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22/02/2023 | FRANCE | N°20VE03260

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 22 février 2023, 20VE03260


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 20 décembre 2017 par laquelle l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF) a exercé le droit de préemption sur la partie classée en zone UA b du plan local d'urbanisme de la commune de Gometz-le-Châtel de la parcelle AA n° 32 située 104 route de Chartres à Gometz-le-Châtel ainsi que la décision implicite puis la décision du 3 mai 2018 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre à l'EPFIF de lui restituer l

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 20 décembre 2017 par laquelle l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF) a exercé le droit de préemption sur la partie classée en zone UA b du plan local d'urbanisme de la commune de Gometz-le-Châtel de la parcelle AA n° 32 située 104 route de Chartres à Gometz-le-Châtel ainsi que la décision implicite puis la décision du 3 mai 2018 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre à l'EPFIF de lui restituer les parcelles transférées après préemption ou, à tout le moins, de lui en proposer l'acquisition, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'EPFIF la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1804368 du 5 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2020, et un mémoire, enregistré le 19 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Huglo, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 20 décembre 2017 ainsi que la décision implicite et la décision expresse du 3 mai 2018 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à l'EPFIF de lui restituer les parcelles transférées après préemption ou, à tout le moins, de lui en proposer l'acquisition, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard

4°) de mettre à la charge de l'EPFIF la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors, d'une part, qu'il ne répond pas au moyen tiré de l'absence de délégation de signature accordée par le conseil d'administration de l'EPFIF à son directeur général pour signer la décision attaquée, d'autre part, qu'il répond insuffisamment au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de préemption ;

- la décision du 20 décembre 2017 a été prise par une autorité incompétente, dès lors, en premier lieu, que la réalité de l'affichage de l'arrêté du 3 novembre 2017 par lequel la maire de la commune de Gometz-le-Châtel a délégué à l'EPFIF l'exercice du droit de préemption n'est pas démontrée, en deuxième lieu, que le règlement institutionnel de l'EPFIF n'a pas fait l'objet d'une publication régulière, en troisième lieu, qu'il n'est pas justifié que le conseil d'administration de l'EPFIF aurait pris une décision aux fins de délégation de l'exercice du droit de préemption au directeur général ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que la réalité d'un projet antérieur d'aménagement répondant aux objectifs mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme n'est pas démontrée ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 avril 2022 et 5 janvier 2023, l'EPFIF, représenté par Me Lherminier, avocate, demande à la cour de rejeter la requête de M. B... et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales,

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,

- et les observations de Me Begel, avocat, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement du 5 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2017 par laquelle l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF) a exercé le droit de préemption sur la partie classée en zone UA b du plan local d'urbanisme de la commune de Gometz-le-Châtel de la parcelle AA n° 32, située 104 route de Chartres à Gometz-le-Châtel, ainsi que la décision implicite confirmée par une décision expresse du 3 mai 2018 rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué, et notamment de ses points 2, 3, 4 et 5 que le tribunal administratif de Versailles, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par M. B... à l'appui de ses moyens, a suffisamment répondu aux moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisante motivation de la décision attaquée. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ce jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, d'une part, par un arrêté du 3 novembre 2017, la maire de la commune de Gometz-le-Châtel a délégué à l'EPFIF l'exercice du droit de préemption urbain sur la parcelle AA n°32 en application de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme. En l'absence de tout élément de nature à démontrer le contraire, le certificat émis le 12 septembre 2018 par la maire de cette commune attestant de l'affichage en mairie de cet arrêté pendant une durée d'un mois à compter du 14 novembre 2017 suffit à justifier de la réalité de cet affichage. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que cet arrêté ne serait pas exécutoire.

4. D'autre part, l'EPFIF s'est doté par une délibération de son conseil d'administration du 8 octobre 2015, publiée le 30 novembre 2015 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région d'Ile-de-France, d'un règlement institutionnel, modifié par une délibération du 28 novembre 2017 publiée le 15 décembre 2017 dans ce recueil. Cette publication suffit à rendre applicable ce règlement.

5. Or, l'article 11 de ce règlement dispose que le conseil d'administration " délègue au directeur général, et en cas d'empêchement au directeur général adjoint, son pouvoir en matière d'exercice du droit de préemption et de priorité ". L'article 14 de ce règlement ajoute que " le directeur général, ou en cas d'empêchement le directeur général adjoint, exerce sur délégation du conseil d'administration les droits de préemption et de priorité dont l'établissement est titulaire ou délégataire ". En outre, et en tout état de cause, l'EPFIF a produit en appel la délibération n°A15-2-10 du 8 octobre 2015 par laquelle le conseil d'administration de cet établissement public a délégué à son directeur général l'exercice des droits de préemption dont l'établissement est titulaire, publiée le 30 novembre 2015 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région d'Ile-de-France. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le directeur général de l'EPFIF n'avait pas compétence pour signer la décision de préemption du 20 décembre 2017.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

8. En l'espèce, la décision du 20 décembre 2017, qui vise la convention d'intervention foncière conclue le 21 décembre 2016 entre la commune de Gometz-le-Châtel, la communauté d'agglomération " Communauté Paris Saclay " et l'EPFIF délimitant un périmètre de veille foncière ainsi que l'arrêté du 3 novembre 2017 par lequel la maire de la commune de Gometz-le-Châtel a délégué à l'EPFIF l'exercice du droit de préemption urbain sur la parcelle AA n°32, précise que la partie classée en zone UA b de cette parcelle se situe dans le périmètre de veille foncière défini par la convention du 21 décembre 2016 et dans le centre-bourg de la commune et qu'elle bénéficie d'un accès facilité aux transports en commun. Il ajoute que l'acquisition de cette parcelle permettra la mise en œuvre d'un projet urbain maîtrisé, après avoir fait référence à l'objectif de réalisation de logements locatifs sociaux poursuivi par la commune de Gometz-le-Châtel à travers la convention d'intervention foncière. Ainsi, cette décision fait clairement apparaître la nature du projet poursuivi, qui consiste à réaliser des logements sociaux sur la partie classée en zone UA b de la parcelle AA 32. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.

9. En troisième lieu, il ressort de la convention d'intervention foncière conclue le 21 décembre 2016 entre la commune de Gometz-le-Châtel, la communauté d'agglomération " Communauté Paris Saclay " et l'EPFIF, confiant à ce dernier une mission de veille foncière en vue de l'acquisition de parcelles sur un périmètre défini, que cette convention s'inscrit dans l'objectif poursuivi par la commune de Gometz-le-Châtel de création de 100 logements, dont 50 % de logements locatifs sociaux d'ici 2025. Or, la partie UA b de la parcelle AA 32 se situe dans le périmètre de veille annexé à cette convention. Par ailleurs, la commune de Gometz-le-Châtel a adopté le 12 décembre 2016 un projet d'aménagement et de développement durable dont le troisième axe consiste à " adopter un projet urbain maîtrisé de manière à répondre aux besoins actuels et futurs se limitant à l'espace urbain existant ", dont l'une des déclinaisons vise à respecter les objectifs en matière de logement social prévus par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, en favorisant la création de petites unités intégrées dans le bâti et les implantations à proximité des transports pour les logements étudiants. En outre, par un arrêté du 19 décembre 2017, la préfète de l'Essonne a prononcé la carence de la commune pour la période triennale 2014-2016, pour laquelle l'objectif de réalisation de 28 logements sociaux n'a pas été atteint. Par suite, la commune de Gometz-le-Châtel justifiait à la date de la décision du 20 décembre 2017 de la réalité d'un projet d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme qui pouvait donc permettre l'exercice du droit de préemption, par délégation, par l'EPFIF.

10. En dernier lieu, la seule circonstance que la commune n'ait pas manifesté d'intérêt pour la parcelle AA 32 avant la décision attaquée alors qu'elle était en vente depuis deux ans ne saurait suffire à démontrer que cette décision est entachée de détournement de pouvoir.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2017 et du rejet de son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

12. En outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement à l'EPFIF de la somme demandée au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2023.

La rapporteure,

E. C...Le président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

No 20VE03260002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03260
Date de la décision : 22/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption. - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : SAS HUGLO LEPAGE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-22;20ve03260 ?
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