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29/04/2024 | FRANCE | N°22VE01318

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 29 avril 2024, 22VE01318


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Val-de-Loire Granulats a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération du 27 janvier 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal et de mettre à la charge de la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n

° 2001314 du 18 mars 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.



P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Val-de-Loire Granulats a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération du 27 janvier 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal et de mettre à la charge de la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001314 du 18 mars 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 mai 2022, la société Val-de-Loire Granulats, représentée par Me Durand, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette délibération ;

3°) et de mettre à la charge de la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir ;

- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation et d'une erreur de droit ;

- la délibération en litige est entachée d'un vice de procédure au regard des articles L. 103-2 et L. 103-4 du code de l'urbanisme dès lors que les modalités de la concertation n'ont pas été respectées et qu'elles ont été insuffisantes ;

- l'arrêté du 2 septembre 2019 prescrivant l'enquête publique ne comporte pas l'ensemble des mentions requises par l'article L. 123-10 du code de l'environnement ;

- l'enquête publique a été insuffisante au regard de l'enjeu du document et du territoire couvert ;

- le dossier d'enquête public était incomplet dès lors que n'y figurait pas le bilan de la concertation conformément à l'article R. 123-8 du code de l'environnement ;

- le procès-verbal de synthèse des observations du public n'a pas été déposé par la commission d'enquête, dans le délai de 8 jours prévu par l'article R. 123-18 du code de l'environnement ;

- la délibération en litige est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation du classement des parcelles cadastrées section ZK numérotées 59, 61, 12, 6, 7 et 8 en zone agricole Ap ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'ensemble de la zone Ap a été classée en secteur de taille et de capacité d'accueil limitées (STECAL) ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que le classement en zone Ap des parcelles a pour seul objet de faire obstacle à son projet d'y exploiter une carrière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2023, la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne, représentée par Me Tissier-Lotz, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Val-de-Loire Granulats au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 20 octobre 2023, l'association " Ensemble pour bien vivre à Verneuil-le-Château et dans le pays de Richelieu ", représentée par Me Cofflard, avocat, conclut à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête, ou à titre subsidiaire à son rejet au fond et à titre incident à l'irrecevabilité de la requête de première instance.

Elle soutient que :

- la société requérante ne justifie pas de la qualité à agir de son représentant ;

- la société demanderesse ne justifiait pas d'un intérêt à agir ;

- les moyens de légalité interne sont irrecevables ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 29 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- les observations de Me Keita, substituant Me Durand, pour la société Val-de-Loire Granulats, de Me Hallé, substituant Me Tissier-Lotz, pour la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne et de Me Cofflard pour l'association " Ensemble pour bien vivre à Verneuil-le-Château et dans le pays de Richelieu ".

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil communautaire de la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne a, par une délibération du 27 février 2017, prescrit l'élaboration de son plan local d'urbanisme intercommunal puis, par une délibération du 29 octobre 2018, a débattu sur le plan d'aménagement et de développement durable et, par une délibération du 28 mai 2019, a tiré le bilan de la concertation et approuvé le projet de plan local d'urbanisme intercommunal. Enfin, celui-ci a, par une délibération du 27 janvier 2020, approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal. La société Val-de-Loire Granulats fait appel du jugement n° 2001314 du 18 mars 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière délibération.

Sur les fins de non-recevoir opposées par l'association " Ensemble pour bien vivre à Verneuil-le-Château et dans le pays de Richelieu " :

2. En premier lieu, lorsque la personne morale pour le compte de laquelle l'avocat agit est une société commerciale dont les dispositions législatives qui la régissent désignent elles-mêmes le représentant, cette circonstance dispense le juge, en l'absence de circonstance particulière, de s'assurer de la qualité pour agir du représentant de cette personne morale.

3. En vertu de l'article L. 227-6 du code de commerce, une société par actions simplifiées unipersonnelle est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts et qui est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social, sauf dispositions statutaires attribuant ce pouvoir au directeur général ou au directeur général délégué.

4. En se bornant à soutenir que la requête n'identifie pas les représentants de la société par action simplifiée Val-de-Loire Granulats et qu'aucun document n'est produit pour attester l'identité des représentants légaux de cette société, alors que cette société commerciale est réputée être régulièrement représentée par son président, l'association " Ensemble pour bien vivre à Verneuil-le-Château et dans le pays de Richelieu " ne conteste pas sérieusement la qualité pour agir de l'intéressée. Aucun élément du dossier ne permet par ailleurs de remettre en cause la qualité du représentant de cette personne morale.

5. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

6. La requête d'appel de la société Val-de-Loire Granulats qui comporte une critique du jugement attaqué ne se présente pas comme une copie de sa demande de première instance. Par suite, elle est recevable quand bien-même elle reprend également les moyens qui avaient été présentés en première instance.

Sur la régularité du jugement attaqué :

7. En premier lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient.

8. Il ressort des mémoires enregistrés par le tribunal administratif d'Orléans en première instance, que si la société Val-de-Loire Granulats s'est prévalue de ce que la délibération en litige n'a pas pris en compte le schéma régional des carrière en tant qu'argument au soutien de son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du classement des parcelles de son projet en zone agricole protégé, elle n'a pas invoqué un moyen distinct tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 131-1 et L. 131-6 du code de l'urbanisme, alors qu'en tout état de cause le schéma régional des carrières en cause était en cours d'élaboration à la date de la délibération contestée. Le jugement attaqué s'est, au point 16, expressément prononcé sur cet argument en précisant que la circonstance que le site en cause a été identifié dans le schéma régional des carrières comme étant situé dans une zone de gisement potentiel d'intérêt régional n'était pas de nature à remettre en cause le caractère agricole des parcelles et le zonage contesté. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

9. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de procédure ou de forme qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'existence d'une erreur de droit qu'aurait commise les premiers juges, pour demander l'annulation du jugement attaqué sur le terrain de la régularité.

Sur la légalité de la délibération du 27 janvier 2020 :

En ce qui concerne la procédure de concertation :

10. Aux termes de l'article L. 103-2 du code de l'urbanisme : " Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : 1° (...) a) l'élaboration et la révision du schéma de cohérence territorial et du plan local d'urbanisme ; (...) ". Aux termes de l'article L. 103-4 du même code : " Les modalités de la concertation permettent, pendant une durée suffisante et selon des moyens adaptés au regard de l'importance et des caractéristiques du projet, au public d'accéder aux informations relatives au projet et aux avis requis par les dispositions législatives ou réglementaires applicables et de formuler des observations et propositions qui sont enregistrées et conservées par l'autorité compétente ".

11. Il résulte de ces dispositions que l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme doit être précédée d'une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées. Le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d'une part, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme, et, d'autre part, sur les modalités de la concertation. En outre, il résulte des dispositions de l'article L. 600-11 de ce même code, que la légalité d'une délibération approuvant un plan local d'urbanisme ne saurait être contestée au regard des modalités de la concertation qui l'a précédée dès lors que celles-ci ont respecté les modalités définies par la délibération prescrivant l'élaboration de ce plan local d'urbanisme.

12. La délibération du 27 février 2017 fixant les modalités de la concertation prévoyait en particulier l'organisation de réunions publiques, notamment avant le débat sur le projet d'aménagement et de développement durable et avant l'arrêt du plan local d'urbanisme, ainsi que la réalisation d'une exposition permanente au siège de la communauté de communes, avec un atlas dans chaque commune en fin de validation des grandes étapes du plan. Il ressort de la délibération du 28 mai 2019 et notamment du bilan de la concertation qui y est annexé que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les mesures prévues ont été mises en œuvre dès 2017 et jusqu'à l'arrêt du projet et les réunions publiques ont eu lieu en septembre 2018 avant le débat sur le PADD du 29 octobre 2018 et en avril 2019 avant l'arrêt du projet. Une exposition publique au siège de la communauté de commune a également été mise en place dès septembre 2018. Il en résulte que ces modalités ont été respectées, nonobstant la circonstance que cette exposition aurait évolué et se serait poursuivie après l'arrêt du projet. A ce titre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la communauté de communes aurait entretenu, en communiquant concomitamment sur la concertation et sur l'enquête publique, une confusion dans l'esprit du public alors que la participation a été significative. Dès lors, le moyen tiré de ce que la concertation n'aurait pas été suffisante ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la procédure d'enquête publique :

13. Aux termes de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement (...) ".

14. S'il appartient à l'autorité administrative de soumettre le projet de plan local d'urbanisme à enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions du code de l'environnement, la méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'environnement : " I.- Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant celle-ci, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête informe le public. L'information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par l'enquête, ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale. Cet avis précise : (...). L'avis indique en outre l'existence d'un rapport sur les incidences environnementales, d'une étude d'impact ou, à défaut, d'un dossier comprenant les informations environnementales se rapportant à l'objet de l'enquête, et l'adresse du site internet ainsi que du ou des lieux où ces documents peuvent être consultés s'ils diffèrent de l'adresse et des lieux où le dossier peut être consulté. (...) ".

16. Il ressort des pièces du dossier que l'évaluation environnementale n'a pas été mentionnée dans l'avis d'enquête publique de la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne informant le public de l'ouverture, à compter du 1er octobre 2019, d'une enquête publique relative au projet arrêté de plan local d'urbanisme intercommunal. Toutefois, cette seule circonstance, en l'absence d'autres éléments et alors que cette évaluation a été versée au dossier de l'enquête, n'est pas de nature à avoir privé le public d'une information sans laquelle il n'aurait pu participer effectivement à l'enquête ou à avoir exercé une influence sur les résultats de l'enquête. Le moyen tiré de ce que les mentions de l'avis d'enquête auraient vicié la procédure doit, dès lors, être écarté.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement dans sa version applicable : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : (...) 5° Le bilan de la procédure de débat public organisée dans les conditions définies aux articles L. 121-8 à L. 121-15, de la concertation préalable définie à l'article L. 121-16 ou de toute autre procédure prévue par les textes en vigueur permettant au public de participer effectivement au processus de décision. Il comprend également l'acte prévu à l'article L. 121-13. Lorsque aucun débat public ou lorsque aucune concertation préalable n'a eu lieu, le dossier le mentionne ; (...) ".

18. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ressort du rapport de la commission d'enquête que le dossier d'enquête était notamment composé du dossier de l'arrêt du projet auquel était annexé le bilan de la concertation. Le moyen tiré de ce que ce dossier était incomplet ne peut, dès lors, qu'être écarté.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'environnement : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers (...) ". Aux termes de l'article L. 123-13 de ce même code : " I. - Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête conduit l'enquête de manière à permettre au public de disposer d'une information complète sur le projet, plan ou programme, et de participer effectivement au processus de décision. Il ou elle permet au public de faire parvenir ses observations et propositions pendant la durée de l'enquête par courrier électronique de façon systématique ainsi que par toute autre modalité précisée dans l'arrêté d'ouverture de l'enquête. Les observations et propositions transmises par voie électronique sont accessibles sur un site internet désigné par voie réglementaire. (...) ".

20. Il ressort du rapport de la commission d'enquête que s'il n'y a eu que 9 permanences de celle-ci, dans les principales communes couvertes par le territoire, elles ont été dédoublées et étendues afin de faire face à l'afflux du public. En outre, les observations du public ont pu être recueillies dans des registres mis en place dans chaque commune, ainsi que par voies postale et électronique. Cette enquête, menée sur l'ensemble du mois d'octobre 2019, a vu le recueil d'un peu plus de 350 contributions, de sorte que la commission d'enquête a pu qualifier la participation " d'active " tant au niveau des habitants, des associations, des porteurs de projets industriels et économiques que des élus. Il ne ressort donc pas des pièces des dossiers que les modalités d'organisation de cette enquête n'auraient pas permis à l'ensemble des personnes et des groupements intéressés de prendre connaissance du projet, d'en mesurer les impacts et d'émettre leurs observations. Contrairement à ce que soutient la société requérante, aucune disposition n'imposait la tenue de permanences dans les mairies de chacune des communes appartenant à la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne ni de mise en place d'un registre dématérialisé. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de l'enquête publique doit être écarté.

21. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 123-18 du code de l'environnement : " A l'expiration du délai d'enquête, le registre d'enquête est mis à disposition du commissaire enquêteur ou du président de la commission d'enquête et clos par lui. En cas de pluralité de lieux d'enquête, les registres sont transmis sans délai au commissaire enquêteur ou au président de la commission d'enquête et clos par lui. / Après clôture du registre d'enquête, le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête rencontre, dans un délai de huit jours, le responsable du projet, plan ou programme et lui communique les observations écrites et orales consignées dans un procès-verbal de synthèse. Le délai de huit jours court à compter de la réception par le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête du registre d'enquête et des documents annexés. Le responsable du projet, plan ou programme dispose d'un délai de quinze jours pour produire ses observations. / Lorsque l'enquête publique est prolongée en application de l'article L. 123-9, l'accomplissement des formalités prévues aux deux alinéas précédents est reporté à la clôture de l'enquête ainsi prolongée. ".

22. D'une part, le délai dont dispose le président de la commission d'enquête pour remettre son procès-verbal de synthèse n'est pas prescrit à peine de nullité. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que, la circonstance que le président de la commission d'enquête n'a, en l'espèce, pas remis, dans le délai de huit jours, le procès-verbal de synthèse des observations recueillies lors de l'enquête publique, aurait privé la communauté de communes Touraine Val de Vienne d'une garantie, dès lors que la commission d'enquête a sollicité et obtenu la prolongation du délai de remise du rapport d'enquête comme le lui permettent les dispositions de l'article L. 123-15 du code de l'environnement en raison des nombreuses observations écrites. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-18 du code de l'environnement doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne le classement des parcelles :

23. En premier lieu, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques " et " fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ". Aux termes de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".

24. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation, sur ces différents points, ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

25. D'une part, il ressort du projet d'aménagement et de développement durable que les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), après avoir relevé que des sites d'exploitation de carrières sont déjà présents sur le territoire intercommunal, ont exprimé leur volonté de " réguler de manière raisonnée les installations et extensions de carrières " " afin d'éviter d'apporter des nuisances olfactives, sonores et visuelles dans l'environnement ". Ils ont également exprimé l'objectif plus large " de protéger les espaces agricoles et viticoles en n'y permettant que l'évolution et le développement des activités agricoles ". Alors que le territoire intercommunal se situe pour partie dans le parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine, le rapport de présentation fait également état de la volonté des auteurs du PLUi de préserver l'attractivité des paysages naturels et agricoles de ce territoire caractérisé par sa ruralité et le cadre de vie des habitants, notamment par l'identification de cônes de vue intéressants en vue de les protéger de toute construction pouvant y porter atteinte. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les parcelles en litige cadastrées section ZK n°s 59, 61, 12, 6, 7 et 8, sur lesquelles la société Val-de-Loire Granulats souhaite exploiter une carrière, sont situées dans un vaste ensemble agricole et sont affectées à un usage agricole, quand bien même leur rendement serait insatisfaisant. Elles sont en outre situées à l'orée du bourg de Verneuil-le-Château, le long de la route, et visibles depuis d'autres hameaux. Elles figurent ainsi au nombre des parcelles qui ont été répertoriées comme présentant un cône de vue sur le bourg, à préserver afin " d'éviter l'implantation d'activités nuisibles pour le cadre de vie de la commune " de Verneuil-le-Château. Dès lors, les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal n'ont pas entaché le classement des parcelles en litige en zone Ap, définie dans le règlement du PLUi comme visant à préserver le sol de toute construction, d'une erreur manifeste d'appréciation. Les circonstances que le site en cause a été identifié dans le schéma régional des carrières, en cours de projet à la date à laquelle la délibération en litige a été adoptée, comme étant situé dans une zone de gisement potentiel d'intérêt régional et que la commission d'enquête a été favorable à l'exploitation d'une carrière sur le site ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère agricole des parcelles et le zonage contesté. Ce moyen ne peut, par suite, qu'être écarté.

26. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés : / 1° Des constructions (...) ".

27. Il ressort du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone A que la sous-zone Ap est inconstructible et n'est pas constitutive d'un secteur de taille et de capacité d'accueil limitées (STECAL). Dès lors, la société requérante ne saurait soutenir que ce classement est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme.

28. En troisième et dernier lieu, la circonstance que le classement en zone Ap des parcelles en cause sur le territoire de la commune de Verneuil-le-Château a pour effet de rendre impossible l'exploitation d'une carrière sur ces parcelles n'est pas de nature à caractériser l'existence d'un détournement de pouvoir, dès lors que ce classement répond, ainsi qu'il a été dit au point 25, à la volonté des auteurs du PLUi de protéger le paysage et le cadre de vie des habitants. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

29. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en première instance par l'association " Ensemble pour bien vivre à Verneuil-le-Château et dans le pays de Richelieu ", que la société Val-de-Loire Granulats n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la société Val-de-Loire Granulats soit mise à la charge de la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne qui n'est pas la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la société Val-de-Loire Granulats une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Val-de-Loire Granulats est rejetée.

Article 2 : La société Val-de-Loire Granulats versera à la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Val-de-Loire Granulats, à la communauté de communes Touraine Val-de-Vienne et à l'association " Ensemble pour bien vivre à Verneuil-le-Château et dans le pays de Richelieu ".

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024.

La rapporteure,

B. AVENTINOLe président,

B. EVEN

La greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE01318


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01318
Date de la décision : 29/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : CABINET CASADEI-JUNG & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-29;22ve01318 ?
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