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22/02/2023 | FRANCE | N°22VE00950

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 22 février 2023, 22VE00950


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 28 mai 2021 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine, la Géorgie, ou tout autre pays dans lequel il est légalement admissible, comme pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102365 du 24 mars 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2022, M. A... C..., représenté par Me S...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 28 mai 2021 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine, la Géorgie, ou tout autre pays dans lequel il est légalement admissible, comme pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102365 du 24 mars 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2022, M. A... C..., représenté par Me Susana Madrid, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre la préfète d'Indre-et-Loire de délivrer à M. C... une carte de séjour mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de lui enjoindre de réexaminer la situation de l'intéressé, dans l'attente, de dire que M. C... se verra délivrer une attestation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à M. C..., la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour, insuffisamment motivée, est aussi entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale et d'erreur de droit, dès lors que la préfète s'est fondée sur l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas applicable à sa situation ;

- elle méconnait les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnait l'article 3-1 de la convention de New-York ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention de New-York ;

- la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant géorgien né en 1990, est entré en France le

19 mai 2019 muni d'un visa long séjour, portant la mention " visiteur ". Il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " valable jusqu'au 15 mai 2021 et a sollicité, le 13 mars 2021, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par arrêté du 28 mai 2021, la préfète d'Indre-et-Loire a, refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Géorgie, ou tout pays dans lequel il serait légalement admissible comme pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. C... ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de fait et des erreurs de droit ou manifestes d'appréciation qu'auraient commises le tribunal administratif pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions administratives individuelles défavorables qui constituent une mesure de police, doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. La décision attaquée comporte les motifs de droit et de fait sur lesquels la préfète s'est fondée pour rejeter la demande de titre de séjour formée par le requérant. Elle comporte, notamment, les considérations relatives à l'entrée et au séjour de M. C... sur le territoire français, à sa situation de conjoint entrant dans les catégories d'étrangers susceptibles de bénéficier du regroupement familial ainsi qu'à sa vie privée et familiale. Par suite, la préfète d'Indre-et-Loire, qui n'avait pas à se prononcer sur l'ensemble des éléments relatifs à la situation de l'intéressé, n'a pas insuffisamment motivé sa décision et ne l'a pas non plus entachée d'un défaut d'examen particulier.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 434-2 du même code : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévu par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; (...) ".

6. Tout d'abord, contrairement à ce que soutient encore en appel M. C... et bien que l'arrêté contesté vise de façon erronée l'article L. 423-2 et non l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de titre séjour au motif qu'il entrait dans les catégories d'étrangers susceptibles de bénéficier du regroupement familial et non au motif que ce dernier était le conjoint d'une ressortissante française, ainsi que l'a exactement relevé le premier juge.

7. En outre, il ressort des pièces du dossier que, le 18 juillet 2018, M. C... a épousé Mme B..., de nationalité géorgienne, dont il est constant qu'elle séjourne régulièrement sur le territoire français depuis l'année 2015. Elle était par ailleurs, à l'époque de la décision attaquée, titulaire d'une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 4 mars 2022. En vertu des dispositions de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressé entre, en sa qualité de conjoint d'un ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un titre de séjour d'une durée de validité d'au moins un an, dans les catégories d'étrangers susceptibles de bénéficier du regroupement familial. Par suite, en rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. C... sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour ce motif, la préfète d'Indre-et-Loire n'a commis aucune erreur de droit. Dans ces conditions, le requérant ne peut davantage utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. M. C... soutient qu'il réside sur le territoire français avec son épouse, qui bénéficie d'un titre de séjour et d'un emploi, ainsi qu'avec leur enfant en bas âge, né en France le 3 juin 2019. Il indique aussi que l'ensemble des membres de la famille de son épouse réside sur le territoire français et se prévaut également de son insertion au sein de la société française. Il a produit des documents concernant le logement qu'il occupe avec son épouse et leur enfant, des contrats de travail conclus au bénéfice de son épouse, un contrat de travail à son nom ainsi que des documents relatifs à la présence en France de sa belle-famille et des photos de famille. Il se prévaut aussi de treize témoignages d'amis et de membres de sa belle-famille attestant des liens personnels qu'il entretient avec son épouse et leur enfant et de sa gentillesse. Toutefois, ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, dès lors que son épouse est titulaire d'un titre de séjour temporaire d'un an, ne lui donnant pas vocation à rester durablement sur le territoire français, et que cette dernière et leur fils disposent de la nationalité géorgienne, M. C... ne justifie pas qu'il ne pourrait pas reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans et où il ne démontre pas être dépourvu de liens personnels. En outre, il ne justifie d'aucune attache familiale sur le territoire français où il n'a séjourné que pendant deux ans à la date de la décision en litige, en dehors de son épouse et de leur enfant en très bas âge et non scolarisé. Enfin, les témoignages de proches ainsi que le contrat de travail qu'il a produit, portant sur une durée de trois jours, ne permettent pas de démontrer une insertion particulièrement intense et stable dans la société française. Par suite, la préfète d'Indre-et-Loire n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".

11. Les circonstances évoquées par le requérant et exposées au point 9 du présent jugement ne constituent pas des motifs exceptionnels et ne relèvent pas non plus de considérations humanitaires au sens des dispositions précitées. Par suite, la préfète d'Indre-et-Loire, en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas commis d'erreur de droit ni entaché son appréciation d'une erreur manifeste. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. C... dirigées contre le refus de délivrance de titre de séjour doivent être rejetées.

En ce qui concerne les moyens communs concernant la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi :

12. En premier lieu, il ressort de ce qui vient d'être dit que M. C... n'établit pas que la décision lui refusant un titre de séjour serait entachée d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination de l'éloignement devraient être annulées par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la légalité de la décision accordant un délai de départ volontaire :

14. Il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté que la préfète d'Indre-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant en lui accordant un délai de départ volontaire d'une durée de trente jours. Au demeurant, la situation personnelle de M. C..., exposée plus haut, n'imposait pas à la préfète de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète d'Indre-et-Loire

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2023.

Le président-assesseur,

O. MAUNYLe président-rapporteur,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

22VE00950002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00950
Date de la décision : 22/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : SCP MADRID-CABEZO MADRID-FOUSSEREAU MADRID AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-22;22ve00950 ?
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