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23/09/2022 | FRANCE | N°20VE01855

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 23 septembre 2022, 20VE01855


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 10 avril 2018 par lequel le président de la communauté d'agglomération Paris Saclay a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonction d'une durée d'un an, du 12 avril 2018 au 11 avril 2019 et d'enjoindre à la communauté d'agglomération Paris-Saclay de la réintégrer dans ses fonctions à la date de son éviction et de lui verser le traitement qu'elle aurait dû percevoir à compter

du 12 avril 2018, dans un délai de dix jours à compter de la notification du juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 10 avril 2018 par lequel le président de la communauté d'agglomération Paris Saclay a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonction d'une durée d'un an, du 12 avril 2018 au 11 avril 2019 et d'enjoindre à la communauté d'agglomération Paris-Saclay de la réintégrer dans ses fonctions à la date de son éviction et de lui verser le traitement qu'elle aurait dû percevoir à compter du 12 avril 2018, dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réformer l'arrêté du 10 avril 2018 en remplaçant la sanction infligée par une sanction plus faible ou, à défaut, en l'assortissant du sursis et enfin de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Paris-Saclay la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1804086 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 juillet et le 9 octobre 2020 et le 7 janvier et le 5 mai 2022, Mme C... F..., représentée par Me Lebrun, avocat, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles du 2 juin 2020 et d'annuler pour excès de pouvoir la décision du président de la communauté d'agglomération Paris-Saclay du 10 avril 2018 portant exclusion temporaire d'un an ;

2°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération Paris-Saclay de la réintégrer dans ses fonctions, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui verser les sommes dues entre le 12 avril 2018 et le 11 avril 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Paris-Saclay la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle entend reprendre tous les moyens soulevés devant le tribunal administratif ;

- le jugement est irrégulier car dépourvu de signature ;

- le jugement est irrégulier car insuffisamment motivé faute de préciser pourquoi le certificat du 25 avril 2017 serait un certificat de complaisance ;

- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur plusieurs moyens qui n'étaient pas inopérants et qu'il n'a pas analysé dans les visas ;

- il est aussi entaché d'une inexactitude matérielle des faits en tant qu'il retient sa présence au Brésil du 25 avril au 6 mai 2017 ; les documents produits par la communauté d'agglomération n'établissent pas une telle présence ;

- il est également entaché d'une erreur de qualification des faits en jugeant que les faits reprochés sont de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

- il est de surcroît entaché d'une contradiction de motifs en relevant que la sanction est sévère faute d'antécédent mais en ne l'estimant pas disproportionnée et en relevant que le certificat médical, en date du 25 avril 2017, n'était pas falsifié mais qu'il s'agissait quand même d'un certificat de complaisance lui ayant permis de se rendre au Brésil entre le 24 avril et le 6 mai 2017, les premiers juges ont immanquablement entaché leur jugement d'une grave contradiction de motifs ;

- la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'une année qui lui a tout de même été infligée est disproportionnée ; les faits ne sont pas établis ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'appréciation alors que les faits ne sont pas matériellement établis et ne peuvent pas justifier la sanction ; l'arrêt de travail n'a pas été établi par complaisance ; elle se trouvait en France pendant la période de congé de maladie ;

- son représentant au conseil de discipline n'a pas pu exposer son point de vue et n'a pas pu s'exprimer en dernier ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit en ce que les premiers juges ont considéré que le contrôle du caractère proportionné de la sanction disciplinaire devait nécessairement s'exercer au sein d'un même groupe de sanction, sans vérifier que l'exclusion temporaire de fonctions d'une année était, ou non, proportionnée aux faits, en " violation " de leur office qui les obligeait à mettre en œuvre un contrôle normal.

Par un mémoire en défense enregistrés le 25 novembre 2021, la communauté d'agglomération Paris Saclay, représentée par Me Bazin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lebrun pour Mme F... et de Me Poput pour la communauté d'agglomération Paris-Saclay.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... a été recrutée comme agent contractuel par la commune de Bures-sur-Yvette en 1993, pour occuper les fonctions de professeur de piano, à temps non-complet. Elle a été titularisée le 1er janvier 2003 en tant qu'assistant d'enseignement artistique à temps non-complet, avec un service de 14 heures 30 minutes d'enseignement par semaine. Elle est intégrée à compter du 1er janvier 2016 à la communauté d'agglomération de Paris-Saclay. Elle a demandé le 1er avril 2017, puis le 8 avril suivant, la possibilité de reporter ses cours afin de pouvoir assurer une tournée de concerts sur la période du 1er mai au 8 mai 2017 puis du 26 avril au 6 mai 2017. Après des échanges avec le directeur du conservatoire de Bures-sur -Yvette, elle a formulé par courriel une demande de disponibilité pour convenances personnelles du 3 au 6 mai 2017, avant d'annuler cette demande par courriel du 22 avril 2017. Elle a ensuite adressé par courrier un arrêt de travail établi le 25 avril 2017, pour la période du 25 avril au 6 mai 2017. Après un avis favorable rendu par le conseil de discipline lors de sa séance du 30 avril 2018, le président de la communauté d'agglomération Paris-Saclay a prononcé le 10 avril 2018 à l'encontre de Mme F... la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'un an, du 12 avril 2018 au 11 avril 2019, au motif qu'elle avait produit par voie postale un arrêt de travail falsifié allant du 25 avril au 6 mai 2017 alors qu'elle était en tournée artistique au Brésil du 24 avril au 8 mai 2017, faits aggravés par la circonstance qu'elle avait publié sur les réseaux sociaux des extraits de ce séjour au Brésil. Par un jugement du 2 juin 2020, dont Mme F... fait appel, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que, dans son mémoire en réplique enregistré le 6 janvier 2020, Mme F... a soulevé trois nouveaux moyens, dans un II qui leur était consacré, relatifs à l'absence de communication de la lettre du 18 août 2017 pendant le Conseil de discipline, à l'insuffisance de motivation de l'avis du conseil de discipline et à la circonstance que le président de la communauté d'agglomération se serait estimé lié par l'avis du conseil de discipline. Il ressort du jugement, qui a visé et analysé le mémoire, qu'il n'a pas visé ces moyens, qui n'étaient pas inopérants, et a omis de les examiner. Mme F... est donc fondée à soutenir que ledit jugement est entaché d'une irrégularité et qu'il doit être annulé pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre le jugement.

3. Il y a donc lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur l'ensemble des conclusions et moyens présentés par Mme F... tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la communauté d'agglomération :

4. Il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'une contestation portant sur une sanction que l'administration inflige à l'un de ses agents, de prononcer une sanction se substituant à celle prise par l'administration.

5. Par suite, la communauté d'agglomération Paris-Saclay est fondée à soutenir que les conclusions formulées par Mme F... dans le mémoire enregistré le 11 juin 2018 et tendant, à titre subsidiaire, à ce que l'arrêté du 10 avril 2018 soit réformé en remplaçant la sanction d'une exclusion temporaire de douze mois par une sanction plus faible ou en l'assortissant d'un sursis, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les moyens de légalité externe :

6. Aux termes de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " Le conseil de discipline ne comprend en aucun cas des fonctionnaires d'un grade inférieur à celui du fonctionnaire déféré devant lui. Il comprend au moins un fonctionnaire du grade de ce dernier ou d'un grade équivalent. Les grades et emplois de la même catégorie classés par décret dans un même groupe hiérarchique sont équivalents au sens de la présente loi (...). ".

7. Si Mme F... soutient, sans apporter d'ailleurs aucun élément à l'appui de ce moyen, que des agents de grade inférieur au sien auraient siégé au sein du conseil de discipline le 30 avril 2018, il ressort des pièces du dossier que M. D... et Mme G... sont représentants du personnel respectivement titulaire et suppléant pour le groupe supérieur de la catégorie B au sein de la commission administrative paritaire. Le moyen tiré de la composition irrégulière du conseil de discipline manque donc en fait.

8. Aux termes de l'article 6 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de la réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Il peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix ". Aux termes de l'article 9 de ce texte : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte à la connaissance des membres du conseil, en début de séance, les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses conseils ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexés. / Le rapport établi par l'autorité territoriale et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. / Le conseil de discipline entend séparément chaque témoin cité. Toutefois, le président peut décider de procéder à une confrontation des témoins ; il peut également décider de procéder à une nouvelle audition d'un témoin déjà entendu. / Les parties ou, le cas échéant, leurs conseils peuvent, à tout moment de la séance, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales ; ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... s'est fait représenter, lors de la séance du conseil de discipline du 30 avril 2018, par M. B..., professeur de piano au conservatoire d'Angoulême. Si elle soutient que M. B... aurait été empêché de présenter des observations lors de cette séance, et notamment à l'occasion de la lecture d'une lettre du 18 août 2017 attribuée à Mme F..., et qu'il n'aurait pas non plus été invité à présenter d'ultimes observations avant le délibéré, il ressort du procès-verbal de la séance comme d'ailleurs des propres déclarations de M. B... qu'il a formulé des observations jusqu'à ce qu'il ne décide, de sa propre initiative, de quitter la séance au motif que la lettre du 18 août 2017 lui semblait sans rapport avec la situation de Mme F..., dans la mesure où il estimait qu'elle avait été rédigée par sa sœur. Si Mme E... soutient que M. B... est resté dans les locaux de la communauté d'agglomération et qu'il n'a pas été rappelé après son départ, ces allégations ne sont étayées par aucun élément du dossier, et notamment pas par les mentions portées au procès-verbal de la réunion, alors en tout état de cause qu'il n'appartenait pas au président de conseil de discipline de s'enquérir de la présence de M. B... après un départ qui n'apparaît pas avoir été annoncé comme provisoire. Enfin, si Mme F... soutient que le courrier du 18 août 2017 n'a pas été communiqué à son représentant au cours de la séance, il ressort du courrier du président de la communauté d'agglomération du 18 septembre 2017, qui fait état de la teneur de ce courrier et de sa transmission au centre interdépartemental de gestion, qu'il a invité Mme F... à prendre connaissance de son dossier administratif et disciplinaire et qu'elle n'a donc pas été privée de la possibilité d'y accéder. Il est constant, par ailleurs, qu'elle a été reçue en entretien par le responsable des ressources humaines, le 26 septembre 2017. Le moyen tiré d'une méconnaissance des droits de la défense doit donc être écarté.

10. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 2° Infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctionnaires publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés". Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce la sanction de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.

11. L'avis du conseil de discipline du 30 mars 2018 précise les faits reprochés à Mme F..., et notamment l'envoi d'un certificat médical alors qu'elle était déjà en tournée artistique au Brésil, et précise qu'elle a reconnu avoir réalisé cette tournée dans un courrier adressé à la collectivité le 18 août 2017. Cet avis retient le caractère gravement fautif de ces faits et précise que la sanction de l'exclusion temporaire de 12 mois recueille la majorité des voix. Au regard de ces éléments, et quand bien même M. B... soutient avoir contesté au cours de la séance que Mme E... serait l'auteur du courrier reçu le 18 août 2017, l'avis est suffisamment motivé au sens des dispositions précitées.

12. L'arrêté en litige du 10 avril 2018 vise les textes applicables, précise les faits reprochés à Mme F..., en indiquant qu'ils sont aggravés par la circonstance qu'elle a publié sur les réseaux sociaux des extraits de son séjour au Brésil, rappelle la procédure suivie et mentionne la teneur de l'avis mentionné au point 11, en indiquant que la sanction proposée par le conseil de discipline mentionne comme il convient les faits reprochés. Il est donc suffisamment motivé au sens des dispositions précitées.

Sur la légalité interne :

13. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

14. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 précitée, alors applicable :" Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / l'abaissement d'échelon ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / la rétrogradation ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation ".

15. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... a transmis à la communauté d'agglomération de Paris-Saclay un arrêt de travail établi le 25 avril 2017, portant sur la période du 25 avril au 6 mai 2017. Il en ressort également que Mme F... avait demandé, au début du mois d'avril 2017, de pouvoir reporter à la fin du mois de mai 2017 certains de ses cours au conservatoire de Bures-sur-Yvette afin de pouvoir assurer la tournée au Brésil du duo Cziffra, qu'elle constitue avec M. B..., programmée du 25 avril au 6 mai 2017. Il ressort également des pièces du dossier que tant M. B... que Mme F... ont mis en ligne sur leur site Facebook, avant de les supprimer, des messages et des photographies retraçant le déroulement de cette tournée au Brésil, et notamment des photographies du duo prises lors des concerts donnés et évoquant la présence de Mme F.... Des photographies du duo donnant un concert à Bélem ont également été mises en ligne par des tiers. Si la requérante soutient qu'elle a été remplacée au dernier moment par une autre pianiste pour cette tournée, ce que M. B... aurait dissimulé à ses admirateurs afin de ne pas les décevoir, cette allégation n'est étayée par aucune pièce du dossier et la communauté d'agglomération fait valoir, à juste titre, que l'identité de cette personne n'a toujours pas été révélée. Une telle substitution apparaît dès lors invraisemblable, au regard des photographies produites à l'instance et du fonctionnement du duo qu'elle constitue avec M. B.... Si la requérante s'appuie par ailleurs sur le certificat médical établi le 25 avril 2017 ainsi que quelques dépenses retracées sur son compte bancaire et des témoignages de membres de sa famille, ces éléments sont peu nombreux et les témoignages, approximatifs et peu circonstanciés, se contredisent partiellement s'agissant du lieu de séjour de Mme F..., la sœur jumelle de l'intéressée ayant attesté le 8 juin 2018 qu'elle résidait pendant cet arrêt de travail à son propre domicile, alors que sa nièce et son beau-frère ont indiqué lui avoir rendu visite au domicile de la requérante. Ainsi, quand bien même il n'est pas possible de regarder comme établi que la sœur jumelle de M. F... se serait substituée à elle pour faire établir le certificat médical du 25 avril 2017 et accomplir certains actes, il y a lieu, au regard des circonstances très particulières de l'espèce et notamment des informations multiples et concordantes mises en ligne sur les réseaux sociaux, de considérer que Mme F... a bien assuré la tournée du duo Cziffra au Brésil sans y avoir été autorisée préalablement, à une période pour laquelle elle a produit un arrêt de travail. La communauté d'agglomération n'a pas commis d'erreur en considérant que ce comportement, aggravé par la mise en ligne d'informations accessibles aux parents d'élèves dont les cours ont été annulés, était constitutif d'une faute justifiant une sanction disciplinaire.

16. Si Mme F... n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire avant l'arrêté du 10 avril 2018, la sanction de l'exclusion temporaire de douze mois n'apparaît pas disproportionnée au regard des faits reprochés, et notamment de la production par Mme E... d'un arrêt de travail obtenu dans des conditions troubles destiné à justifier son absence à une période où sa présence au conservatoire était souhaitée par son employeur, ce qu'elle ne pouvait ignorer au regard des échanges intervenus avec le directeur du conservatoire de Bures-sur-Yvette, à seule fin de participer à une tournée artistique au Brésil.

17. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de l'arrêté en cause, qui a retenu une circonstance aggravante à faute commise, qui n'était pas mentionnée par l'avis du conseil discipline, que le président de la communauté d'agglomération se serait cru lié par l'avis rendu le 30 avril 2018.

18. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles du 2 juin 2020 et de rejeter les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du président de la communauté d'agglomération Paris-Saclay du 10 avril 2018 présentée au tribunal administratif, ainsi, par voie de conséquence, que celles présentées aux fins d'injonction et en cause d'appel.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Paris-Saclay, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme demandée par Mme F... sur ce fondement.

20. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de Mme F... la somme de 1 000 euros au titre des conclusions présentées par la communauté d'agglomération Paris-Saclay sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1804086 du tribunal administratif de Versailles du 2 juin 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme F... au tribunal administratif de Versailles et les conclusions de Mme F... en appel sont rejetées.

Article 3 : Mme E... versera à la communauté d'agglomération Paris-Saclay la somme de 1 000 euros en application de l'article article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et à la communauté d'agglomération Paris-Saclay.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur ;

M. Frémont, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2022.

Le rapporteur,

M. MAUNYLe président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE01855 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01855
Date de la décision : 23/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : LEBRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-09-23;20ve01855 ?
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