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10/05/2022 | FRANCE | N°20VE03192

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 10 mai 2022, 20VE03192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., née A..., a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet du Val d'Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1915921 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du préfet du Val d'Oise.

Procédure devant la cour :
r>Par une requête enregistrée le 10 décembre 2020, le préfet du Val d'Oise demande à la Cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., née A..., a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet du Val d'Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1915921 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du préfet du Val d'Oise.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 décembre 2020, le préfet du Val d'Oise demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 novembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... née A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a commis une erreur dans l'appréciation des faits ; il devait se prononcer sur le bénéfice possible ou non d'une procédure de regroupement familial ;

- l'intéressée a préféré entrer avec un visa court séjour et se maintenir sur le territoire au lieu de demander le regroupement familial ; il y a un détournement de procédure ;

- rien ne s'oppose à son retour dans son pays d'origine le temps nécessaire à l'instruction de la procédure de regroupement familial;

Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2022, Mme C... B... née A..., représentée par Me Fernandez, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B... née A..., ressortissante turque née le 8 janvier 1981, est entrée en France, selon ses déclarations, le 1er novembre 2016. Par un arrêté du 5 décembre 2019, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a fait obligation de remettre son passeport. Par jugement du 9 novembre 2020 le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Val d'Oise de délivrer à Mme B... née A..., un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet du Val d'Oise relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Si le préfet du Val d'Oise soutient que le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont commis une erreur dans l'appréciation des faits, cette question relève du bien-fondé du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Pour annuler l'arrêté du préfet du Val d'Oise du 5 décembre 2019 le tribunal a considéré que Mme B... née A... avait épousé en Turquie le 3 septembre 2015 un compatriote, titulaire en France d'une carte de résident et que, de cette union, était né un enfant en France le 11 septembre 2017, reconnu par le père, qu'elle soutenait, sans être contredite, vivre maritalement avec celui-ci et être présente en France depuis le 1er novembre 2016. Ainsi, compte tenu de la durée de la communauté de vie en France de Mme B... née A... et de la naissance d'un enfant, le refus de séjour portait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale eu égard aux buts qu'il poursuivait, et méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, à la date de l'arrêté attaqué, Mme B... épouse A... n'avait que trois ans de présence sur le territoire, n'y est entrée qu'à l'âge de 35 ans et ses parents et sa fratrie résident dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et eu égard à la faible durée de son séjour en France, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas méconnu les stipulations précitées.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Val d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du 5 décembre 2019. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... née A....

6. En premier lieu, Mme E... a reçu délégation de signature du préfet du Val d'Oise par arrêté du 2 septembre 2019. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque ainsi en fait et doit, par suite, être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A 'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, la décision de refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... née A... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En troisième lieu, il est constant que l'intéressé n'a pas demandé à bénéficier de la procédure de regroupement familial. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de loyauté du préfet dès lors que l'arrêté attaqué reviendrait à lui refuser le regroupement familial sur place auquel elle a droit, doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

11. Mme B... née A... se prévaut de la présence sur le territoire de son époux, de nationalité turque et titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2023, et de leur enfant né en France en 2017. Toutefois, elle ne justifie pas ainsi de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

13. La requérante fait valoir que son époux est déjà père d'un enfant de nationalité française faisant obstacle à ce que la cellule familiale formée par son époux, leur jeune enfant et elle-même se reconstitue en Turquie. A supposer que Mme B... née A... et son époux souhaitent s'établir en France, la circonstance que leur enfant né en 2017 soit séparé de son père ou de sa mère le temps strictement nécessaire à l'instruction de la demande de regroupement familial n'est pas de nature à établir que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant seraient méconnues, alors au demeurant que Mme B... née A... ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que son conjoint puisse lui rendre visite en Turquie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Val d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 5 décembre 2019.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1915921 du 9 novembre 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... née A... devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B... née A... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, président assesseur,

M. Coudert, premier conseiller,

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022 .

La rapporteure,

A.C. D...Le président,

S. BROTONSLa greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE03192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03192
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : FERNANDEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-05-10;20ve03192 ?
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