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23/03/2023 | FRANCE | N°21VE02948

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 23 mars 2023, 21VE02948


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil :

1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de 12 mois ou, à titre subsidiaire, d'annuler uniquement la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pend

ant une durée de 12 mois ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil :

1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de 12 mois ou, à titre subsidiaire, d'annuler uniquement la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de 12 mois ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours ;

3°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2109216 du 22 juillet 2021, le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis la requête de M. B... au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Par un jugement n° 2109689 du 6 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les décisions du 3 juillet 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'octroyer à M. B... un délai de départ volontaire et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Monconduit, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler la décision du 3 juillet 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre aux moyens, soulevés à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, tirés de l'existence d'une erreur de fait et du défaut d'application des dispositions de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas bénéficié du droit d'être entendu ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- elle est insuffisamment motivée dès lors que le préfet n'a pas visé le cas précis de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit d'observations.

Des pièces, enregistrées pour M. B... le 23 janvier 2023, n'ont pas été communiquées.

Par une ordonnance du 6 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 janvier 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Houllier, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 16 novembre 1989, déclare être entré en France le 20 décembre 2015. Il a sollicité, le 19 février 2021, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 3 juillet 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français, sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois. M. B... fait appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 2109689 du 6 octobre 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que devant les premiers juges M. B... a soutenu que le préfet avait entaché son arrêté de plusieurs erreurs de fait révélant un défaut d'examen particulier de sa situation. Si le moyen tiré de l'existence de ces erreurs de fait n'est pas formellement visé par le jugement attaqué, ce dernier vise expressément celui tiré du défaut d'examen particulier et répond, au point 4, aux diverses critiques exprimées par M. B... sur ce sujet. Par suite, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par le requérant, n'ont pas omis de répondre à ce moyen.

3. En second lieu, s'il ressort du dossier de première instance que M. B... a soulevé un moyen tiré de ce qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il avait déposé une demande de titre de séjour et aurait ainsi dû se voir délivrer un récépissé dans l'attente de son second rendez-vous, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué, notamment de ses visas et de son point 4, que les premiers juges ont répondu à ce moyen.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

5. En l'espèce, il ressort des écritures mêmes du requérant que ce dernier a été entendu par les services de police lors de son interpellation et qu'il a notamment eu l'occasion de former des observations sur le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, il ressort de l'arrêté attaqué qu'il vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 611-1, et comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui ont fondé la décision portant obligation de quitter le territoire français, notamment la nature des liens personnels et familiaux du requérant en France et dans son pays d'origine, ainsi que l'absence de titre de séjour en cours de validité. Par suite, cet arrêté pris à l'issue d'un examen particulier de la situation de M. B... est suffisamment motivé.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. Ce document est revêtu de la signature de l'agent compétent ainsi que du timbre du service chargé, en vertu de l'article R. 431-20, de l'instruction de la demande. / Le récépissé n'est pas remis au demandeur d'asile titulaire d'une attestation de demande d'asile ".

8. Pour obliger M. B... à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la circonstance que ce dernier était entré irrégulièrement en France, sans être titulaire d'un visa, et qu'il n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité.

9. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... est, contrairement à ce qu'indique l'arrêté attaqué, entré régulièrement en France sous couvert d'un visa de type C, il est constant qu'alors que son visa est expiré, il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Si M. B... avait par ailleurs initié des démarches pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", il ne disposait, à la date de la décision attaquée, que d'une convocation, fixée au 10 août 2021, pour déposer formellement sa demande. Ainsi, le premier rendez-vous en préfecture, le 19 février 2021, ne saurait être regardé comme ayant abouti au dépôt d'une demande formelle. Par suite, le préfet a légalement pu se fonder sur les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obliger M. B... à quitter le territoire français, sans qu'y fasse obstacle les démarches entreprises dès lors qu'il n'avait pas encore été mis en possession d'un récépissé de demande sur le fondement de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Si M. B... fait valoir qu'il est présent sur le territoire depuis le 20 décembre 2015 et qu'il y exerce une activité professionnelle comme boulanger depuis avril 2018, d'abord à temps partiel, puis, depuis le 8 octobre 2018, sous couvert d'un contrat de travail à durée indéterminée, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans attaches familiales en France, à l'exception de son frère, alors que ses parents résident toujours en Tunisie où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 26 ans. Dans ces conditions, en l'absence de tout autre élément attestant d'une insertion dans la société française et de l'intensité de liens personnels et familiaux, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en adoptant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle du requérant.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis et au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Bonfils, première conseillère,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

La rapporteure,

S. HOULLIERLe président,

B. EVEN

La greffière,

C. RICHARDLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

3

N° 21VE02948 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02948
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : LEXGLOBE SELARL CHRISTELLE MONCONDUIT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-23;21ve02948 ?
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