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18/04/2023 | FRANCE | N°22VE00177

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 18 avril 2023, 22VE00177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2103339 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Laporte,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2103339 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Laporte, avocat, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 7 janvier 2022 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 22 février 2021 ;

4°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire :

- il justifie de motifs exceptionnels lui donnant droit à un titre de séjour fondé sur l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre est ainsi entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de titre méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, le 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'interdiction de retour

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle porte atteinte à sa vie privée et familiale et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2022 du président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 1er août 1995 ;

- Vu l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais, est entré en France le 7 mai 2008 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 17 septembre 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 février 2021, le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an en l'informant qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de

non-admission dans le système d'information Schengen. M. A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation des décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 mars 2022. Ces conclusions sont par suite devenues sans objet.

Sur le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire :

3. En premier lieu, aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

4.Les stipulations du paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code.

5. M. A... soutient qu'il est entré en France en 2008, qu'il réside chez son cousin, qu'il travaille en qualité d'agent de nettoyage depuis 2010 et de façon plus régulière depuis 2019, qu'il a suivi des cours de français entre 2011 et 2014, qu'il travaille depuis le 1er mars 2021 à temps plein en qualité de maçon. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions attaquées, M. A... était célibataire et sans charge de famille, et non dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Par ailleurs il n'établit pas le lien de parenté de la personne qui l'héberge, présenté comme son cousin. Enfin, M. A... a travaillé de façon épisodique en 2009 pour la société Leader Intérim, quinze jours en septembre 2014 pour la société Conviction AR, du 1er décembre 2017 au 31 janvier 2018 pour la société R2C en qualité de plongeur, du 13 juin au 12 décembre 2019 pour la société Royal Clichy en qualité d'agent de nettoyage pour un temps partiel de 38 heures mensuelles, puis a été employé par la société ISS Propreté en août et septembre 2020 pour 22 heures mensuelles, puis par la société Actual en qualité de manœuvre durant les mois d'octobre 2020 à janvier 2021. Il ressort ainsi des pièces du dossier que M. A... n'a exercé depuis son arrivée en France qu'une activité professionnelle très ponctuelle à la date des décisions attaquées. Le contrat à durée indéterminée en qualité de maçon qu'il produit étant postérieur aux décisions attaquées, il ne peut utilement être invoqué pour contester la légalité des décisions attaquées. Dans ces conditions, en estimant que la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A... ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas davantage au regard de motifs exceptionnels, la durée du séjour ne constituant pas en l'espèce à elle seule de tels motifs, le préfet des Hauts-de-Seine n'a ni méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l 'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7.M. A... invoque les mêmes éléments que ceux exposés au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A... n'apporte pas la preuve des liens intenses, stables et durables qu'il invoque en France. En outre, il ne conteste pas ne pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents et où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans et il ne justifie d'aucune intégration particulière au sein de la société française. En conséquence, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur l'interdiction de retour :

8. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour (...) ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

9. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

10. La décision attaquée mentionne que M. A... est célibataire sans charge de famille en France, que ses attaches sur le territoire français ne sont pas intenses et qu'il a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prononcée le 30 octobre 2012 par le préfet de police de Paris, qu'il n'a pas exécutée. Si M. A... soutient qu'il n'a jamais fait l'objet mesure d'éloignement auparavant, il ressort toutefois du procès-verbal de la réunion de la commission du titre de séjour du 17 décembre 2020 qu'une obligation de quitter le territoire a été prise à son encontre en octobre 2012 à la suite d'un refus de titre de séjour pour soins. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté comme manquant en fait.

11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.

La rapporteure,

A.C. C...Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00177
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : LAPORTE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-04-18;22ve00177 ?
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