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29/04/2024 | FRANCE | N°22VE01321

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 29 avril 2024, 22VE01321


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Val-de-Loire Granulats a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 mars 2019 par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter une carrière au lieu-dit " Le Champ Ravagé " sur le territoire de la commune de Verneuil-le-Château, ainsi que la décision par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a implicitement rejeté son recours hiérarchique, d'enjoindre à la préf

ète d'Indre-et-Loire de lui délivrer l'autorisation environnementale sollicitée et de mettre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Val-de-Loire Granulats a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 mars 2019 par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter une carrière au lieu-dit " Le Champ Ravagé " sur le territoire de la commune de Verneuil-le-Château, ainsi que la décision par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a implicitement rejeté son recours hiérarchique, d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer l'autorisation environnementale sollicitée et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902685 du 18 mars 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 30 mai 2022, le 20 octobre 2023 et le 14 mars 2024, la société Val-de-Loire Granulats, représentée par Me Garancher, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer l'autorisation environnementale pour l'exploitation d'une carrière au lieu-dit " Le Champ Ravagé " sur le territoire de la commune de Verneuil-le-Château ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions en litige ont été prises en méconnaissance du principe du contradictoire en l'absence de transmission du rapport de l'inspection des installations classées ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en fondant son jugement sur le courrier du gestionnaire du parc naturel régional du 26 avril 2018, intervenu avant l'adoption du schéma régional des carrières du Centre-Val-de-Loire le 21 juillet 2020, qui ne saurait, dès lors, être évoqué pour apprécier la compatibilité du projet de carrière avec ce document de planification ;

- le projet de carrière est compatible avec le schéma régional de carrière adopté le 21 juillet 2021 et ne présente pas de risque d'atteinte aux nappes phréatiques ;

- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur d'appréciation dès lors, d'une part, que le projet n'est pas de nature à porter atteinte aux paysages avoisinants qui ne présentent pas d'intérêt paysager marqué, ni aux monuments historiques en l'absence de toute co-visibilité avec le bourg et l'église Saint-Hilaire inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques et, d'autre part, compte tenu des mesures de réduction prévues ;

- il est justifié des droits de l'exploitation sur l'unité foncière du projet conformément à l'article R. 181-13 du code de l'environnement dès lors que le contrat de fortage a été reconduit ;

- la délibération du 27 janvier 2020 approuvant le plan local d'urbanisme intercommunal qui classe cette unité foncière en zone agricole protégée est illégale.

Par des mémoires, enregistrés les 18 juillet et 20 octobre 2023, l'association " Ensemble pour bien vivre à Verneuil-le-Château et dans le pays de Richelieu " et l'association " Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature en Touraine (SEPANT) ", représentées par Me Cofflard, avocat, concluent, dans le dernier état de leurs écritures, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête, ou à titre subsidiaire, à son rejet au fond et à ce qu'une somme de 3 600 euros soit mise à la charge de la société Val-de-Loire Granulats en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la société requérante ne justifie pas de la qualité à agir de son représentant ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- à titre subsidiaire, les décisions de refus auraient pu être fondées, d'une part, sur le risque d'atteinte aux nappes phréatiques, d'autre part, sur la méconnaissance de l'article R. 181-15 du code de l'environnement dès lors que la société exploitante ne justifie pas d'un contrat de fortage et, enfin, sur la méconnaissance du classement des parcelles en zone agricole protégée du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, adopté par délibération du conseil communautaire de la Communauté de communes Touraine Val-de-Vienne du 27 janvier 2020.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- les observations de Me Keita, substituant Me Garancher, pour la société Val-de-Loire Granulats et de Me Cofflard pour les associations " Ensemble pour bien vivre à Verneuil-le-Château et dans le pays de Richelieu " et " Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature en Touraine (SEPANT) ".

Considérant ce qui suit :

1. La société Val-de-Loire Granulats a sollicité, le 14 mars 2018, la délivrance d'une autorisation d'exploiter une carrière d'extraction de sables et de grès du Cénomanien d'une capacité maximale de 110 000 t/an, pendant une durée de 30 ans, sur un terrain de 18 hectares dont 15 exploitables situé au lieu-dit " Le Champ Ravagé " sur le territoire de la commune de Verneuil-le-Château. Une enquête publique s'est déroulée du 20 novembre au 21 décembre 2018, à l'issue de laquelle le commissaire enquêteur a émis un avis favorable. La préfète d'Indre-et-Loire a, par arrêté du 18 mars 2019, notifié le 25 mars suivant, refusé de délivrer l'autorisation sollicitée. Par lettre reçue le 14 mai 2019, la société Val-de-Loire Granulats a formé un recours hiérarchique contre cet arrêté, qui a été implicitement rejeté par le ministre de la transition écologique et solidaire le 14 juillet 2019. La société Val-de-Loire Granulats fait appel du jugement n° 1902685 du 18 mars 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions et à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer l'autorisation sollicitée.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de la société requérante :

2. Lorsque la personne morale pour le compte de laquelle l'avocat agit est une société commerciale dont les dispositions législatives qui la régissent désignent elles-mêmes le représentant, cette circonstance dispense le juge, en l'absence de circonstance particulière, de s'assurer de la qualité pour agir du représentant de cette personne morale.

3. En vertu de l'article L. 227-6 du code de commerce, une société par actions simplifiées unipersonnelle est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts, qui est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social, sauf dispositions statutaires attribuant ce pouvoir au directeur général ou au directeur général délégué.

4. En se bornant à soutenir que la requête n'identifie pas les représentants de la société par action simplifiée Val-de-Loire Granulats et qu'aucun document n'est produit pour attester l'identité des représentants légaux de cette société, alors que cette société commerciale est réputée être régulièrement représentée par son président, l'association " Ensemble pour bien vivre à Verneuil-le-Château et dans le pays de Richelieu " et l'association " Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature en Touraine (SEPANT) " ne contestent pas sérieusement la qualité pour agir de l'intéressée. Aucun élément du dossier ne permet par ailleurs de remettre en cause la qualité du représentant de cette personne morale.

Sur la légalité de l'arrêté du 18 mars 2019 ainsi que de la décision de rejet du recours hiérarchique :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 181-9 du code de l'environnement : " L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases : 1° Une phase d'examen ; 2° Une phase d'enquête publique ; 3° Une phase de décision. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-19 du même code : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet soumis à évaluation environnementale en application de l'article L. 122-1, le préfet transmet le dossier à l'autorité environnementale dans les quarante-cinq jours suivant l'accusé de réception de la demande, ainsi que l'avis recueilli en application de l'article R. 181-18 et, le cas échéant, celui prévu par le 4° du R. 181-22, dès réception. Lorsque l'autorité environnementale tient sa compétence du IV de l'article R. 122-6, il n'est pas fait application du III de l'article R. 122-7. Lorsque la demande d'autorisation environnementale se rapporte à un projet ayant fait l'objet d'une étude d'impact préalablement au dépôt d'une demande d'autorisation environnementale et que cette étude d'impact est actualisée dans les conditions prévues au III de l'article L. 122-1-1, l'autorité environnementale est consultée sur l'étude d'impact actualisée. ". L'article R. 181-39 du même code prévoit que " Dans les quinze jours suivant la réception du rapport d'enquête publique, le préfet transmet pour information la note de présentation non technique de la demande d'autorisation environnementale et les conclusions motivées du commissaire enquêteur : 1° A la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur une carrière et ses installations annexes ou une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ; 2° Au conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques dans les autres cas. Le préfet peut également solliciter l'avis de la commission ou du conseil susmentionnés sur les prescriptions dont il envisage d'assortir l'autorisation ou sur le refus qu'il prévoit d'opposer à la demande. Il en informe le pétitionnaire au moins huit jours avant la réunion de la commission ou du conseil, lui en indique la date et le lieu, lui transmet le projet qui fait l'objet de la demande d'avis et l'informe de la faculté qui lui est offerte de se faire entendre ou représenter lors de cette réunion de la commission ou du conseil. ". Enfin, aux termes de l'article R. 181-40 de ce code : " Le projet d'arrêté statuant sur la demande d'autorisation environnementale est communiqué par le préfet au pétitionnaire, qui dispose de quinze jours pour présenter ses observations éventuelles par écrit. ".

6. D'une part, il ne résulte pas des dispositions précitées applicables à la date à laquelle les décisions en litige ont été prises, d'obligation de consultation du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST), ni d'obligation de transmission du rapport de l'inspection des installations classées au pétitionnaire. D'autre part, il résulte de l'instruction que lors de la phase d'examen de la demande d'autorisation, l'autorité environnementale a été saisie et a rendu son avis le 24 octobre 2018. Cet avis a été transmis au demandeur qui a répondu le 13 novembre 2018. Celui-ci a également eu connaissance des différents avis émis par les autres autorités consultées. Le projet d'arrêté préfectoral lui a été notifié le 26 février 2019, dans les quinze jours précédant son édiction le 18 mars 2019, conformément aux dispositions de l'article R. 181-40 du code de l'environnement précitées, sur lequel elle a, par lettre du 13 mars 2019, émis des observations. Enfin, la société requérante ne fait pas état d'éléments qu'elle n'aurait pas pu faire valoir durant l'une des trois phases de cette instruction. Il s'en suit que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 515-3 du code de l'environnement : " I.- Le schéma régional des carrières définit les conditions générales d'implantation des carrières et les orientations relatives à la logistique nécessaire à la gestion durable des granulats, des matériaux et des substances de carrières dans la région. Il prend en compte l'intérêt économique national et régional, les ressources, y compris marines et issues du recyclage, ainsi que les besoins en matériaux dans et hors de la région, la protection des paysages, des sites et des milieux naturels sensibles, la préservation de la ressource en eau, la nécessité d'une gestion équilibrée et partagée de l'espace, l'existence de modes de transport écologiques, tout en favorisant les approvisionnements de proximité, une utilisation rationnelle et économe des ressources et le recyclage. Il identifie les gisements potentiellement exploitables d'intérêt national ou régional et recense les carrières existantes. Il fixe les objectifs à atteindre en matière de limitation et de suivi des impacts et les orientations de remise en état et de réaménagement des sites. (...) Les autorisations et enregistrements d'exploitations de carrières délivrés en application du titre VIII du livre Ier et du présent titre doivent être compatibles avec ce schéma. (...) ".

8. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le bien-fondé d'une autorisation d'exploiter une telle installation au regard des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date de sa décision. Dès lors, la société Val-de-Loire Granulats peut utilement invoquer le schéma régional des carrières du Centre-Val-de-Loire (SRC), approuvé le 21 juillet 2020, à l'encontre de l'arrêté attaqué en tant qu'il est fondé sur le caractère incompatible du projet de carrière avec le schéma régional des carrières.

9. Il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette du projet se situe dans le périmètre du parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine. Aux termes du SRC du 21 juillet 2020, qui définit des orientations et des mesures guidant les professionnels dans leur choix en termes d'implantation, d'exploitation et de remise en état des carrières, le terrain du projet est classé en une zone de gisement d'intérêt régional pour le BTP. Il est également classé en zone 4 correspondant aux zones présentant une sensibilité environnementale particulière dans lesquelles l'exploitation des carrières est envisageable sous certaines conditions d'intégration. Parmi ces conditions, lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un parc naturel régional, il doit respecter les conditions générales d'implantation, d'exploitation et de remise en état prévu par la charte de ce parc naturel régional. L'exploitant doit en outre, prendre en compte les zonages des enjeux de biodiversité pouvant exister au sein du parc. Le SRC précise également que " Les projets de carrières sont envisageables s'ils s'inscrivent dans le cadre du projet de territoire porté par le parc naturel régional. ". Ainsi, les porteurs de projet prennent en compte " (...) les enjeux environnementaux et patrimoniaux identifiés sur le territoire des parcs naturels régionaux, et notamment les zones à très fort enjeu, dans lesquelles l'implantation des carrières doit être évitée (voir tableau des contraintes " de niveaux 2 et 3 "), et les autres secteurs présentant des sensibilités environnementales particulières (paysages, patrimoine, biodiversité). Dans ces zones, l'étude d'impact ou l'étude d'incidence devra justifier précisément l'intérêt du projet au regard des solutions d'implantation alternatives ; (...) ". Enfin, le SRC rappelle la nécessité de la consultation des instances du parc naturel régional. Dans son avis du 26 avril 2018, qui renvoie à son précédent avis du 17 juin 2016 sur l'appréciation de la sensibilité du secteur en terme de paysage, le parc naturel régional a estimé que " si le projet n'est pas localisé dans un paysage emblématique de la charte ", il s'inscrit néanmoins " dans une unité paysagère forte du parc, à proximité immédiate du bourg et de hameaux au patrimoine architectural incontestable et à l'enveloppe urbaine préservée (...) composante forte et identitaire de l'unité paysagère du Richelais ", en relevant en outre que le projet est situé en bordure de la route départementale 58, principal axe d'entrée Sud-Est du territoire du parc naturel régional et dans un val à proximité notamment du hameau " Poitevin ", le plus proche en surplomb du site avec des covisibilités importantes. Dans son avis précité de 2018, le parc naturel régional a apprécié l'impact du nouveau projet prévoyant des merlons de 2 mètres de haut et la plantation de miscanthus. Il a estimé que ces éléments ne répondaient pas à la sensibilité paysagère décrite et que la culture de miscanthus était susceptible d'être contre-productive à cet égard selon sa mise en œuvre. Enfin, la circonstance que le terrain soit également au sein d'une zone de gisement d'intérêt régional pour le BTP et que le projet pourrait remédier au déficit en granulats du territoire et participer à l'atteinte de l'un des objectifs du SRC, à savoir " assurer un approvisionnement durable du territoire en matériaux ", n'est pas suffisante, compte tenu des autres éléments, pour estimer qu'il serait compatible avec le SRC. Le moyen ne peut dès lors qu'être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". L'article L. 511-1 de ce code dispose que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles L. 100-2 et L. 311-1 du code minier. ".

11. Pour refuser l'autorisation d'exploitation sollicitée, la préfète d'Indre-et-Loire a estimé que le projet de la société Val-de-Loire Granulats serait de nature à dénaturer l'église Sainte Hilaire inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, ainsi que le paysage de Verneuil-le-Château situé en zone sensible et protégé dans le cadre de la charte du parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine.

12. Il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette est situé dans le parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine et prend place à ce titre dans l'unité paysagère du Richelais qui est définie, aux termes de la fiche trame verte et bleue " Le Richelais " du parc naturel régional, comme un paysage ondulé et marqué par les grandes cultures et des boisements dispersés. Ce paysage est également décrit dans l'atlas du paysage comme " un paysage de larges collines, agréables et attrayant, animé de lignes courbes douces, dynamisé par des jeux de couleurs et de lumières " et comme présentant une " structure homogène forte, un paysage ouvert, lisible et sensible ". Ce secteur est également qualifié par la direction régionale des affaires culturelles Centre-Val-de-Loire (Unité départementale architecture et patrimoine d'Indre-et-Loire), dans son avis du 26 juillet 2018, comme étant un paysage très préservé et vallonné avec un relief marqué autour du site, à proximité d'un bourg compact de faible hauteur en contact direct avec l'espace agricole environnant. L'étude d'impact jointe au dossier de demande d'autorisation environnementale décrit le site d'implantation de la carrière comme un " amphithéâtre paysager, qui s'offre à l'observateur en arrivant par les hauteurs de la RD 58 à l'Est de Verneuil-le-Château et en provenance de Pouzay, et s'ouvre sur une superficie de plus de 1 000 hectares et le bourg de Verneuil-le-Château comme un " village préservé dans sa configuration rurale, dominé par le clocher de son église inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ". L'avis précité du 26 juillet 2018 insiste sur le caractère marqué du relief autour du site, qui est de nature à rendre le site projeté comme " extrêmement visible " depuis la RD 58, principal axe routier et touristique du Richelais, mais aussi des différents hameaux alentours dont le hameau de Poitevin, distant de 280 mètres du site. Il résulte en outre des différents photographies jointes au dossier, d'une part, que le panorama depuis ces différents points de vue en surplomb du site embrasse à la fois la carrière et la silhouette du village de Verneuil-le-Château et, d'autre part, que le terrain d'assiette est visible depuis la mairie du village. Si l'étude d'impact, ainsi que l'autorité environnementale, qualifient l'impact visuel du projet sur le paysage de faible dès lors que l'exploitation de la carrière s'effectuera par tranches de 3 hectares et que le reste du site, soit 15 hectares, sera planté de miscanthus avec l'aménagement de merlons de 2 mètres en périphérie, le gestionnaire du parc naturel régional comme la direction régionale des affaires culturelles Centre-Val de Loire soulignent le caractère disproportionné du projet de carrière, dont l'exploitation simultanée sur 3 hectares excèdera la superficie du bourg de Verneuil-le-Château, situé à 580 mètres du site. Compte tenu de ce qui a été dit sur le relief et la visibilité du site, il ne résulte pas de l'instruction que les mesures prévues pour réduire les impacts paysagers du projet, à savoir la plantation de miscanthus, espèce non locale dont la hauteur peut atteindre 4 mètres à maturité, ainsi que la réalisation de merlons de 2 mètres de hauteur autour des zones d'extraction, soient suffisantes, alors que comme le fait valoir l' avis du 26 juillet 2018, ces deux dispositifs " fermeront artificiellement un paysage dont la principale caractéristique est l'ouverture ". Enfin, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, l'effet du cycle végétatif annuel du miscanthus qui, planté début avril n'arrive à maturité qu'entre mai et août avant de sécher entièrement et d'être fauché fin mars, ne permettra pas de masquer de façon continue les zones d'extraction. Il en résulte que le moyen tiré de ce que le projet de carrière en cause ne sera pas de nature à porter atteinte aux paysages environnants doit être écarté, sans qu'il résulte de l'instruction que des prescriptions supplémentaires permettraient de prévenir les inconvénients pour la préservation des paysages du projet de carrière.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Val-de-Loire Granulats n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 18 mars 2019 et de la décision de rejet du recours hiérarchique, ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la société Val-de Loire Granulats au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Val-de-Loire Granulats une somme de 1 000 euros à verser à chacune des associations à ce même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Val-de-Loire Granulats est rejetée.

Article 2 : La société Val-de-Loire Granulats versera à l'association " Ensemble pour bien vivre à Verneuil-le-Château et dans le pays de Richelieu " et à l'association " Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature en Touraine (SEPANT) " la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Val-de-Loire Granulats, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à l'association " Ensemble pour bien vivre à Verneuil-le-Château et dans le pays de Richelieu " et à l'association " Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature en Touraine (SEPANT) ".

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024

La rapporteure,

B. AVENTINOLe président,

B. EVEN

La greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE01321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01321
Date de la décision : 29/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Première mise en service.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Pouvoirs du préfet - Instruction des demandes d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : AARPI FRECHE & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-29;22ve01321 ?
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