La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2023 | FRANCE | N°21VE00428

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 20 juin 2023, 21VE00428


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 16 mai 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise a prononcé sa révocation, et, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier René-Dubos de Pontoise de la réintégrer dans ses fonctions et de procéder à la reconstitution juridique de sa carrière.

Par un jugement n° 1807168 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande

.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 16 mai 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise a prononcé sa révocation, et, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier René-Dubos de Pontoise de la réintégrer dans ses fonctions et de procéder à la reconstitution juridique de sa carrière.

Par un jugement n° 1807168 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 février 2021 et le 10 mai 2023, Mme B... A..., représentée par Me Rabbé, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 16 mai 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise a prononcé sa révocation ;

3°) de condamner le centre hospitalier René-Dubos de Pontoise à lui verser la somme de 3 650 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits qui fondent la décision en litige ne sont pas établis ;

- ils ne constituent pas des fautes suffisamment graves pour justifier la sanction de la révocation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2021, le centre hospitalier René-Dubos de Pontoise, représenté par Me Beaulac, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que Mme A... soit condamnée à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonfils,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- les observations de Me Rabbé pour Mme A..., et celles de Me Beaulac pour le centre hospitalier René-Dubos de Pontoise.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., adjoint administratif principal de 2ème classe titulaire, exerçait depuis le 1er avril 1978 les fonctions de standardiste au sein du service du standard du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise. Par une décision du 21 novembre 2017, Mme A... a fait l'objet d'une mesure de suspension de ses fonctions à titre conservatoire, avant d'être révoquée par une décision du directeur du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise du 16 mai 2018, notifiée le 24 mai suivant. Mme A... relève appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 mai 2018 et à la reconstitution de sa carrière.

Sur la légalité de la décision en litige :

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 dans sa version applicable : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". L'article 81 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa version applicable au litige dispose : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme ; / Deuxième groupe : / La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / Troisième groupe : / La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation. (...). ".

3. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Il ressort de la décision en litige que la sanction de la révocation prononcée à l'encontre de Mme A... est motivée, notamment, par le fait que l'intéressée, premièrement, portait atteinte au bon fonctionnement et à la continuité du service en quittant son poste de travail sans prévenir et sans autorisation, en ne respectant ni ses horaires, ni son temps de travail et en refusant de participer à l'organisation des congés, deuxièmement, a fait preuve de désobéissance et d'insubordination à l'égard de sa hiérarchie, troisièmement, a manqué à son devoir de réserve, et quatrièmement, a fait preuve d'agressivité à l'égard de ses collègues, d'agents d'autres services et du public, portant ainsi atteinte au bon fonctionnement de l'établissement et à l'image de celui-ci. Ces griefs sont fondés notamment sur le rapport circonstancié établi le 21 novembre 2017 par la responsable du standard et supérieure hiérarchique de Mme A..., dont la production au dossier permet de constater qu'il relate de nombreux manquements, divers et répétés, lesquels sont précisément datés.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'en dehors des faits antérieurs au blâme infligé à Mme A... le 3 juillet 2015, lesquels ne sauraient être retenus pour fonder la sanction en litige et que le rapport de saisine du conseil de discipline rédigé le 6 mars 2018 par le directeur des ressources humaines de l'établissement prend le soin d'identifier, la requérante a méconnu ses horaires de travail, comme par exemple en juillet 2016 où l'agent a intégré de sa propre autorité à son temps de travail le temps qui lui était nécessaire pour garer son véhicule, ou en avril 2017 en refusant la modification des conditions de pause déjeuner acceptée par l'ensemble du service, ce dernier manquement ayant fait l'objet d'un rappel écrit de la directrice adjointe des ressources humaines le 26 avril 2017. L'agent a également quitté son poste de travail, dont le 13 novembre 2017 pendant une heure et quarante-cinq minutes, pour se rendre dans d'autres services selon ses exigences personnelles et sans y avoir rendez-vous ni prévenir sa responsable de service. L'intéressée a également refusé de participer à la préparation du planning des congés de la fin de l'année 2015 en omettant de répondre à la demande faite en ce sens par sa supérieure hiérarchique directe, sans justifier d'un motif légitime pour ce faire. En agissant ainsi, Mme A... a porté atteinte au bon fonctionnement et à la continuité du service dans lequel elle est affectée.

6. S'agissant, en deuxième lieu, de l'attitude de Mme A... à l'égard de sa hiérarchie, il ressort de plusieurs messages produits au dossier, datés par exemple du 4 novembre 2015 ou encore de septembre 2017, que l'agent affichait constamment une attitude de défiance, par exemple lors d'une réunion du 22 juin 2016, voire de surveillance à l'égard de sa supérieure hiérarchique directe, par exemple le 20 juillet 2015, plusieurs pièces attestant que cette situation s'est encore aggravée au début du mois de novembre 2017. La requérante a refusé de se présenter à une convocation de la directrice des ressources humaines le 18 avril 2017, sans justificatif, alors que l'agent se présentait de sa propre initiative pour être reçue dans ce service sans rendez-vous, par exemple le 24 novembre 2016. L'intéressée a en revanche adressé des messages de reproches datés des 3 novembre 2017 et 22 novembre 2017 mettant en cause l'attitude de sa hiérarchie, laquelle a auparavant tenté à plusieurs reprises de dialoguer et de la mettre en garde quant à son comportement. Ces faits sont corroborés par le compte rendu de l'entretien qui s'est tenu avec le directeur des ressources humaines lequel atteste que, dès le 12 juillet 2016, l'agent refusait toute prise de conscience de ses manquements et de la nécessité de modifier son positionnement à l'égard de sa hiérarchie, ainsi que par l'attestation, établie en janvier 2018 par l'une des anciennes responsables du service du standard, explicitant les agissements hostiles et malveillants de Mme A... envers les différentes cheffes qui se sont succédées à la tête du service du standard. De tels agissements caractérisent un comportement de désobéissance et d'insubordination de l'agent à l'égard de sa hiérarchie.

7. En troisième lieu, en critiquant ouvertement, en avril 2016, devant une candidate à un poste au sein du service du standard et devant sa supérieure hiérarchique qui ne l'avait pas invitée à intervenir, le service au sein duquel elle exerçait depuis de très nombreuses années, Mme A... a manqué à son devoir de réserve.

8. En dernier lieu, les pièces du dossier rendent compte d'une ingérence constante de Mme A... dans les procédures entre le service auquel elle appartient et d'autres services de l'établissement. Ainsi, dès le 22 juillet 2015, soit moins d'un mois après le blâme qui lui a été infligé, la requérante a orienté des appels vers une personne à qui la procédure interne ne les destinait pas, perturbant le travail de cette dernière. De même, en octobre 2015 en décrédibilisant auprès de patients le service des consultations en chirurgie, tout en étant elle-même peu réceptive aux difficultés de prise de rendez-vous des patients qui la contactaient, ainsi que cela s'est produit le 27 octobre 2015, ou encore, le 20 novembre 2017, en s'immisçant " en tant que représentante des agents du standard, étant la plus ancienne " dans l'organisation d'une procédure d'urgence dite " code rouge ", et en prenant l'initiative de demander des comptes sur ce point au service référent, l'intéressée a outrepassé le cadre de ses fonctions sans l'autorisation de sa supérieure hiérarchique et perturbé les relations du service du standard avec les autres services de l'établissement. Le 15 décembre 2016, la coordinatrice des secrétariats médicaux s'est également plainte des interventions de Mme A... sur divers sujets. Par ailleurs, la requérante n'apporte aucune explication utile quant au refus qu'elle a opposé à un taxi de mettre à disposition le fauteuil roulant qu'il demandait pour le transport d'un patient. Enfin, après plusieurs problèmes avec ses collègues, comme par exemple un événement signalé comme " indésirable " par Mme A... elle-même le 24 juillet 2015 alors qu'il ne relève pas du champ de cette procédure à laquelle elle a demandé à être personnellement formée en dehors des sessions prévues à cet effet, la supérieure hiérarchique a relaté à différentes reprises, comme en avril 2016, les craintes inspirées par Mme A... à ses collègues, ces derniers ayant été amenés à attester, en janvier 2018, n'avoir donné aucun mandat à leur collègue pour les représenter. Les agissements maltraitants de Mme A... envers ses collègues ont été constatés à de nombreuses reprises, comme lors d'une réunion le 7 août 2015 à laquelle assistait la directrice de la communication de l'établissement, laquelle a relaté précisément par un écrit dressé le jour même les faits qu'elle a constatés. Dès le mois de juillet 2016, une collègue a adressé à la direction de l'établissement un signalement pour le même motif. Plusieurs attestations, établies en janvier 2018 par l'une des anciennes responsables du service du standard et d'anciennes collègues de Mme A..., explicitent également les souffrances au travail causées à l'ensemble des membres de l'équipe par cette dernière. Ainsi, les pièces du dossier permettent d'établir un positionnement inapproprié et une attitude en permanence contestataire et vindicative de la part de cet agent, tant à l'égard des autres services et du public de l'établissement, qu'envers ses collègues.

9. Il résulte de ce qui précède, contrairement à ce que soutient Mme A..., que les faits qui lui sont reprochés ne se fondent pas sur les seules déclarations de sa supérieure hiérarchique. Au demeurant, les manquements et difficultés relationnelles de la requérante ressortent des notations de l'intéressée. La requérante n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le constat de son attitude tout à fait négative à l'égard de l'ensemble de ses relations de travail, laquelle a été relevée dans toutes ses évaluations depuis l'année 2011, voire antérieurement au titre de certaines années depuis le début de sa carrière. En particulier depuis l'année 2015, malgré le suivi d'une formation de gestion des conflits et agressivité, mais déjà bien antérieurement, comme par exemple en 2005, année au cours de laquelle il a été demandé à cet agent de " se montrer plus tolérante ". La production d'un certificat médical du 12 juillet 2016 adressant Mme A... à un psychologue en raison de difficultés relationnelles à son travail avec " menace " de blâme, alors que cette sanction était déjà intervenue à cette date, d'un arrêt de travail daté de septembre 2017 et de deux factures de consultations médicales en juillet et août 2019, ne suffisent pas à établir que la requérante aurait été victime de souffrances causées par sa responsable hiérarchique, circonstance au demeurant sans incidence sur le caractère fautif des faits établis aux points 5 à 8. Les faits ainsi avérés sont de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service du standard au sein duquel exerçait Mme A..., mais aussi de l'ensemble de l'établissement ainsi qu'à l'image de celui-ci. Par suite, ils constituent des manquements fautifs de nature à justifier une sanction disciplinaire à l'égard de l'intéressée.

10. Au vu de l'ampleur des manquements retenus à l'encontre de Mme A..., de leur caractère ancien et répété, de leurs conséquences sur le fonctionnement de nombreux services du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise et sur l'image de cet établissement à l'égard des patients, mais aussi des avertissements adressés de longue date et à plusieurs reprises à l'intéressée par l'ensemble de l'encadrement de l'établissement, la sanction du 4ème groupe de la révocation infligée par le directeur du centre hospitalier René-Dubos à Mme A... est proportionnée à la gravité des fautes commises par l'intéressée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 mai 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A..., la somme de 1 500 euros à verser au centre hospitalier René-Dubos de Pontoise sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera au centre hospitalier René-Dubos de Pontoise la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier René-Dubos de Pontoise.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

La rapporteure,

M-G. BONFILSLe président,

S. BROTONSLa greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE00428 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00428
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : SCP GARRIGUES BEAULAC ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-20;21ve00428 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award