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25/11/2022 | FRANCE | N°22VE02200

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 25 novembre 2022, 22VE02200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... K..., M. J..., M. A... G..., M. I... H..., M. C... F... et M. L... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir la décision du directeur régional et interdépartemental de l'économie de l'emploi et du travail et des solidarités de la région d'Ile-de-France du 10 décembre 2021 homologuant le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Esirail.

Par un jugement n° 2203597 du 18 juillet 2022, le tribunal adm

inistratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... K..., M. J..., M. A... G..., M. I... H..., M. C... F... et M. L... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir la décision du directeur régional et interdépartemental de l'économie de l'emploi et du travail et des solidarités de la région d'Ile-de-France du 10 décembre 2021 homologuant le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Esirail.

Par un jugement n° 2203597 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2022 sous le n° 20VE02200, M. K... et autres, représentés par Me Sabbe-Ferri, avocate, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur régional et interdépartemental de l'économie de l'emploi et du travail et des solidarités de la région d'Ile-de-France homologuant le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Esirail ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 500 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit en considérant que leur demande était irrecevable car tardive, après avoir mal apprécié le lieu de travail des salariés ; leur lieu de travail n'est pas le siège de la société ; la clause de leur contrat de travail est erronée, le lieu de stockage du matériel ne peut pas être le lieu de travail des salariés et il était variable et la décision d'homologation du plan de sauvegarde n'a pas été affichée sur leur lieu de travail ; la décision leur a été adressée par l'intermédiaire de leur conseil le 11 avril 2022 et ils l'ont attaquée dans le délai de deux mois ;

- leur recours était recevable en l'absence d'affichage de la décision d'homologation sur leur lieu de travail ; la société a informé les salariés de l'affichage de la décision d'homologation au siège social de la société par courrier du 16 mars 2022 ; ils sont salariés non sédentaires exerçant leur mission sur chantier et se rendent rarement au siège de la société, qui ne peut pas être leur lieu de travail ; l'obligation posée par l'article L. 1233-57-4 du code du travail a été méconnue par la société ; ils étaient placés en activité partielle à la date de la décision d'homologation ; ils n'ont pas reçu cette décision par courriel le 16 janvier 2022, laquelle n'a été portée à la connaissance de leur conseil que le 11 avril 2022 ; l'affichage, pour faire courir le délai de recours, doit être effectué sur le lieu de travail des salariés et non au siège social si ces lieux sont distincts ; ils n'étaient pas amenés à se rendre au siège social de la société à compter du 3 janvier 2022 ; ils ont été contraints de se rendre au siège de la société la semaine du 13 décembre 2021 mais la société n'a pas affiché la décision d'homologation, sciemment ; le tribunal administratif a dénaturé les pièces en considérant qu'il s'agissait du seul lieu de stockage alors qu'il s'agit du seul lieu de stockage pour Paris et sa région ;

- la décision du 10 décembre 2021 est insuffisamment motivée, en l'absence d'éléments suffisants sur la proportionnalité des mesures du PSE aux moyens du groupe GTF auquel la société Esirail appartient ; cette insuffisance de motivation ne permet pas de s'assurer qu'un véritable contrôle de proportionnalité a été réalisé ;

- la décision du 10 décembre 2021 est entachée d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit, en tant qu'elle estime que le plan soumis comportait un ensemble de mesures réelles, consistantes et proportionnées pour limiter le nombre de licenciements ou faciliter le reclassement des salariés, en méconnaissance des articles L. 1233-61 et suivants du code du travail, l'unique mesure pour satisfaire les objectifs de maintien dans l'emploi et le reclassement des salariés étant la proposition d'une formation d'adaptation, outre l'attente d'un éventuel démissionnaire ; aucune mesure visant à satisfaire l'obligation de maintien dans l'emploi et de reclassement interne n'a été prévue dans le plan ; l'inspecteur du travail ne s'est pas attaché à ce que les mesures du plan favorisent et permettent le reclassement effectif des salariés en application des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail et les mesures ne sont pas précises dans leur financement et leur contenu ; aucun poste disponible ouvert au reclassement interne, aucun accompagnement de formation et aucune aide à la mobilité et à la création d'entreprise significative n'est prévu ; les mesures ne sont pas adaptées aux besoins des salariés, à la situation de l'entreprise et aux moyens du groupe ; l'employeur n'a pas sérieusement et loyalement procédé à la recherche d'un reclassement au sein de l'ensemble des sociétés du groupe et la société a méconnu ses obligations en matière de reclassement interne et externe ; à titre subsidiaire, la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du caractère insuffisant du plan dans son application de l'article L. 1233-61 et suivants du code du travail ;

Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2022, la société par actions simplifiée (SAS) Esirail, représentée par Me Guyomarch, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 200 euros soit mise à la charge de chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

L'instruction a été close le 27 octobre 2022 par une ordonnance du 11 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... ;

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Savelli substituant Me Sabbe Ferri représentant M. K... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Esirail, dont le siège social est situé 32 rue du Bois Chaland à Lisses (91), a pour objet la réalisation de tous travaux d'installation de systèmes de commandes et de sécurité des voies ferrées, de pose de voies ferrées et de montage d'appareils des voies ferrées à des fins de sécurisation des voies et la délivrance de tous services, prestations, assistance, conseil et fournitures auprès des personnes physiques, personnes morales de droit privé ou public, relatifs à la sécurité, à la signalisation, aux circulations sur les infrastructures ferroviaires et aux transports de fret. Elle fait partie du groupe GTF, qui comporte par ailleurs les sociétés ETMF et Esitract, spécialisées dans la traction de trains de travaux, la société GTF, qui loue des tracteurs aux sociétés du groupe, les sociétés Esifer et AATX, spécialisées dans la traction des trains de fret et, s'agissant de la seconde, de trains de transport de carburant. En 2018, la société Esirail n'a pas remporté de marché ouvert sur ordre de la SNCF, qui était son principal client, ce qui a entrainé une baisse de 38 % de son chiffre d'affaires, une consommation de ses capitaux propres et, au 30 septembre 2021, une dette de 3,3 millions d'euros. Elle a initié le 28 septembre 2021 une procédure de licenciement pour motifs économiques de plus de 9 salariés sur une période de 30 jours, concernant 29 postes et ayant entraîné 24 licenciements économiques. Après un échange avec la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi du travail et des solidarité (DRIEETS), qui a demandé des modifications du plan proposé le 21 octobre 2021, et des réunions d'information avec le comité social et économique tenues les 4 et 15 octobre 2021, puis les 8 et 15 novembre 2021, la société a déposé les dernières pièces du projet de plan de sauvegarde de l'emploi le 19 novembre 2021 et le dossier a été jugé complet le 1er décembre 2021. Il a été homologué par décision du 10 décembre 2021 du directeur régional adjoint de la DRIEETS, responsable du pôle " entreprise, emploi, solidarité ". MM. K..., Merabet, G..., H..., F... et Moreira B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir cette décision. Par un jugement du 18 juillet 2022, dont les intéressés font appel, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement et la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 1235-7-1 du code du travail : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. Le recours est présenté dans un délai de deux mois par l'employeur à compter de la notification de la décision de validation ou d'homologation, et par les organisations syndicales et les salariés à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à leur connaissance conformément à l'article L. 1233-57-4 (...). " et aux termes de l'article L. 1233-57-4 dudit code : " La décision de validation ou d'homologation ou, à défaut, les documents mentionnés au troisième alinéa et les voies et délais de recours sont portés à la connaissance des salariés par voie d'affichage sur leurs lieux de travail ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine à cette information. ". Enfin, aux termes de l'article R. 4211-1du même code : " ... on entend par lieux de travail les lieux destinés à recevoir des postes de travail situés ou non dans les bâtiments de l'établissement, ainsi que tout autre endroit compris dans l'aire de l'établissement auquel le travailleur a accès dans le cadre de son travail. Les champs, bois et autres terrains faisant partie d'un établissement agricole ou forestier, mais situés en dehors de la zone bâtie d'un tel établissement, ne sont pas considérés comme des lieux de travail. ".

3. Les contrats de travail de l'ensemble des requérants stipulent, en leur article 3, qu'ils exerceront leurs fonctions dans les locaux de la société Esirail, situés 32 rue du Bois Chaland à Lisses, dans l'Essonne. Ils stipulent également que la mobilité constitue un élément déterminant de leur engagement en raison de la nature de l'activité de la société, et que cette mobilité s'entend pour tous les chantiers de voies ferrées de la société. Il précise également que le salarié, compte tenu de la nature de son activité et des nécessités de l'entreprise, pourra être affecté sur un autre lieu de travail en France métropolitaine. Il ressort de ces stipulations que le lieu de travail expressément désigné par le contrat de travail des intéressés est le siège de la société, 32 rue du Bois Chaland à Lisses, dans l'Essonne, quand bien même l'exigence de mobilité est mentionnée comme un élément déterminant dudit contrat. S'il est constant qu'ils exercent leur travail sur des chantiers ferroviaires, dont la durée est variable et sur lesquels ils délivrent des prestations de sécurisation, lesdits chantiers ne peuvent pas être regardés comme leur lieu de travail en l'absence d'établissement sur place de la société Esirail et s'agissant de chantiers des entreprises utilisatrices. Il ne ressort en outre d'aucune pièce du dossier que le lieu de travail d'un des requérants aurait été modifié par avenant ou un quelconque document contractuel, en particulier avant la réalisation d'un chantier. Il suit de là que le lieu de travail des intéressés doit être regardé, eu égard aux conditions d'exercice de leurs missions, comme situé au siège de la société, 32 rue du Bois Chaland à Lisses, dans l'Essonne, à la date d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi. Si les requérants soutiennent qu'ils ne s'y sont pas rendus pendant la période d'affichage de la décision d'homologation dans la mesure où ils ont été placés en activité partielle pendant cette période et n'avaient pas à s'y déplacer pendant leurs périodes d'activité, y compris pour récupérer le matériel nécessaire aux chantiers, ils ne justifient pas de cette circonstance par les pièces qu'ils produisent, la société faisant en particulier valoir, sans être contredite, que l'autre dépôt de matériel dont elle disposait, situé dans la région de Bordeaux, a été fermé le 10 décembre 2021. Enfin, il est constant que la décision d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi ne doit pas être notifiée ou communiquée individuellement aux salariés intéressés mais simplement portée à leur connaissance par affichage ou, à défaut, par tout autre moyen permettant de conférer date certaine à cette information. Ainsi, et dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que cet affichage a eu lieu au plus tard le 3 janvier 2022 à la caféteria du siège de la société Esirail, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté leur demande au motif que leur requête avait été déposée tardivement le 9 mai 2022, soit plus de deux mois après le début de l'affichage de ladite décision.

4. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. K... et autres tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles du 18 juillet 2022 doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

5. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des requérants les sommes demandées par la société Esirail au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. K..., M. J..., M. A... G..., M. I... H..., M. C... F..., et M. L... B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Esirail présentées au titre de l'article article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3: L'arrêt sera notifié à M. E... K..., M. J..., M. A... G..., M. I... H..., M. C... F... et M. L... B..., à la société Esirail et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Villette, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2022.

Le rapporteur,

O. D...Le président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE02200002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02200
Date de la décision : 25/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : SABBE FERRI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-25;22ve02200 ?
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