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10/05/2022 | FRANCE | N°20VE03335

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 10 mai 2022, 20VE03335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BPR Chrono Pizza a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler la décision du 12 novembre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail à raison de l'emploi d'un salarié non autorisé à travailler, ensemble la décision du 12 décembre 2018 rejetant son recours gracieux, et, à titre subsidiaire, de réduire

le montant de la contribution spéciale à la somme de 3 570 euros.

Par un jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BPR Chrono Pizza a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler la décision du 12 novembre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail à raison de l'emploi d'un salarié non autorisé à travailler, ensemble la décision du 12 décembre 2018 rejetant son recours gracieux, et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de la contribution spéciale à la somme de 3 570 euros.

Par un jugement n° 1900303 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2020, la société BPR Chrono Pizza, représentée par Me Djurovic, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles ;

2°) d'annuler la décision du 12 novembre 2018 du directeur général de l'OFII, ensemble la décision du 12 décembre 2018 rejetant son recours gracieux ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la contribution spéciale à la somme de 3 570 euros ;

4°) de condamner l'OFII à lui verser la somme de 850 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.

Elle soutient que l'OFII :

- a méconnu le principe du contradictoire et le droit à une procédure équitable garanti par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- n'apporte pas la preuve de la matérialité de l'infraction en ne transmettant pas le procès-verbal du 3 mai 2018 ;

- a fait une application inexacte des dispositions de l'article R. 8253-2 du code du travail dès lors qu'elle est en droit de bénéficier des dispositions du III de cet article.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2021, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me Schegin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société BPR Chrono Pizza au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Lors d'un contrôle, réalisé le 3 mai 2018, du restaurant à l'enseigne " Chrono Pizza " exploité 12 avenue Jean-Jaurès au Pecq (Yvelines) par la société BPR Chrono Pizza, les services de l'inspection du travail ont constaté la présence d'un livreur en tenue de travail, M. A... B..., ressortissant tunisien, embauché en 2016 alors qu'il n'était pas autorisé à travailler en France. Par un courrier en date du 27 septembre 2018 le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a informé la société qu'il envisageait de la rendre redevable de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, et l'a invitée à produire ses observations. Par une décision du 12 novembre 2018, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société la somme de 7 140 euros au titre de la contribution spéciale. Par un courrier du 18 novembre 2018, le gérant de la société BPR Chrono Pizza a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté le 12 décembre 2018 par le directeur général de l'OFII. La société BPR Chrono Pizza relève appel du jugement du 22 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 12 novembre et 12 décembre 2018 et, subsidiairement, à la réduction du montant de la contribution spéciale mise à sa charge.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 12 novembre 2018 :

2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-3 de ce code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-4 du même code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / (...) ".

3. Si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'OFII en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de ces contributions, qui revêtent le caractère de sanctions administratives. Le refus de communication du procès-verbal ne saurait toutefois entacher les sanctions d'irrégularité que dans le cas où la demande de communication a été faite avant l'intervention de la décision qui, mettant la contribution spéciale à la charge de l'intéressé, prononce la sanction.

4. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction et n'est du reste pas allégué que la société BPR Chrono Pizza aurait demandé, avant l'intervention de la décision du 12 novembre 2018 mettant à sa charge la contribution litigieuse, communication du procès-verbal établi à son encontre à la suite du contrôle du 3 mai 2018, mentionné dans le courrier du 27 septembre 2018 du directeur général de l'OFII qui l'informait qu'il envisageait de mettre à sa charge la contribution litigieuse et l'invitait à présenter ses observations. Dès lors, la circonstance que la société requérante n'ait pas eu communication de ce procès-verbal est sans incidence sur la régularité de la sanction prononcée à son encontre par l'OFII. Par ailleurs, ce même courrier du 27 septembre 2018 a mis la société en mesure de demander la communication de son dossier. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

5. Pour contester la matérialité de l'infraction sanctionnée par la décision en litige, la société BPR Chrono Pizza se borne à soutenir qu'elle n'a pas eu communication du procès-verbal du 3 mai 2018. Toutefois, ce procès-verbal a été produit par l'OFII devant le tribunal administratif de Versailles et la société ne conteste pas que M. A... B..., ressortissant tunisien, ne disposait pas du 8 août 2016, date de son embauche par la société, au 26 mars 2018 d'une autorisation de travailler en France, qui ne lui a été délivrée que le 27 mars 2018. Dans ces conditions la société n'est pas fondée à soutenir que l'OFII n'apporterait pas la preuve de la matérialité de l'infraction.

Sur les conclusions aux fins de réduction du montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail :

6. Aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / (...) ". L'article L. 8252-2 du même code prévoit que : " Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite : 1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. A défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d'une durée de trois mois. Le salarié peut apporter par tous moyens la preuve du travail effectué ; / 2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable. (...) / Lorsque l'étranger non autorisé à travailler a été employé dans le cadre d'un travail dissimulé, il bénéficie soit des dispositions de l'article L. 8223-1, soit des dispositions du présent chapitre si celles-ci lui sont plus favorables ". Enfin, aux termes de l'article L. 8252-4 du même code : " Les sommes dues à l'étranger non autorisé à travailler, dans les cas prévus aux 1° à 3° de l'article L. 8252-2, lui sont versées par l'employeur dans un délai de trente jours à compter de la constatation de l'infraction ".

7. La société BPR Chrono Pizza demande, à titre subsidiaire, que le montant de la contribution spéciale mise à sa charge soit calculé conformément aux dispositions précitées du III de l'article R. 8253-2 du code du travail et soutient à ce titre qu'elle s'est acquittée de l'ensemble des salaires et indemnités dues à M. B.... L'OFII fait valoir que la société ne justifie pas s'être acquittée dans le délai de trente jours prévu à l'article L. 8252-4 du code du travail, des salaires et indemnités de rupture imposés à l'article L. 8252-2 de ce code. Il résulte toutefois de l'instruction et n'est du reste pas sérieusement contesté par l'office que la société s'est acquittée des salaires dus à M. B... au titre de la période d'emploi illicite de ce dernier. Par ailleurs, dès lors qu'à la date de constatation de l'infraction, soit le 3 mai 2018, le salarié en question était autorisé à travailler en France, la société n'était pas tenue de mettre fin à la relation de travail et n'avait donc pas à verser à M. B... l'indemnité forfaitaire mentionnée au 2° de l'article L. 8252-2 du code du travail. Dans ces conditions, la société BPR Chrono Pizza justifie qu'elle entre dans le champ d'application des dispositions du III de l'article R. 8253-2 du code du travail et est fondée à soutenir que c'est à tort que le directeur général de l'OFII a calculé le montant de la contribution spéciale dont elle est redevable en retenant 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti et non 1 000 fois le taux horaire.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société BPR Chrono Pizza est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la réduction du montant de la contribution spéciale mise à sa charge.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFII la somme de 850 euros que demande la société BPR Chrono Pizza au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. La société BPR Chrono Pizza n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent en revanche être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail mise à la charge de la société BPR Chrono Pizza par la décision du 12 novembre 2018 du directeur général de l'OFII est ramené à 3 570 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1900303 du 22 octobre 2020 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire.

Article 3 : L'OFII versera à la société BPR Chrono Pizza la somme de 850 euros qu'elle demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société BPR Chrono Pizza est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société BPR Chrono Pizza et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

Le rapporteur

B. C...Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE03335 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03335
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SCHEGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-05-10;20ve03335 ?
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