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10/05/2022 | FRANCE | N°21VE01803

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 10 mai 2022, 21VE01803


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 16 juin 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2101426 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête enregistrée le 22 juin 2021, M. A..., représenté par Me de Clerck, avocate...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 16 juin 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2101426 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2021, M. A..., représenté par Me de Clerck, avocate, demande à la cour :

1°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 16 juin 2020 du préfet de l'Essonne ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me de Clerck de la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est cru en situation de compétence liée et a ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit ;

Sur la décision portant l'obligation de quitter le territoire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour qui la fonde ;

- elle est intervenue en méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2021, le préfet de l'Essonne, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles en date du 30 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me de Clerck, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant malien, entré en France le 15 mai 2018 selon ses déclarations, a sollicité le 6 janvier 2020 son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 16 juin 2020, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 7 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président " et aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 : " L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué ".

3. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles. Ses conclusions tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ont, par suite, perdu leur objet. Il n'y a plus lieu, dès lors, d'y statuer.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 16 juin 2020 du préfet de l'Essonne :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris à l'article L. 425-9 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. "

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet de l'Essonne s'est fondé, notamment, sur l'avis émis le 5 juin 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel indique que l'état de santé du requérant " nécessite une prise en charge médicale " dont le défaut " peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ", mais qu'" eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Pour contester cette appréciation du préfet de l'Essonne quant à la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, M. A... produit trois certificats médicaux établis les 19 avril, 24 avril et 21 juillet 2020 par le docteur D..., son médecin traitant en neurologie. Toutefois ces documents, qui mentionnent que l'état du requérant nécessite " une prise en charge médicale spécialisée neurologique et régulière ", ne comportent aucune appréciation sur les conditions de prise en charge médicale de l'intéressé au Mali et ne sauraient, dès lors, remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur ce point, conformément à l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII. Si le certificat médical établi le 21 juin 2021 par le docteur de Goulet, médecin au sein de l'association Diagonale Ile-de-France, mentionne notamment que la prise en charge médicale de l'épilepsie au Mali " n'est pas toujours adaptée à la pathologie ", elle ne remet cependant pas en cause l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine du requérant. Par ailleurs, M. A... ne conteste pas utilement la disponibilité au Mali des médicaments qui lui sont prescrits, la Dépakine 500 mg et le Tégretol 200 mg, en se bornant à se prévaloir des termes très généraux d'un rapport de l'organisation mondiale de la santé concernant le système de santé malien. Il ne conteste pas non plus sérieusement qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé au Mali en soutenant que les personnes épileptiques seraient victimes de discriminations alors qu'il ressort des pièces du dossier que cette circonstance ne fait pas obstacle à une prise en charge médicale adaptée, notamment en milieu urbain. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision en litige, que le préfet de l'Essonne se serait cru en situation de compétence liée par l'avis du collège de médecins de l'OFII pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A... n'établit pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposée est illégale. Dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée et doit être rejetée.

9. En second lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union (...) ". Si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure telle qu'une mesure d'éloignement du territoire français dès lors que ces stipulations s'adressent non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union relatif au respect des droits de la défense imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure envisagée. Toutefois, dans le cas où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations spécifiquement sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

10. En l'espèce, la décision par laquelle le préfet de l'Essonne a obligé M. A... à quitter le territoire français est consécutive à un refus de délivrance de titre de séjour. Ainsi, le préfet n'était pas tenu d'inviter l'intéressé à présenter préalablement ses observations, alors qu'il a été mis en mesure, lors du dépôt de sa demande et au cours de son instruction, de faire valoir les éléments dont il disposait alors et justifiant son droit au séjour et son maintien sur le territoire français. Le moyen tiré de la violation du droit à être entendu ne peut ainsi qu'être écarté. Il en va de même du moyen tiré de ce qu'à défaut pour le préfet d'avoir mis à même M. A... de présenter ses observations sur la mesure d'éloignement, celle-ci n'aurait pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui a été précédemment exposé que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé au Mali. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

Le rapporteur,

B. C...

Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE01803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01803
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : DE CLERCK

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-05-10;21ve01803 ?
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