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31/10/2022 | FRANCE | N°21VE02261

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 31 octobre 2022, 21VE02261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé son pays de destination, ainsi que de lui enjoindre de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et lui accorder une autorisation provisoire de séjour durant cet examen.

Par un jugement n° 2008014 du 10 mars 2021, la magistrate désignée par la présid

ente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé son pays de destination, ainsi que de lui enjoindre de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et lui accorder une autorisation provisoire de séjour durant cet examen.

Par un jugement n° 2008014 du 10 mars 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2021, M. C..., représenté par Me Peschanski, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas motivé et le tribunal administratif n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la violation de son droit à la vie privée et familiale, sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation quant à l'application de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qui concerne le pays de renvoi ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne les conséquences de la décision sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2022, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant congolais né le 12 mai 1970 à Brazzaville, déclare être entré en France le 6 juin 2013. Il relève appel du jugement du 10 mars 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Sur les moyens communs aux décisions en litige :

2. En premier lieu, M. C... soutient que l'arrêté du 29 novembre 2020 est entaché d'une illégalité tenant à l'incompétence de son signataire. Or, M. Benoit Kaplan, secrétaire général de la préfecture de l'Essonne, a reçu, par un arrêté n° 2020-PREF-DCPPAT-BCA-241 du 19 octobre 2020, régulièrement publié le même jour au recueil n° 163 spécial des actes administratifs de cette préfecture, délégation du préfet de l'Essonne pour signer les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces décisions manque en fait et doit être écarté.

3. En second lieu, l'arrêté en litige vise les textes dont il fait application et fait état des conditions d'entrée sur le territoire français de M. C.... Il indique qu'il s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 6 décembre 2018, à l'exécution de laquelle il s'est soustrait. Il ressort aussi des motifs de l'arrêté contesté que le préfet a pris sa décision après avoir examiné la situation de M. C... au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'arrêté comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivé.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. En outre, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".

6. M. C... fait valoir qu'il réside depuis 2013 en France, où il a noué des relations, et qu'il a conclu un pacte civil de solidarité avec Mme A..., avec laquelle il soutient vivre en concubinage depuis 2010. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce pacte civil de solidarité, conclu en 2019, est récent, qu'il ne justifie pas " d'une relation de concubinage stable et ancienne qui aurait débuté avant son arrivée en France ou peu après et qu'il est le père de deux enfants mineurs demeurant au Congo, son pays d'origine. Ainsi, le requérant n'apporte pas d'éléments de nature à prouver une intégration sociale et professionnelle suffisante sur le territoire français. Par suite, l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, celles de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, M. C... est entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'il s'y est maintenu, malgré une obligation de quitter le territoire français qui lui a été notifiée le 8 décembre 2018, sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour. Dans ces conditions, le requérant se trouvait dans la situation visée au 1° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la date de la décision en cause et le préfet de l'Essonne était ainsi fondé à l'obliger à quitter le territoire français.

8. En outre, si M. C... fait valoir que le dépôt d'une demande d'admission au séjour le 19 janvier 2020, qui ne ressort pas des pièces du dossier, ferait obstacle au prononcé d'une mesure d'éloignement, dès lors que le préfet n'a pas, au préalable, statué sur cette demande de titre de séjour, le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide de l'éloignement d'un étranger qui se trouve dans l'un des cas mentionnés au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, le requérant ne justifie pas qu'il remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...). " et aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

10. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet de l'Essonne a examiné si le requérant encourrait des risques personnels en cas de retour au Congo. M. C... se borne à faire valoir qu'il a fui son pays en raison de persécutions liées à ses opinions politiques, sans apporter d'éléments permettant d'apprécier le bien-fondé de ses allégations, de telle sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

11. En second lieu, compte tenu des éléments relevés au point 6, le requérant n'est pas plus fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant le pays de renvoi. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doit aussi être écarté.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

12. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

13. Il ressort des motifs de la décision attaquée que le préfet de l'Essonne s'est fondé sur les circonstances que M. C... est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2013 et s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement, qui lui avait été notifiée en 2018, et qu'il ne justifie pas non plus avoir déposé une demande de titre de séjour. Il s'ensuit qu'en reprenant ces motifs pour établir le risque de fuite du requérant, le préfet de l'Essonne n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire, de sorte que ce moyen doit également être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées à titre accessoire, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Viseur-Ferré, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2022.

Le président assesseur,

O. MAUNY Le président rapporteur,

P.-L. D...La greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE02261


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02261
Date de la décision : 31/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : PESCHANSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-31;21ve02261 ?
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