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18/10/2022 | FRANCE | N°21VE02136

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 21VE02136


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2012558 du 17 juillet 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 ju

illet 2021 et le 30 juillet 2021, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour :

1° d'annuler le juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2012558 du 17 juillet 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juillet 2021 et le 30 juillet 2021, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Il soutient que :

- l'intensité de la relation entre Mme B... et son époux est sujette à caution étant donné leur divorce en juin 2018 et leur remariage en novembre 2018, juste avant l'entrée en France de Mme B... ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas l'article 3 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant ;

- l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie familiale de Mme B... dès lors que l'enfant des époux B... n'est pas gravement malade et que M. B... ne démontre pas participer à l'entretien et à l'éducation de son enfant ;

- Mme B... ne pouvait se voir accorder un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant donné que son époux pouvait demander son introduction au titre du regroupement familial.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2022, Mme B..., représentée par Me Monconduit, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable en raison du manque de sérieux et de fondement des arguments du préfet du Val-d'Oise ;

- les moyens soulevés par le préfet du Val-d'Oise ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Pham, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante marocaine, née le 9 juillet 1977, indique être entrée en France le 29 novembre 2018. Elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté en date du 6 novembre 2020, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet du Val-d'Oise relève régulièrement appel du jugement n° 2012558 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'était mariée une première fois en 2012 avec M. B..., et que de cette union est née leur fille, le 25 juin 2014. En juin 2018, elle a divorcé de son époux, mais s'est remariée le 10 novembre 2018, peu de temps avant son entrée en France. M. B... est un ressortissant marocain titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 10 décembre 2022. Son emploi, comme agent de sécurité, et les deux contrats de travail qu'il cumule, l'un à temps plein et l'autre à temps partiel, lui permettent de subvenir aux besoins de sa famille. Le couple habite ensemble depuis deux ans à la date de la décision attaquée et leur fille, scolarisée en France depuis l'année scolaire 2018-2019, était en classe de CP au moment de la décision attaquée. Celle-ci est par ailleurs suivie à l'hôpital Trousseau pour des troubles oculaires. Mme B... souffre depuis 2018 d'une myasthénie, ce qui entraîne une grande fatigabilité et lui rend, sinon nécessaire, du moins profitable l'assistance de son époux pour l'accomplissement des tâches de la vie quotidienne. Dans ces conditions, compte tenu des attaches de Mme B... sur le territoire français, de l'ancienneté de sa relation avec M. B... et de l'intérêt de sa présence en France, notamment pour son enfant, l'arrêté contesté, a porté une atteinte excessive à la vie privée et familiale de Mme B... et a ainsi méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme B..., que le préfet du Val-d'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 2 novembre 2020 et l'a enjoint de délivrer à Mme B... un titre de séjour.

Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Val-d'Oise est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Mme B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B.... Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

C. PHAM Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21VE02136


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02136
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Demande de titre de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Droit au respect de la vie privée et familiale.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : LEXGLOBE SELARL CHRISTELLE MONCONDUIT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-18;21ve02136 ?
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