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10/11/2022 | FRANCE | N°20VE00918

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 10 novembre 2022, 20VE00918


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Iyeli a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 24 juillet 2018 par laquelle le maire de la commune de Montreuil a sursis à statuer, pendant un délai de deux ans, sur sa demande de permis de construire, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, et de mettre à la charge de la commune de Montreuil une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900918

du 8 janvier 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Iyeli a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 24 juillet 2018 par laquelle le maire de la commune de Montreuil a sursis à statuer, pendant un délai de deux ans, sur sa demande de permis de construire, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, et de mettre à la charge de la commune de Montreuil une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900918 du 8 janvier 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête de la SCI Iyeli et mis à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros à verser à l'établissement public territorial Est Ensemble au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mars 2020 et le 14 septembre 2021, la SCI Iyeli, représentée par Me Destarac, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montreuil une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Iyeli soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a pas suffisamment répondu au moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme faute d'avoir clairement identifié la localisation et la superficie du périmètre de mixité sociale ;

- le jugement attaqué a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-10 et L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- les caractéristiques du projet en termes de mixité sociale, d'emprise au sol et de hauteur ne compromettent pas et ne sont pas de nature à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme ;

- la décision attaquée a été prise sur le fondement d'une procédure d'approbation du plan local d'urbanisme elle-même entachée d'irrégularité ;

- cette procédure méconnaît les dispositions des articles L. 2121-10 et L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales dès lors que les conseillers municipaux n'ont pas été destinataires d'un ordre du jour et d'une note de synthèse préalablement à la délibération du 18 décembre 2014 ;

- cette procédure méconnaît les dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dès lors que la délibération du 18 décembre 2014 prescrivant la révision du plan local d'urbanisme ne présente pas les objectifs poursuivis par la commune avec un degré de précision suffisant ;

- il n'est pas établi que les personnes publiques associées visées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 du code de l'urbanisme aient été régulièrement associées à la procédure avant l'arrêt du projet de plan local d'urbanisme ;

- l'association des " Amis naturalistes des Côteaux d'Avron " n'a pas été consultée avant l'arrêt du projet en méconnaissance de l'article L. 132-12 du code de l'urbanisme ;

- les personnes publiques associées n'ont pas été régulièrement consultées sur le projet de plan local d'urbanisme arrêté en méconnaissance de l'article L. 153-16 du code de l'urbanisme ;

- la procédure suivie a méconnu les dispositions de l'article L. 153-15 du code de l'urbanisme en ne prévoyant pas une nouvelle délibération compte tenu de l'avis défavorable de la commune de Montreuil ;

- les dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ne sont pas opposables dans la présente affaire ;

- le projet du règlement de plan local d'urbanisme est incohérent avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables, en méconnaissance de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme ;

- le classement en zone UH du règlement du plan local d'urbanisme de la parcelle cadastrée AP 112 envisagé par le projet de plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2021, l'établissement public territorial Est Ensemble conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Iyeli une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens excipant de l'irrégularité de la procédure de révision du plan local d'urbanisme ne peuvent être invoqués après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document, conformément aux dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 octobre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour l'établissement public territorial Est Ensemble a été enregistré le 4 octobre 2021 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Gonnet, substituant Me Destarac, pour la SCI Iyeli.

Une note en délibéré présentée pour la SCI Iyeli a été enregistrée le 20 octobre 2022 et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de la commune de Montreuil a, par un arrêté du 24 juillet 2018, sursis à statuer, pendant un délai de deux ans, sur la demande de permis de construire présentée par la SCI Iyeli en vue de l'édification d'un immeuble de treize logements sur une parcelle cadastrée AP 112 située 12 bis rue Colbert. La société Iyeli demande l'annulation du jugement n° 1900918 du 8 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté son recours tendant à l'annulation de cette décision et du rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort du point 12 du jugement attaqué que le tribunal a estimé que le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des conseillers de territoire en méconnaissance des articles L. 2121-10 et L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales n'était articulé qu'à l'encontre de la procédure suivie pour la délibération du 25 septembre 2018 approuvant le plan local d'urbanisme et l'a écarté comme inopérant. Le moyen de régularité tiré de l'existence d'une omission à statuer sur ce point doit donc être écarté comme manquant en fait.

3. En second lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient.

4. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué, notamment en son point 5, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de la requérante, ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée.

Sur la légalité de la décision de sursis à statuer :

5. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. / (...) Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. (...) ". Selon l'article L. 153-11 du même code : " (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ".

En ce qui concerne sa légalité externe :

6. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il vise les dispositions applicables du code de l'urbanisme et expose, notamment, la circonstance que le projet litigieux méconnaîtrait les dispositions des chapitres 1, 2.d, 2.e et 2.h de la zone UH du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Montreuil en cours d'élaboration et serait ainsi de nature à " compromettre la réalisation de la future zone UH (...) ", sans que l'absence de précisions sur le périmètre et la localisation précise de la zone de mixité sociale dans laquelle s'insère le terrain d'assiette du projet, n'ait pu faire obstacle à la compréhension du pétitionnaire. Cette décision, qui comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est, par suite, suffisamment motivée.

En ce qui concerne sa légalité interne :

7. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 424-1 et L. 153-11 du code de l'urbanisme qu'un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire que lorsque l'état d'avancement des travaux d'élaboration du nouveau plan local d'urbanisme permet de préciser la portée exacte des modifications projetées, sans qu'il soit cependant nécessaire que le projet ait déjà été rendu public. Il ne peut en outre être opposé qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

S'agissant des moyens tirés de l'existence d'une illégalité, invoquée par voie d'exception, de la procédure de révision du plan local d'urbanisme, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable au litige : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, au domicile des conseillers municipaux ou, s'ils en font la demande, envoyée à une autre adresse ou transmise de manière dématérialisée ". Selon l'article L. 2121-12 du même code, dans sa version applicable au litige : " (...) Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que les convocations aux réunions du conseil municipal, accompagnées des notes explicatives de synthèse, doivent être envoyées aux conseillers municipaux en respectant un délai de cinq jours francs avant la réunion. Un requérant qui soutient que les délais légaux d'envoi des convocations à un conseil municipal n'ont pas été respectés alors que, selon les mentions du registre des délibérations du conseil municipal, ces délais auraient été respectés doit ainsi apporter des éléments circonstanciés au soutien de son moyen. En l'absence de tels éléments, ses allégations ne sauraient conduire à remettre en cause les mentions factuelles précises du registre des délibérations qui, au demeurant, font foi jusqu'à preuve du contraire.

10. En l'espèce, il ressort des pièces produites en appel que les conseillers municipaux ont été convoqués à la séance du 18 décembre 2014 par courrier daté du 12 décembre 2014, soit 5 jours francs avant, auquel était joint l'ordre du jour, un projet de délibération et une note de synthèse détaillée. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " I. Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : / 1° L'élaboration ou la révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; (...) / II. Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont précisés par : / 1° Le préfet lorsque la révision du document d'urbanisme ou l'opération sont à l'initiative de l'Etat ; / 2° L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public dans les autres cas (...) ".

12. En l'espèce, il ressort de l'article 2 de la délibération du 18 décembre 2014 prescrivant la révision du plan local d'urbanisme qu'elle liste les nombreux objectifs poursuivis par la révision et, notamment, la volonté de " promouvoir des formes urbaines plus respectueuses du cadre de vie et du tissu urbain existant notamment dans les secteurs à enjeux tels que : la Croix de Chavaux, la rue de Stalingrad, les sites autour des stations de métro et de tramway " et d'" élaborer des nouvelles dispositions pour les zones N du PLU permettant notamment d'accompagner la valorisation du quartier des Murs à Pêches ". Ces objectifs, qui ne sont pas stéréotypés et sont suffisamment précis, respectent en tout état de cause les conditions énoncées par l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 132-7 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " L'Etat, les régions, les départements, les autorités organisatrices prévues à l'article L. 1231-1 du code des transports, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de programme local de l'habitat et les organismes de gestion des parcs naturels régionaux et des parcs nationaux sont associés à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme dans les conditions définies aux titres IV et V. / Il en est de même des chambres de commerce et d'industrie territoriales, des chambres de métiers, des chambres d'agriculture et, dans les communes littorales au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement, des sections régionales de la conchyliculture. Ces organismes assurent les liaisons avec les organisations professionnelles intéressées ". Selon l'article L. 132-9 dudit code : " Pour l'élaboration des plans locaux d'urbanisme sont également associés, dans les mêmes conditions : / 1° Les syndicats d'agglomération nouvelle ; / 2° L'établissement public chargé de l'élaboration, de la gestion et de l'approbation du schéma de cohérence territoriale lorsque le territoire objet du plan est situé dans le périmètre de ce schéma ; / 3° Les établissements publics chargés de l'élaboration, de la gestion et de l'approbation des schémas de cohérence territoriale limitrophes du territoire objet du plan lorsque ce territoire n'est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale ". En vertu de l'article L. 153-16 du même code : " Le projet de plan arrêté est soumis pour avis : / 1° Aux personnes publiques associées à son élaboration mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 ; (...) ".

14. D'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte pas de ces dispositions, qui visent la consultation des personnes publiques " dans les conditions définies aux titres IV et V " du code de l'urbanisme, que les personnes publiques associées devraient être associées préalablement à l'arrêt du projet.

15. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble des personnes publiques associées visées aux articles précités, notamment la Chambre des métiers et la Chambre d'agriculture, ont reçu communication du projet arrêté et ont été mises en mesure de présenter des observations. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions doivent être écartés.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 132-12 du code de l'urbanisme : " Sont consultées à leur demande pour l'élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme : / 1° Les associations locales d'usagers agréées dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ; / 2° Les associations de protection de l'environnement agréées mentionnées à l'article L. 141-1 du code de l'environnement ; / 3° Les communes limitrophes ".

17. Il ressort des pièces du dossier que l'association des " Amis naturalistes des Côteaux d'Avron ", association agréée pour la protection de l'environnement, a reçu communication du projet arrêté sur lequel elle a émis un avis détaillé le 17 mars 2018 par un courrier dont le contenu a ensuite été analysé par le commissaire-enquêteur dans son rapport et visé par la délibération attaquée du 25 septembre 2018. Si cette association se plaint, dans cet avis, d'avoir demandé à être consultée, à plusieurs reprises, en vain, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est pas allégué par la société requérante, que cette omission, qui n'aurait pas été de nature à priver ladite association d'une garantie, ne lui aurait pas permis de présenter utilement ses observations, ni n'aurait, en l'espèce, exercé une influence sur le sens de la délibération attaquée.

18. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 153-15 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " Lorsque l'une des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale émet un avis défavorable sur les orientations d'aménagement et de programmation ou les dispositions du règlement qui la concernent directement, l'organe délibérant compétent de l'établissement public de coopération intercommunale délibère à nouveau et arrête le projet de plan local d'urbanisme à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés ".

19. La circonstance que la délibération du 25 septembre 2018 approuvant le plan local d'urbanisme aurait méconnu les dispositions précitées est sans incidence sur sa légalité dès lors que ces dispositions ne visent que la procédure par laquelle l'établissement public arrête le projet après délibération sur les orientations d'aménagement et de programmation. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant. En tout état de cause, l'avis émis par la commune de Montreuil le 16 avril 2018, soit après l'arrêt du projet, ne saurait être regardé comme défavorable au seul motif qu'il contient de nombreuses observations et demandes de correction.

20. En sixième lieu, en vertu de l'article L. 151-8 de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".

21. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

22. L'objectif n° 2 de l'axe 3 du projet d'aménagement et de développement durable compris dans le plan approuvé prévoit de " Renforcer la place de l'arbre et du végétal en ville dans les espaces publics et les parcelles privées " et, notamment, d'" Atteindre les 10 m² d'espaces verts par habitant ". Si le rapport de présentation ne prévoit qu'une augmentation de 5,8 m² à 7,7 m², il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme ne permettraient pas, à terme, d'atteindre l'ensemble des objectifs du projet d'aménagement et de développement durables qui prévoit également de créer en moyenne 580 logements par an pour répondre aux besoins des habitants de la commune. Par suite, le moyen tiré de l'incohérence du règlement du plan local d'urbanisme avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables doit être écarté.

23. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 151-18 du code de l'urbanisme : " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ".

24. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

25. La zone " UH " du règlement du plan local d'urbanisme de Montreuil, qui répond à l'objectif de " concilier la préservation de l'identité des quartiers pavillonnaires et le développement de la mixité sociale et de petits immeubles ", prévoit des règles de hauteur maximale et d'emprise au sol visant à préserver " les formes urbaines existantes ", conserver les " espaces supports de la nature en ville et de la couverture végétale ", favoriser " le développement de la mixité sociale " et préserver " les petites activités présentes dans ces quartiers ".

26. La parcelle cadastrée AP 112, sise 12 bis rue Colbert, appartenant à la requérante, située en zone UH du règlement du plan local d'urbanisme, a été identifiée comme ayant une capacité de densification " forte à très forte " dès lors qu'elle abrite actuellement un entrepôt. D'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, cette parcelle s'insère dans un quartier hétérogène à dominante pavillonnaire malgré la présence de grands ensembles d'immeubles à proximité immédiate. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette parcelle, qui n'accueille actuellement aucun logement d'habitation, ne pourrait pas accueillir des constructions à usage d'habitation dans le respect des règles d'emprise et de hauteur prévues par le règlement de la zone UH. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

S'agissant de l'erreur d'appréciation commise par le maire en opposant le sursis à statuer :

27. Le conseil de territoire de l'établissement public territorial Est Ensemble, après avoir délibéré sur les orientations générales du plan d'aménagement et de développement durables lors de ses séances des 1er février et 28 mars 2017, a, par une délibération du 19 décembre 2017, arrêté son projet de plan local d'urbanisme. Il résulte du rapport de présentation joint au projet de révision du plan local d'urbanisme, qui expose notamment les justifications des choix retenus pour la zone " UH ", que cette zone vise à " concilier la préservation de l'identité des quartiers pavillonnaires et le développement de la mixité sociale et de petits immeubles " et la conservation " des espaces support de la nature en ville et de la couverture végétale ". Ces objectifs ont été traduits dans le règlement de cette zone par l'obligation, pour toute opération comprenant plus de trois logements au sein des périmètres de mixité sociale, d'affecter au moins 30% de sa surface de plancher destinée au logement à la réalisation de logements sociaux ou de logements en accession sociale à la propriété, par la limitation de l'emprise au sol des constructions à 40% de la superficie totale du terrain et par la limitation de la hauteur des constructions à 10 mètres au point le plus haut.

28. En l'espèce, la construction soumise à la demande d'autorisation, qui résulte de la démolition d'un entrepôt existant, porte sur la réalisation de 13 logements sans prévoir d'affecter une partie de la surface de plancher créée à la réalisation de logements sociaux ou en accession sociale à la propriété. La construction projetée a une emprise au sol de 309,60 m², soit environ 75% de la superficie du terrain d'assiette, et est d'une hauteur de 11,88 mètres sur plus de la moitié de sa surface, excédant ainsi les 10 mètres prévus par le règlement mentionné ci-dessus. Au vu de ces circonstances, compte tenu de l'objectif affirmé par la commune de Montreuil de maintenir le taux de logement social à 36% sur le territoire de la commune et des objectifs de la zone " UH " mentionnés ci-dessus, le maire de cette commune n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant le sursis à statuer attaqué.

29. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Iyeli n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'établissement public territorial Est Ensemble, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SCI Iyeli demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la SCI Iyeli une somme de 1 500 euros à verser à l'établissement public territorial Est Ensemble sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Iyeli est rejetée.

Article 2 : La SCI Iyeli versera à l'établissement public territorial Est Ensemble une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'établissement public territorial Est Ensemble est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Iyeli, à l'établissement public territorial Est Ensemble et à la commune de Montreuil.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Bruno-Salel, présidente-assesseure,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.

Le rapporteur,

S. A...Le président,

B. EVENLa greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 20VE00918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00918
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Sursis à statuer.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SELARL CLOIX et MENDES-GIL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-10;20ve00918 ?
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