et de l'" âge ", prévoit que le critère des " qualités professionnelles " sera évalué par deux indicateurs, chacun affecté de deux points, tenant, d'une part, à l'" absence d'absences injustifiées sur les trois dernières années " et, d'autre part, à l'" absence de sanction ", le document précisant que " seules sont prises en compte les sanctions disciplinaires non prescrites, précédées d'une convocation à entretien préalable, hors mise en demeure ou rappel à l'ordre à l'exclusion des sanctions pour 'Absence injustifiée' ".

11. Contrairement à ce que soutient le comité social et économique requérant les deux indicateurs retenus pour l'appréciation des qualités professionnelles sont distincts et n'induisent pas, pour les salariés ayant fait l'objet d'une sanction au titre d'une absence injustifiée, compte tenu de la précision citée au point qui précède, que cette appréciation sera faite sur le seul indicateur des sanctions disciplinaires. Dès lors qu'il est constant qu'il n'existait pas au sein de l'UES de système d'évaluation des salariés, les deux indicateurs mobilisés permettaient de prendre en compte, ainsi que les sociétés étaient tenues de le faire, les qualités professionnelles des salariés. Enfin, eu égard aux points affectés aux trois autres critères d'ordre des licenciements, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient le requérant, que le critère des qualités professionnelles aurait eu un poids excessif. Il suit de là que le comité social et économique n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail ou entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en homologuant le document unilatéral de l'UES du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains.

S'agissant du périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements :

12. D'une part, le comité social et économique soutient que le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail dès lors qu'en sont exclus les salariés ayant refusé une modification de son contrat de travail. Toutefois, dès lors que les dispositions en cause ne trouvent pas à s'appliquer en elles-mêmes aux propositions de modifications des contrats de travail, ce moyen doit être écarté.

13. D'autre part, le comité social et économique soutient qu'en l'espèce dès lors que les propositions de modifications des contrats de travail ne concernaient que certains salariés et que le plan de sauvegarde de l'emploi de l'UES comportait également des licenciements primaires, les critères d'ordre des licenciements devaient être appliqués, au sein de la catégorie professionnelle, soit avant la mise en œuvre des propositions de modifications des contrats de travail, soit en cas de refus des propositions de modifications. Toutefois, ainsi que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a relevé, il ne ressort pas du document unilatéral que l'employeur aurait prévu, par principe, que les modifications des contrats de travail seraient systématiquement proposées aux salariés concernés avant qu'il ne soit procédé à l'application des critères d'ordre au sein de chaque catégorie. Du reste, ainsi que le font valoir les sociétés en défense, sans être contredites, s'agissant des catégories des " Voituriers " et des " Hôte(sse)s Vestiaire ", les critères d'ordre des licenciements ont été appliqués après les départs volontaires et avant les propositions de modifications des contrats de travail éventuellement nécessaires. S'agissant de la catégorie des " Assistants clientèle-Techniciens Machines à sous ", la proposition de modifications de son contrat de travail a été faite à celui des salariés disposant du nombre de points le plus faible après application des mêmes critères que ceux retenus pour l'ordre des licenciements. Enfin, s'agissant des " Caissier(e)s ", dernière catégorie pour laquelle des licenciements primaires et secondaires étaient prévus, il ressort des pièces du dossier que le projet de réorganisation vise à la suppression des " Caissiers 36 parts ", au nombre de huit au sein de la STTE. Il prévoit à ce titre 6 modifications de contrats de travail en " Caissiers 40 parts " et 2 suppressions de poste. Dans ces conditions, le fait que l'employeur ait proposé aux caissiers concernés une modification de leur contrat de travail préalablement à la mise en œuvre éventuelle des critères d'ordre des licenciements au sein de la catégorie des " Caissiers ", qui regroupe 44 postes, ne saurait caractériser un ciblage discriminatoire des " caissiers 36 parts " dès lors qu'en toute hypothèse une modification de leur contrat de travail conduisant à leur licenciement en cas de refus leur aurait été proposée.

14. Il résulte de ce qui précède que le comité social et économique n'est pas fondé à soutenir que le DRIEETS d'Île-de-France aurait méconnu les dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail ou entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en validant le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements retenus par le document unilatéral de l'UES du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de calendrier des licenciements :

15. Le comité social et économique requérant soutient que le document unilatéral homologué par l'administration ne comportait pas, en méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 1233-24-2 du code du travail, citées au point 4, un calendrier suffisamment précis des licenciements. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs énoncés par les premiers juges au point 13 de leur jugement.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité des catégories professionnelles :

16. Il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2 cité ci-dessus, de se prononcer, sous le contrôle du juge administratif, sur la légalité de ces catégories professionnelles. A ce titre, elle doit s'assurer, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec les représentants du personnel au cours de la procédure d'information et de consultation ainsi que des justifications qu'il appartient à l'employeur de fournir, de ce que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l'administration refuse l'homologation demandée s'il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations, telles que l'organisation de l'entreprise ou l'ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s'il apparaît qu'une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.

17. Le document unilatéral présenté par l'UES du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains répartit les 542 salariés de la STTE, seule société au sein de laquelle les critères d'ordre des licenciements ont vocation à s'appliquer et dont 34 postes sont supprimés, dans 87 catégories professionnelles, dont 17 sont concernées par le projet de réorganisation.

18. En premier lieu, le comité social et économique soutient qu'en méconnaissance des principes énoncés au point 16, l'employeur aurait artificiellement distingué des catégories professionnelles qui auraient dû être regroupées.

19. Toutefois, s'agissant d'une part des cinq catégories qui selon le requérant pouvaient être rattachées à une catégorie unique des métiers de l'accueil, il ressort des éléments fournis par la société STTE que les postes rattachés à la catégorie " hôte(sse) vestiaire " ne requièrent aucune qualification ni expérience antérieure et consistent en une prestation d'accueil de premier niveau sans aucune dimension commerciale ; que les postes rattachés à la catégorie " hôte(sse) accueil " comportent quant à eux une dimension commerciale et requièrent la détention du baccalauréat ainsi qu'une expérience antérieure ; que les salariés occupant les postes de la catégorie " Vérification des identités (VDI) " (contrôleurs aux entrées) doivent, pour pouvoir exercer leurs fonctions, être titulaires d'un baccalauréat professionnel ou d'une expérience professionnelle d'au moins trois ans, disposer d'un agrément ministériel pour travailler dans un établissement de jeux, et maîtriser certaines réglementations liées à ces établissements ; enfin que les emplois classés dans la catégorie " assistant(e) administratif(ve) ", à savoir ceux de " chargé(e) contrôle théâtre ", " assistant(e) administratif(ve) " et " responsable accueil billetterie et administratif ", ainsi qu'il ressort des fiches de poste produites, présentent une forte dimension administrative et nécessite la détention du baccalauréat ainsi éventuellement qu'une première expérience professionnelle. Dans ces conditions, la société STTE établit que ces catégories présentaient des spécificités qui ne permettaient pas de les regrouper. S'agissant, d'autre part, des catégories " croupiers ", qui regroupe les postes en charge de l'animation des tables de jeux, " caissiers ", qui regroupe les salariés en charge des opérations de change pour les clients, " cartiers ", dont les salariés ont pour mission d'assurer la gestion et le contrôle des pièces utiles aux différents jeux et le bon fonctionnement des sabots électroniques et manuels des tables de jeux, et " Assistants clientèle et Technicien Machines à sous ", qui regroupe des postes relatifs à la maintenance et la réparation des machines à sous, il ressort également des explications apportées en défense que la spécificité des missions confiées aux salariés de ces différentes catégories ne justifiait pas, contrairement à ce que soutient le comité social et économique, leur regroupement en une catégorie unique. S'agissant, enfin, des catégories professionnelles de " menuisier ", " peintre ", " plombier ", " tapissier " et " électromécanicien ", il ressort des pièces du dossier que les emplois qui leur sont rattachés exigent des qualifications professionnelles distinctes et qu'elles ne pouvaient donc pas être regroupées au sein d'une catégorie unique, sans qu'y fasse obstacle la circonstance alléguée par le comité social et économique qu'il soit demandé aux salariés concernés de faire preuve de polyvalence et, s'agissant de l'électromécanicien confirmé, d'effectuer ponctuellement " un dépannage urgent en plomberie, serrurerie ou autres petits dépannages ".

20. Il ressort de ces éléments qu'en distinguant ces différentes catégories professionnelles, la société STTE, ainsi qu'il lui appartenait de le faire, a regroupé, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Le fait que certains salariés de la société aient successivement occupé des postes rattachés à des catégories professionnelles différentes est sans incidence sur le bien-fondé de la méthode mise en œuvre pour procéder à la définition de ces catégories. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que cette définition aurait été faite par l'employeur en fonction de l'organisation de l'entreprise et serait, par suite, fondée sur des considérations étrangères à celles qui permettent de regrouper les salariés par fonctions de même nature. Enfin, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les exigences de la société STTE à l'égard de ses salariés en termes de polyvalence justifieraient, au regard des principes rappelés au point 16, le regroupement de certaines des catégories professionnelles retenues par le document unilatéral homologué par la décision en litige.

21. En second lieu, le comité social et économique requérant soutient que des catégories professionnelles ont été définies par la société STTE dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée. Toutefois, une telle intention de " ciblage " de certains salariés ou services ne résulte pas de la " probabilité du licenciement " déterminée par le requérant pour certaines catégories professionnelles. Si le comité social et économique soutient aussi que l'employeur aurait entendu cibler des salariés titulaires d'un mandat de représentant du personnel, notamment au sein de la catégorie " caissier ", le bien-fondé de cette allégation ne ressort pas des pièces du dossier alors par ailleurs que le ministre fait valoir en défense sans être contesté que sur les 23 élus au sein de l'UES, 3 ont effectivement fait l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique, dont 2 travaillaient pour la société STTE.

22. Il résulte de ce qui a été dit aux points 16 à 21 que le comité social et économique n'est pas fondé à soutenir que les catégories professionnelles auraient été irrégulièrement définies par l'employeur et qu'en conséquence c'est à tort que le DRIEETS d'Île-de-France aurait homologué le document unilatéral de l'UES du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le comité social et économique de l'UES du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision d'homologation du 15 juillet 2021.

Sur les dépens :

24. L'instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, il y a lieu en tout état de cause de rejeter les conclusions présentées à ce titre par le comité social et économique.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. L'Etat n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par le comité social et économique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du comité social et économique de l'UES du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains le versement aux sociétés STTE, SIEHL et PAVLAC d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du comité social et économique central de l'UES du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains est rejetée.

Article 2 : Le comité social et économique de l'UES du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains versera aux sociétés STTE, SIEHL et PAVLAC une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les sociétés STTE, SIEHL et PAVLAC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au comité social et économique de l'unité économique et sociale du Resort Barrière d'Enghien-les-Bains, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, à la société touristique et thermale d'Enghien-les-Bains, à la société immobilière et d'exploitation de l'Hôtel du Lac et à la société PAVLAC.

Copie en sera adressée au directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2022.

Le rapporteur,

B. COUDERTLe président,

S. BROTONSLa greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE00271 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00271
Date de la décision : 13/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : AARPI INTERBARREAUX RIQUELME AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-04-13;22ve00271 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award