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31/10/2022 | FRANCE | N°21VE03377

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 31 octobre 2022, 21VE03377


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet de l'Essonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, égal

ement dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation temporaire de séjou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet de l'Essonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, également dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation temporaire de séjour jusqu'à ce qu'il soit de nouveau statué sur son cas, dans un délai de sept jours à compter du jugement.

Par un jugement n° 2105525 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2021, Mme A..., représentée par Me Monconduit, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le même délai ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit de nouveau statué sur son cas, dans un délai de sept jours à compter de la notification du présent arrêt ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais engagés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est illégale en ce que le préfet n'a pas procédé à un examen de la demande d'un titre portant la mention " vie privée et familiale ", " salarié " ou " étudiant " ;

- le préfet n'a pas procédé dans sa décision à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de fait s'agissant de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3.1. de la convention internationale des droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours :

- elle est illégale par la voie de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est illégale en ce qu'elle aurait dû bénéficier de la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3.1. de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 avril 2022, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne du 28 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Cabral, substituant Me Monconduit, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante tunisienne née le 16 janvier 1971, est entrée en France le 23 septembre 2017, sous couvert d'un visa de long séjour. Elle a ensuite bénéficié d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " étudiant ", valable du 20 septembre 2018 au 19 septembre 2020. Elle relève appel du jugement du 16 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme A..., l'arrêté attaqué comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, lui permettant ainsi de le contester utilement. Ainsi, en considérant que l'arrêté rappelle les conditions d'entrée et de séjour de la requérante, précise les éléments relatifs à sa situation professionnelle, personnelle et familiale, mentionne qu'elle est mère de trois enfants dont deux sont majeurs et signale la présence en France de sa mère, de deux de ses frères et de ses deux sœurs, les premiers juges ont écarté à bon droit le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions contenues dans l'arrêté en litige.

3. En second lieu, et compte tenu des éléments précités, il ne ressort pas plus des pièces du dossier, et plus particulièrement de l'arrêté en litige lui-même, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation particulière tant personnelle que professionnelle de Mme A..., ni qu'il aurait fondé son refus de titre de séjour uniquement sur l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi sans procéder à un tel examen, de sorte que ce moyen doit être également écarté.

Sur la légalité interne :

4. En premier lieu, Mme A... soutient que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de fait, en ce que le préfet n'aurait pas examiné sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et se serait fondé sur des faits matériellement inexacts pour rejeter la demande de titre de séjour.

5. D'une part, il est constant que la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles ne sont pas applicables aux ressortissants tunisiens. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que Mme A... et sa mère sont co-titulaires du bail locatif de leur logement, alors que le préfet a estimé que cette dernière était hébergée par sa fille, il est constant, eu égard à la motivation de l'arrêté, que le préfet aurait pris la même décision. Le moyen tiré d'une erreur de droit et d'une erreur de fait ne peut dès lors qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, et ainsi que l'ont exactement rappelé les premiers juges, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour pouvant être délivrés aux étrangers s'appliquent, en vertu de l'article L. 111-2 de ce code, " sous réserve des conventions internationales ". Ainsi, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1 du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Les dispositions précitées sont complétées par l'article 2.3.3. du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne du 28 avril 2008. Enfin, aux termes du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarie ". (...) ".

7. Le préfet de l'Essonne, tout en mentionnant l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 précité dans les visas de sa décision, a fondé cette même décision de refus de délivrance d'un titre de séjour sur l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas applicable aux ressortissants tunisiens en vertu des dispositions précitées. Toutefois, il est constant que les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien précitées, concernant les titres de séjour portant la mention " salarié " pouvant être délivrés aux ressortissants tunisiens, peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans que l'intéressée ne soit privée d'aucune garantie, dès lors que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation lorsqu'elle se fonde sur l'une ou l'autre de ces dispositions similaires. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit fondée sur l'application de l'article L. 313-10 précité doit être écarté.

8. En troisième lieu, la requérante fait valoir que l'arrêté pris par le préfet de l'Essonne serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle aurait dû se voir délivrer un titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", et porte atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

10. D'une part, si Mme A... fait valoir qu'elle réside avec sa mère dont elle s'occupe, qui est veuve et handicapée, à la suite d'un accident vasculaire cérébral (AVC), il ressort des pièces du dossier que ses quatre frères et sœurs résident régulièrement sur le territoire français et que la requérante n'apporte pas d'éléments suffisants, à l'exclusion d'attestations des intéressés, de nature à démontrer que ses frères et sœurs ne seraient pas en mesure de s'occuper de leur mère qui réside depuis 25 ans sur le territoire français.

11. D'autre part, Mme A... soutient qu'elle est séparée de son mari qui réside en Tunisie, que ses trois enfants, dont deux sont majeurs, sont scolarisés ou poursuivent des études en France, et qu'elle serait parfaitement intégrée sur le territoire, où elle a suivi une formation, exerce une activité salariée et contribue, en tant que bénévole, aux activités du Secours populaire de Morsang-sur-Orge. Toutefois, la requérante est entrée récemment en France, en 2017, à l'âge de quarante-six ans, pour y effectuer des études, et il ne ressort des pièces du dossier qu'elle occupe un emploi en adéquation avec l'objet de ses études ou qu'elle serait démunie d'attaches familiales en Tunisie.

12. Il résulte de ce qui précède qu'aucun des éléments invoqués par Mme A... à l'appui de sa requête n'est de nature à établir qu'en prenant l'arrêté refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, de sorte que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent tous deux être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant au prononcé d'injonctions et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Viseur-Ferré, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2022.

Le président assesseur,

O. MAUNY Le président rapporteur,

P.-L. C...La greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE03377


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03377
Date de la décision : 31/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : LEXGLOBE SELARL CHRISTELLE MONCONDUIT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-31;21ve03377 ?
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