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07/06/2022 | FRANCE | N°20VE02283

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 07 juin 2022, 20VE02283


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ella Lux a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits, intérêts et majorations, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de la retenue à la source et des rehaussements de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de son premier exercice clos au 30 novembre 2014, de la pénalité pour non-désignation des bénéficiaires des di

stributions mise à sa charge au titre du même exercice, et des rappels de taxe sur l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ella Lux a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits, intérêts et majorations, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de la retenue à la source et des rehaussements de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de son premier exercice clos au 30 novembre 2014, de la pénalité pour non-désignation des bénéficiaires des distributions mise à sa charge au titre du même exercice, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 14 juin 2013 au 30 novembre 2015.

Par un jugement n° 1900900 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020, la SARL Ella Lux, représentée par Me Boudriot, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le second avis de vérification portant sur l'ensemble de ses déclarations de l'exercice clos en 2014, qui lui a été remis en main propre le 28 janvier 2016, indique que la première intervention sur place aura lieu le 28 janvier 2016 ; les opérations ont effectivement commencé le jour même ; elle n'a de ce fait pas disposé du délai de deux jours francs accordé au contribuable pour se faire assister d'un conseil en méconnaissance des prescriptions de la doctrine administrative référencées BOI-CF-PRG-20-10 du 12 septembre 2012 ;

- le service a procédé à des retraitements des fichiers qui lui avaient été transmis en 2015, ainsi qu'il ressort des anomalies qu'elle a relevées pour justifier l'extension de la vérification de comptabilité ; il s'en infère que les opérations de contrôle ont commencé avant l'avis de vérification qui lui a été remis le 28 janvier 2016 ;

- le défaut d'inventaire détaillé du stock ne suffit pas à justifier le rejet de sa comptabilité ; le suivi des achats et des ventes n'était pas impossible puisque le service a pu reconstituer une comptabilité matière exhaustive à partir des données de l'activité ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires et l'analyse de rentabilité sont incohérentes et sans rapport avec la réalité économique, alors qu'elle a fourni ses factures de vente et d'achats dont le service a seulement relevé que leur libellé n'était pas assez précis, que le service ne démontre que la minoration de la valeur du stock et non l'omission de déclarer des ventes, et que le calcul du taux de rentabilité est erroné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 février 2022, l'instruction a été fixée au 8 mars 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... ,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Ella Lux, qui a été créée le 14 juin 2013 et qui exerce une activité de vente en gros de chaussures importées de Chine, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur son premier exercice clos au 30 novembre 2014, étendue au 30 novembre 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi qu'une retenue à la source et des majorations et pénalités pour non-désignation des bénéficiaires des avantages occultes réputés distribués. Elle relève appel du jugement du 6 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / (...) L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. " Il résulte de ces dispositions que la première intervention de l'administration sur place aux fins de vérification de la comptabilité du contribuable ne peut avoir lieu qu'après que ce dernier a été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de notification, dans un délai raisonnable qui ne peut être inférieur à deux jours ouvrés, de l'engagement du contrôle, cette garantie étant de nature à permettre au contribuable d'être présent ou représenté lors des interventions sur place du vérificateur.

3. S'il est constant que l'avis de vérification remis en main propre au représentant de la SARL Ella Lux le 28 janvier 2016 indique que la première intervention aura lieu le jour même, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 29 juillet 2016, que les opérations de vérification ont effectivement commencé le 4 février 2016 lors du premier entretien sur place. Il ne résulte pas de l'instruction que le service ait, comme le soutient l'appelante, procédé à l'examen des pièces sur place dès le 28 janvier 2016. La SARL Ella Lux, qui ne peut utilement se prévaloir d'une instruction relative à la procédure d'imposition, n'est par suite pas fondée à soutenir qu'elle a été privée du délai raisonnable prévu par les dispositions rappelées au point précédent.

4. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. (...) ".

5. La société requérante soutient que le service a procédé à des retraitements sur les fichiers informatisés qu'elle lui avait remis à la suite du premier avis de vérification de comptabilité du 24 février 2015 aux seules fins de s'assurer de la cohérence et de l'exhaustivité des produits déclarés et de valider l'exactitude des règles de TVA en matière de facturation, sans l'en informer préalablement et que les opérations de contrôle ont commencé avant le second avis de vérification qui lui a été remis le 28 janvier 2016. Toutefois, ce moyen doit être écarté dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les anomalies constatées par le service au vu des " fichiers de gestion " remis en 2015, au vu desquelles le vérificateur a justifié l'extension de la vérification de comptabilité à la période du 30 novembre 2014 au 30 novembre 2015 en matière de TVA et aux autres impôts commerciaux sur l'exercice clos en 2014, ne pouvaient être décelées qu'en procédant à l'exploitation des fichiers informatiques transmis le 10 juin 2015, et alors que l'administration fiscale a seulement procédé au rapprochement entre le chiffre d'affaires résultant de la comptabilité de l'entreprise et celui figurant sur ses déclarations de TVA, sans opérer aucun retraitement. Le moyen doit par suite être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé des impositions :

6. En vertu des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge.

7. Le service a écarté la comptabilité de la SARL Ella Lux, motifs pris de l'absence d'inventaire des stocks au 31 décembre 2014 et de l'impossibilité de rapprocher les qualités et prix des marchandises achetées, vendues et stockées, du fait de l'absence de références et de l'imprécision du libellé des factures. Ces constatations justifient que la comptabilité de la société requérante ait été regardée comme entachée de graves irrégularités. A cet égard, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des énonciations contenues dans la documentation administrative référencée BOI-CF-IOR-10-20 du 12 septembre 2012, qui porte sur la procédure d'imposition et ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Le rejet de la comptabilité étant justifié, et les impositions contestées ayant été mises en recouvrement sur les bases retenues par la commission départementale, la SARL Ella Lux supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions.

8. La reconstitution du chiffre d'affaires éludé par la SARL Ella Lux résulte de la décision du 15 décembre 2016 prise sur recours hiérarchique. A partir du rapprochement entre le stock théorique reconstitué à partir des factures d'achat et des fichiers de gestion des ventes, et le stock au 31 décembre 2014 résultant d'une attestation du gérant, le supérieur hiérarchique a déterminé le nombre d'articles vendus non comptabilisé qu'il a répartis proportionnellement entre les deux catégories de produits vendus, soit les bottes et les chaussures, auxquels il a appliqué un prix unitaire moyen résultant des données de l'exploitation et un taux de marge brute de 27,96 % correspondant à la médiane du panel, au lieu du taux de marge de 41,22 % constaté dans la société avant rehaussement, taux ramené à 20,16 % sur avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. La minoration du stock de fin d'exercice n'est pas contestée, pas plus que le prix unitaire moyen appliqué à chaque catégorie d'articles. En se bornant à faire valoir, d'une part, que le service n'a pas relevé d'anomalies dans la numérotation chronologique de ses factures, alors que le service a mis en évidence l'existence de ventes sans factures, d'autre part, que la minoration du stock n'établit pas la minoration des ventes, alors que l'écart entre la valeur du stock reconstitué et la valeur attestée correspond à des produits non comptabilisés, enfin que l'analyse de rentabilité est erronée, alors que cette méthode de reconstitution a été abandonnée, la SARL Ella Lux n'établit pas que la méthode de reconstitution est excessivement sommaire ou radicalement viciée.

Sur les pénalités :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

10. L'administration fiscale justifie la majoration de 40 % des rehaussements par les omissions de facturation et de comptabilisation des recettes, la négligence dans la comptabilisation de provisions et pertes sur créances irrécouvrables, des charges injustifiées et la refacturation de prestations de service inexistantes à un fournisseur hongkongais, qui sont de nature à caractériser l'intention de la SARL Ella Lux d'éluder l'impôt. Si la SARL Elle Lux fait de nouveau valoir en appel, sans arguments nouveaux ni critique du jugement, que cette majoration n'est pas fondée dès lors qu'elle a " tout au plus commis une erreur de débutant " et que l'ensemble des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés représente moins de 6 % de son chiffre d'affaires déclaré, ce moyen peut être écarté par adoption des motifs des premiers juges.

11. En second lieu, aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) ".

12. Il est constant qu'en réponse à la demande du service de désigner les bénéficiaires des distributions, la contribuable s'est désignée elle-même, ce qui doit être assimilé à un défaut de réponse justifiant l'application de l'amende prévue par les dispositions rappelées au point précédent. Si la SARL Ella Lux soutient qu'elle doit être déchargée de l'amende pour non-désignation des bénéficiaires des distributions, dès lors que les rappels et rehaussements n'étant pas fondés, aucun revenu n'a été distribué, il résulte de ce qui a été dit précédemment que sa contestation sur ce point ne peut qu'être écartée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Ella Lux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Ella Lux est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Ella Lux et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.

La rapporteure,

O. A...Le président,

P. BEAUJARDLa greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 20VE02283 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02283
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : BOUDRIOT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-07;20ve02283 ?
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