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06/04/2023 | FRANCE | N°21VE02526

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 06 avril 2023, 21VE02526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 18 octobre 2019 par laquelle le maire de la commune de Maisons-Laffitte a exercé son droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée AE 277, située 15-17 avenue Racine - avenue Boileau à Maisons-Laffitte, ainsi que la décision du 8 janvier 2020 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre à la commune de Maisons-Laffitte de saisir le juge du contrat pour faire déclarer nul et de nul effet le contrat de vente de la p

arcelle n° 277 conclu entre la commune et l'Etablissement public foncier...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 18 octobre 2019 par laquelle le maire de la commune de Maisons-Laffitte a exercé son droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée AE 277, située 15-17 avenue Racine - avenue Boileau à Maisons-Laffitte, ainsi que la décision du 8 janvier 2020 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre à la commune de Maisons-Laffitte de saisir le juge du contrat pour faire déclarer nul et de nul effet le contrat de vente de la parcelle n° 277 conclu entre la commune et l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF), dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, et de mettre à la charge de la commune de Maisons-Laffitte la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000718 du 18 juin 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande et mis à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Maisons-Laffitte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 août 2021, le 3 février 2022, le 3 mars 2023 et le 17 mars 2023, M. B..., représenté par Me Benjamin, avocate, puis par Me Fouchet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision et la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la commune de Maisons-Laffitte de conclure avec lui une transaction en vue de déterminer les conditions de la cession sans avantage injustifié de la commune ou de réparer les préjudices qui lui ont été causés ou de lui proposer d'acquérir la parcelle dans des conditions ne procurant pas à la commune un avantage injustifié, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Maisons-Laffitte une somme de 4 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- le moyen tiré de ce que la décision attaquée est tardive dès lors qu'elle a été prise après l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme est abandonné ;

- la décision attaquée ne fait pas clairement apparaître la nature du projet envisagé par la commune de Maisons-Laffitte ;

- la commune de Maisons-Laffitte n'a pas de projet réel pour la parcelle cadastrée AE 277 au-delà de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 5 qui vise le développement hippique ;

- l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme est incompatible avec le principe d'espérances légitimes protégé par la Cour européenne des droits de l'homme ;

- le projet de la commune de Maisons-Laffitte n'est pas d'intérêt général dès lors qu'il ne saurait empiéter sur la liberté d'entreprendre.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er décembre 2021 et le 17 mars 2023, la commune de Maisons-Laffitte, représentée par Me Peynet, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. B... le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;

- la loi n° 2021-160 du 15 février 2021 prorogeant l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Houllier,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Fouchet pour M. B... et de Me Mascré, substituant Me Peynet, pour la commune de Maisons-Laffitte.

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 24 mars 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société France Galop a consenti à M. B..., le 15 juillet 2019, une promesse de vente de la parcelle cadastrée AE 277 située 15-17 avenue Racine - avenue Boileau dont elle est propriétaire à Maisons-Laffitte. Une déclaration d'intention d'aliéner a été reçue à la mairie de Maisons-Laffitte le 18 juillet 2019. Par une décision du 18 octobre 2019, le maire de la commune de Maisons-Laffitte a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur cette parcelle. M. B... demande l'annulation du jugement n° 2000718 du 18 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. L'article R. 811-2 du code de justice administrative dispose que : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. / Si le jugement a été signifié par huissier de justice, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l'a faite et contre celle qui l'a reçue ". Aux termes de l'article R. 751-3 dudit code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice. (...) ". Selon l'article R. 751-4-1 du même code, dans sa version applicable au litige : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751-4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application ou du téléservice mentionné à l'article R. 414-6 aux parties qui en ont accepté l'usage pour l'instance considérée. / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de la notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles. / Cette notification ne fait pas obstacle au droit de la partie intéressée de demander ultérieurement la délivrance d'une expédition de la décision, en application de l'article R. 751-7 ".

3. Aux termes de l'article 1er du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 susvisé : " Jusqu'à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret du 14 octobre 2020 susvisé, prorogé dans les conditions prévues par l'article L. 3131-13 du code de la santé publique, il peut être dérogé aux dispositions réglementaires applicables aux juridictions administratives dans les conditions prévues par les articles 2 à 7 ". Selon l'article 6 de ce même décret : " Lorsqu'une partie est représentée par un avocat, la notification prévue à l'article R. 751-3 du code de justice administrative est valablement accomplie par l'expédition de la décision à son mandataire. Lorsqu'une partie n'est pas représentée par un avocat et n'utilise ni l'application informatique ni le téléservice mentionnés au chapitre IV du titre Ier du livre IV du code de justice administrative, la notification peut être valablement accomplie par tout moyen de nature à en attester la date de réception ". Le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 a déclaré l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre 2020. L'article 1er de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, puis l'article 2 de la loi n° 2021-160 du 15 février 2021, l'ont ensuite prorogé jusqu'au 1er juin 2021.

4. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 2 à 3 que, durant la période de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020, puis à nouveau le 17 octobre 2020, le délai de recours contre une décision juridictionnelle courait, à l'égard d'une partie au litige représentée par un avocat, à compter de la notification régulière de la décision à cet avocat. Dans le cas où la notification à l'avocat était faite au moyen de l'application Télérecours, le délai de recours débutait à la date de première consultation de la décision par celui-ci, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai.

5. Toutefois, en l'espèce, le jugement attaqué a été mis à disposition des parties le 18 juin 2021, soit après la date d'expiration de l'état d'urgence sanitaire, de telle sorte que, conformément aux dispositions de droit commun des articles R. 811-2 et R. 751-3 du code de justice administrative, seules applicables à cette date, seule la notification aux parties était susceptible de déclencher le délai d'appel, alors, au demeurant, que le courrier accompagnant la notification à l'avocat de M. B... ne faisait aucunement mention de ce que, en raison de l'application des règles spéciales relatives à l'état d'urgence sanitaire rappelées ci-dessus, la présentation à son avocat aurait suffi à faire courir les délais de recours contentieux. Dans ces conditions, le délai de recours n'a pu commencer à courir qu'à compter de la notification régulière du jugement au demandeur de première instance.

6. Par ailleurs, dès lors que le retrait du courrier de notification du jugement de première instance a été effectué avant l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la première présentation du pli, le délai de recours contentieux n'a commencé à courir qu'à compter de la date du retrait. Or, en l'espèce, le courrier de notification du jugement du 18 juin 2021 a été envoyé le 21 juin 2021 et a été retiré par M. B... le 26 juin 2021. Par suite, le délai d'appel prévu par les dispositions précitées de l'article R. 811-2 du code de justice administrative n'était pas expiré lors de l'introduction de la requête le 27 août 2021, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le pli avait été présenté, une première fois, le 22 juin 2021. La commune de Maisons-Laffitte n'est donc pas fondée à soutenir que la requête d'appel présentée par M. B... serait tardive.

Sur la légalité de la décision attaquée :

7. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé / (...) ". Selon le premier alinéa de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ".

8. Il résulte des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme précités que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

9. La décision du 18 octobre 2019 par laquelle le maire de la commune de Maisons-Laffitte a décidé d'exercer son droit de préemption sur la parcelle cadastrée AE 277 rappelle que cette parcelle, aussi appelée " Rond Racine ", fait partie de la zone UHP du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, dédiée aux " constructions à usage d'activités hippiques ou équestres ", et se réfère au projet d'aménagement et de développement durables, dont l'axe 2.1 insiste sur la nécessité de " renforcer le soutien au maintien et au développement de l'activité hippique ", ainsi qu'à l'orientation d'aménagement et de programmation n° 5, dont le périmètre inclut le " Rond Racine ", qui vise à " maintenir et développer l'activité hippique et celles qui y sont liées, permettre la création de nouveaux boxes et de logements adaptés aux employés, assurer les conditions de réalisation de logement social, permettre les nouvelles activités sur le site de l'hippodrome, favoriser la continuité de la trame verte des berges de Seine au niveau de l'hippodrome ". Toutefois, après avoir indiqué que l'orientation d'aménagement et de programmation n° 5 prévoit expressément le maintien des secteurs d'intérêt hippique, tels que le " Rond Racine ", ainsi que l'aménagement du " Rond Racine ", la décision attaquée se borne à indiquer que l'objectif poursuivi par la préemption est " l'aménagement du Rond Racine et le développement de l'activité hippique, qui participe à son échelle à maintenir l'activité économique hippique sur le territoire communal ". Cette décision ne fait ainsi apparaître, par ces seules indications, ni la nature, ni la réalité du projet de l'action ou de l'opération d'aménagement que la commune entendait mener dès lors que les objectifs susmentionnés de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 5 et du projet d'aménagement et de développement durables sont énoncés de manière générale sans faire apparaître la nature des aménagements envisagés sur cette parcelle. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté les moyens tirés de ce que la décision attaquée ne fait pas apparaître la nature, ni ne justifie de la réalité du projet envisagé, en méconnaissance des dispositions précitées du code de l'urbanisme.

10. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme aucun autre moyen n'est, en l'état de l'instruction, de nature à fonder l'annulation de la décision du 18 octobre 2019.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Aux termes de l'article L. 213-11-1 introduit dans le code de l'urbanisme par la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : " Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité. / Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. À défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation, conformément aux règles mentionnées à l'article L. 213-4. / À défaut d'acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l'acquisition. / Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 213-2 ". La déclaration mentionnée à l'article L. 213-2 du code est celle que doit faire le propriétaire à la mairie avant toute aliénation soumise au droit de préemption urbain ou au droit de préemption dans une zone d'aménagement différé ou un périmètre provisoire de zone. Enfin, l'article L. 213-12, dans sa rédaction issue de la même loi, prévoit qu'en cas de non-respect des obligations définies à l'article L. 213-11-1, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ou, selon le cas, la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien saisissent le tribunal de l'ordre judiciaire d'une action en dommages-intérêts contre le titulaire du droit de préemption.

13. En vertu de ces dispositions, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens par l'ancien propriétaire ou par l'acquéreur évincé et après avoir mis en cause l'autre partie à la vente initialement projetée, d'exercer les pouvoirs qu'il tient des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative afin d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, les mesures qu'implique l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, d'une décision de préemption, sous réserve de la compétence du juge judiciaire, en cas de désaccord sur le prix auquel l'acquisition du bien doit être proposée, pour fixer ce prix. A ce titre, il lui appartient, après avoir vérifié, au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le rétablissement de la situation initiale ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général, de prescrire au titulaire du droit de préemption qui a acquis le bien illégalement préempté, s'il ne l'a pas entre-temps cédé à un tiers, de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée et, en particulier, de proposer à l'ancien propriétaire puis, le cas échéant, à l'acquéreur évincé d'acquérir le bien, à un prix visant à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle.

14. Lorsque le bien préempté a été revendu, ni les dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, ni aucune autre disposition ne permettent à la juridiction administrative, saisie en vue de faire exécuter l'annulation de la seule décision de préemption, de prescrire des mesures qui, tendant à la remise en cause de la revente du bien, se rattachent ainsi à un litige distinct portant sur la légalité de cette décision de revente et ne sauraient, dès lors, être regardées comme étant au nombre de celles qu'implique l'annulation de la décision de préemption. Or, il résulte de l'instruction que le bien préempté a été vendu à l'établissement public foncier d'Ile-de-France le 22 janvier 2020. Par suite, cette revente fait obstacle à ce que soient mises en œuvre les mesures d'injonction demandées par le requérant.

15. En outre, M. B..., qui se borne à demander à la cour d'enjoindre à la commune de réparer les préjudices qui lui ont été causés, sans présenter de conclusions distinctes en ce sens, ne chiffre pas le préjudice allégué dont il n'établit par ailleurs ni la réalité, ni le caractère direct ou certain. Par suite, ces conclusions ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Maisons-Laffitte demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Maisons-Laffitte une somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n°2000718 du 18 juin 2021 et la décision du maire de Maisons-Laffitte du 18 octobre 2019, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux, sont annulés.

Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... sont rejetées.

Article 3 : La commune de Maisons-Laffitte versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Maisons-Laffitte présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Maisons-Laffitte.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

M. Mauny, président-assesseur,

Mme Houllier, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

La rapporteure,

S. HOULLIERLe président,

B. EVENLa greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE02526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02526
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SELARL GOUTAL, ALIBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-04-06;21ve02526 ?
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