La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2023 | FRANCE | N°21VE02272

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 04 juillet 2023, 21VE02272


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2016 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé, d'une part, de fermer définitivement l'armurerie dénommée " Paris Nord Armes " située 7 avenue de l'Europe à Gonesse (Val-d'Oise) et, d'autre part, la remise aux forces de l'ordre des armes et munitions stockées et exposées dans cet établissement.

Par un jugement n° 1904744 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'

arrêté du 4 novembre 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2016 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé, d'une part, de fermer définitivement l'armurerie dénommée " Paris Nord Armes " située 7 avenue de l'Europe à Gonesse (Val-d'Oise) et, d'autre part, la remise aux forces de l'ordre des armes et munitions stockées et exposées dans cet établissement.

Par un jugement n° 1904744 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 4 novembre 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juillet et 6 octobre 2021, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A....

Il soutient que :

- la fermeture qu'il a ordonnée est fondée sur les dispositions de l'article L. 313-3 du code de la sécurité intérieure, au regard des conditions d'exploitation du commerce en cause ;

- l'arrêté portant fermeture n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; d'une part, ce commerce d'armes a été ouvert et exploité sans l'autorisation requise par les articles L. 313-3 et R. 313-8 du code de la sécurité intérieure pour l'ouverture d'un tel local, et non d'une société ; cette autorisation ne se confond pas avec l'agrément permettant d'exercer la profession d'armurier, et la preuve de l'existence d'une telle autorisation pèse sur le commerçant et n'est pas rapportée par le gérant de l'armurerie " Paris Nord Armes " ; d'autre part, le commerce est resté ouvert entre les dates du 13 octobre au 4 novembre 2016, en dehors de la présence d'une personne munie de l'agrément requis pour l'exploiter ; enfin, aucun registre spécial, permettant la traçabilité des armes mises en vente, n'était tenu à jour, et la société " Paris Nord Armes " était radiée du registre du commerce et des sociétés, en méconnaissance de l'article R. 313-13 du code de la sécurité intérieure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Ludot, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet du Val-d'Oise ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonfils,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle effectué par les services de police, de préfecture et du renseignement territorial le 27 octobre 2016 au sein de l'armurerie dénommée " Paris Nord Armes ", sise 7 avenue de l'Europe à Gonesse (Val-d'Oise) et exploitée par M. B... A..., le préfet du Val-d'Oise a, par un arrêté du 4 novembre 2016, ordonné la fermeture définitive de ce commerce et ordonné la remise aux forces de l'ordre des armes et munitions stockées et exposées au sein de cet établissement. Le préfet du Val-d'Oise relève appel du jugement du 27 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 4 novembre 2016.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Pour annuler l'arrêté du 4 novembre 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé qu'en décidant la fermeture définitive de l'armurerie dénommée " Paris Nord Armes ", le préfet du Val-d'Oise avait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 313-2, R. 313-1 et R. 313-7 du code de la sécurité intérieure, au motif que si la circonstance que le titulaire d'un agrément d'armurier a confié la gestion de son activité à une personne dépourvue des qualifications requises par la réglementation applicable en la matière, peut être prise en compte pour le retrait d'un tel agrément, le manquement commis par M. A... dans la gérance de son commerce n'était que ponctuel et concernait uniquement l'activité de ball-trap, des fiches de dépôt étant par ailleurs établies pour 34 des 36 armes en vente et le préfet ne démontrant pas que la société " A... B... Roger ", qui est située à la même adresse que la société " Paris Nord Armes ", aurait dû disposer d'une autorisation d'exploitation pour le commerce d'armes.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 313-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable à la décision en litige : " Nul ne peut exercer à titre individuel l'activité qui consiste, à titre principal ou accessoire, en la fabrication, le commerce, l'échange, la location, la réparation ou la transformation d'armes, d'éléments d'armes et de munitions ni diriger ou gérer une personne morale exerçant cette activité s'il n'est titulaire d'un agrément relatif à son honorabilité et à ses compétences professionnelles, délivré par l'autorité administrative. / (...) ". L'article R. 313-7 du même code précise : " L'autorité qui a délivré l'agrément peut le suspendre pour une durée maximum de six mois ou le retirer, lorsque les conditions d'attribution de l'agrément ne sont plus remplies ou pour des raisons d'ordre public et de sécurité des personnes. / La décision de retrait fixe le délai dont dispose la personne pour liquider le matériel. (...) ". D'autre part, l'article L. 313-3 du même code, dans sa version applicable, dispose : " L'ouverture de tout local destiné au commerce de détail des armes et munitions, ou de leurs éléments essentiels, des catégories C ou D énumérés par décret en Conseil d'Etat est soumise à autorisation. Celle-ci est délivrée par le représentant de l'Etat dans le département où est situé ce local, ou, à Paris, par le préfet de police, après avis du maire. / (...) Un établissement ayant fait l'objet d'une déclaration avant le 11 juillet 2010 n'est pas soumis à l'autorisation mentionnée au premier alinéa. Il peut être fermé par arrêté du représentant de l'Etat dans le département où il est situé, ou par le préfet de police à Paris, s'il apparaît que son exploitation a été à l'origine de troubles répétés à l'ordre et à la sécurité publics ou que sa protection contre le risque de vol ou d'intrusion est insuffisante (...). ". Enfin, aux termes de l'article R. 313-13 du même code : " Le commerçant titulaire de l'autorisation informe sans délai le préfet qui a délivré l'autorisation d'ouverture du local en cas de : / (...) 3° Radiation du registre du commerce et des sociétés ; (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées que l'ouverture d'un local destiné au commerce de détail des armes et munitions est soumise à une autorisation différente de l'agrément requis pour les personnes dirigeant ou gérant une personne morale exerçant une activité notamment de commerce d'armes et de munitions.

5. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 4 novembre 2016 que celui-ci est fondé sur le caractère illégal de la vente d'armes sans autorisation et l'urgence qui s'attache à préserver l'ordre et la sécurité publics aux motifs que l'armurerie exploitée par M. A... a été ouverte sans autorisation préfectorale, que le gérant était absent et à l'étranger le jour du contrôle, l'établissement étant tenu par une personne non autorisée à exploiter un commerce d'armes, qu'aucun registre spécial recensant les armes en vente n'était tenu, la traçabilité des armes présentes dans le local n'étant pas assurée, que la société " Paris Nord Armes " était radiée du registre du commerce et des sociétés depuis le 24 décembre 2010, alors que M. A..., gérant de cette première société est également dirigeant d'une seconde société, " A... B... Roger ", sise à la même adresse mais ne bénéficiant d'aucune autorisation d'ouverture d'armurerie. Au vu de ces manquements, le préfet du Val-d'Oise a décidé de la fermeture définitive de l'armurerie dénommée " Paris Nord Armes ", et de la remise immédiate aux forces de l'ordre du stock d'armes et de munitions de ce commerce. Par suite, l'arrêté en litige, pris notamment au visa des dispositions de l'article L. 313-3 du code de la sécurité intérieure au regard desquelles sa légalité doit être appréciée, constitue un arrêté de fermeture, et non le retrait de l'agrément accordé à M. A... par un arrêté du 25 septembre 2012.

6. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, le commerce d'armes et de munitions exploité par M. A... aurait fait l'objet de l'autorisation requise par les dispositions précitées de l'article L. 313-3 du code de la sécurité intérieure. M. A... ne justifie, ni même n'allègue, que son commerce aurait été dispensé d'une telle autorisation au motif qu'il aurait fait l'objet d'une déclaration d'ouverture avant le 11 juillet 2010. Les autres manquements retenus par le préfet du Val-d'Oise ont été constatés par le procès-verbal dressé par les services de police lors du contrôle du 27 octobre 2016 et ne sont aucunement contredits par les pièces du dossier. Au vu de leur gravité et de leur cumul, l'arrêté du préfet du Val-d'Oise ordonnant la fermeture de l'armurerie tenue par M. A... et la remise de l'ensemble du stock d'armes et munitions de ce commerce n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, pour ce motif, annulé son arrêté du 4 novembre 2016.

7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....

8. M. A... soutient que l'arrêté en litige est entaché d'erreurs de fait tenant à ce que les manquements retenus dans l'arrêté ne concerneraient pas l'activité d'armurier qu'il exerce à titre personnel et pour laquelle il est habilité. Toutefois, d'une part, les déclarations recueillies le jour du contrôle par les personnes présentes ont désigné M. A... comme gérant du commerce exploité sous l'enseigne " Paris Nord Armes ", circonstance qu'au demeurant l'intéressé ne conteste pas en ces termes, alors que, d'autre part, et comme il a été exposé aux points 5 et 6, l'agrément détenu par ce dernier à titre personnel, et dont l'existence est établie par les pièces du dossier, est distinct de l'autorisation applicable à un commerce d'armes. Dans ces conditions, et au vu de ce qui a été dit au point 6, le moyen tiré de l'existence d'erreurs de fait entachant l'arrêté pris par le préfet du Val-d'Oise à l'encontre de l'armurerie " Paris Nord Armes " doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, annulé l'arrêté du 4 novembre 2016 décidant la fermeture définitive du commerce d'armurerie exploité sous l'enseigne " Paris Nord Armes " et ordonné la remise aux forces de l'ordre des armes et munitions détenus par cet établissement, et d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement, de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente en appel au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1904744 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 27 mai 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

La rapporteure,

M.-G. BONFILSLe président,

S. BROTONSLa greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE02272 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02272
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : LUDOT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-07-04;21ve02272 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award