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23/07/2003 | FRANCE | N°02/989

France | France, Cour d'appel d'agen, 23 juillet 2003, 02/989


DU 23 Juillet 2003 -------------------------

F.C/M.F.B Lionel X... C/ Sylvie Y... épouse Z..., Dominique Z.... RG N : 02/00989 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du vingt trois Juillet deux mille trois, par François CERTNER, Conseiller, assisté de Isabelle LECLERCQ, Greffière. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Lionel X... représenté par Me NARRAN, avoué assisté de Me Patrick LAMARQUE, avocat APPELANT d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d'AGEN, en date du 17 Mai 2002, enregistré sous le

n 00/1918 D'une part, ET : Madame Sylvie Y... épouse Z.... Monsieu...

DU 23 Juillet 2003 -------------------------

F.C/M.F.B Lionel X... C/ Sylvie Y... épouse Z..., Dominique Z.... RG N : 02/00989 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du vingt trois Juillet deux mille trois, par François CERTNER, Conseiller, assisté de Isabelle LECLERCQ, Greffière. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Monsieur Lionel X... représenté par Me NARRAN, avoué assisté de Me Patrick LAMARQUE, avocat APPELANT d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d'AGEN, en date du 17 Mai 2002, enregistré sous le n 00/1918 D'une part, ET : Madame Sylvie Y... épouse Z.... Monsieur Dominique Z.... représentés par la SCP VIMONT J. ET E., avoués assistés de Me DE LA CHAISE, avocat INTIMES D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire. La cause a été communiquée au Ministère Public, débattue et plaidée en Chambre du Conseil, le 05 juin sans opposition des parties, devant François CERTNER, Conseiller rapporteur assisté de Dominique SALEY, Greffière. Le Conseiller rapporteur et rédacteur en a, dans son délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre lui-même, de Bernard BOUTIE, Président de Chambre et Arthur ROS, Conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du Nouveau Code de Procédure Civile, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. EXPOSE DU LITIGE

Dans des conditions de régularité de forme et de délai non discutées, Lionel X... a interjeté appel d'un Jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN le 17/05/02:

[* ayant déclaré irrecevable son action en contestation de paternité légitime,

*] ayant, en faisant droit à la demande reconventionnelle des époux

Z..., annulé la reconnaissance faite par lui le 27/03/00 devant l'Officier d'Etat Civil de la commune de CHERBOURG-OCTEVILLE (MANCHE) antérieurement à leur naissance du ou des enfants dont Sylvie Y... épouse Z.... était enceinte,

[* ayant dit n'y avoir lieu, ni à dommages-intérêts, ni à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

*] l'ayant condamné aux entiers dépens;

Les faits de la cause ont été relatés par le premier Juge en des énonciations auxquelles la Cour se réfère expressément;

Vu les écritures de l'appelant déposées le 22/04/03 par lesquelles, aux termes de l'argumentation essentielle suivante, il conclut à l'infirmation de la décision entreprise et à l'organisation d'une expertise biologique à l'effet de déterminer s'il est le père de Mathieu:

1 ) les premiers Juges ont rejeté à tort sa demande d'expertise, laquelle est de droit en matière de filiation sauf motif légitime de ne pas y procéder, selon le dernier état de la Jurisprudence de la Cour de Cassation qui s'attache de plus en plus à la vérité biologique,

2 ) il n'existe au cas d'espèce aucun motif légitime de refuser la mise en oeuvre de la mesure d'instruction sollicitée,

3 ) même si l'organisation de cette mesure devait ne pas être considérée comme de droit, il convient tout de même d'y recourir en raison du caractère équivoque de la possession d'état de Mathieu, né

28/04/00, résultant des éléments suivants: il a reconnu cet enfant antérieurement à sa naissance; il a intenté la présente procédure alors que celui-ci n'était âgé que de six mois de sorte qu'il n'a pu disposer d'une possession d'état assez longue pour remplir la condition de continuité; une telle reconnaissance n'est pas nulle lorsqu'elle a été souscrite avant que la possession d'état d'enfant légitime ait été constituée à l'égard des époux Z.... ainsi qu'il ressort de l'interprétation donnée par la Cour de Cassation des dispositions de l'art. 334-9 du Code Civil; diverses considérations de fait démontrent la réalité des relations entretenues entre lui et Sylvie Y... épouse Z...,

4 ) le refus d'organiser l'expertise biologique qu'il réclame porte atteinte à l'art. 6 paragraphe 1er de la Convention Européenne des Droits de l'Homme en ce qu'il met à néant le droit à un procès équitable et le droit à l'égalité des armes qui implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves, à défaut de quoi il se trouverait en situation de net désavantage par rapport à ses adversaires;

Vu les écritures déposées par les époux Z.... le 22/05/03 par lesquelles ils concluent, aux motifs des premiers Juges et à ceux ci-après exposés, à la confirmation du Jugement querellé et à l'allocation des sommes de 3.000 Euros de dommages-intérêts en réparation du trouble causé à leur vie de famille et à l'équilibre de la fratrie par les agissements de l'appelant et de 5.000 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile:

1 ) les dispositions applicables au cas précis figurent aux art. 319, 322 et 334-9,

2 ) compte tenu d'un certain nombre d'éléments de fait, Mathieu a eu la possession d'état d'enfant légitime antérieurement à sa naissance puis postérieurement, cette possession n'étant nullement entachée d'équivoque et étant conforme à son titre de naissance,

3 ) confirmée par un acte de notoriété établi le 04/08/00 par le Juge des Tutelles du Tribunal d'Instance d'AGEN en application de l'art. 311-3 du Code Civil, cette possession est acquise et il appartient à l'appelant de faire la démonstration inverse conformément aux règles posées à l'art. 1315 du Code Civil, ce en quoi il échoue,

4 ) l'interprétation faite par Lionel X... de la Jurispudence de la Cour de Cassation est erronée: d'une part, l'expertise n'est de droit que lorsque l'action est recevable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dès lors que l'enfant est déjà pourvu d'une filiation légitime conforme à son état civil; d'autre part, il n'existe ici aucun conflit de filiation réel, lequel ne peut survenir qu'à la suite de la reconnaissance par un tiers d'un enfant dépourvu de possession d'état,

5 ) le refus d'organiser l'expertise biologique ne porte aucune atteinte à l'art. 6 paragraphe 1er de la Convention Européenne des Droits de l'Homme: le principe de l'égalité des armes n'implique pas le droit absolu de recourir à tous les modes de preuve, lesquels sont régis par la Loi; les parties disposaient des mêmes moyens de prouver l'existence ou non de la possession d'état, notion qui doit être examinée préalablement pour vérifier la recevabilité de l'action; compte tenu de l'établissement de la possession d'état d'enfant légitime de Mathieu, l'appelant n'est pas en situation de requérir une expertise biologique;

Le Ministère public a pris ses réquisitions conformément à la Loi tendant à l'instauration d'une expertise médicale; MOTIFS DE LA DECISION

Les premiers Juges ont procédé à une analyse minutieuse et complète des faits à l'origine du litige et des prétentions et moyens des parties;

Cette analyse n'est nullement contestée utilement en cause d'appel par Lionel X...;

S'agissant des moyens qu'il invoquait déjà en première instance et qu'il reprend en cause d'appel, il lui a été répondu en des attendus justes et bien fondés auxquels il n'y a rien à ajouter;

S'agissant des moyens différents, voire nouveaux qu'il soulève actuellement, il y a lieu de procéder à leur examen point par point:

1 ) l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, si une partie la réclame, mais exclusivement dans les matières où la preuve est libre; tel est notamment le cas lorsque l'une des conditions posées à l'art. 334-9 du Code Civil fait défaut mais, à l'inverse, tel n'est pas le cas dès lors que ces conditions sont réunies; au surplus, ce droit à expertise n'est pas absolu et peut être écarté lorsqu'il existe un motif légitime de ne pas y procéder; à titre superfétatoire, on indiquera que le motif légitime au cas d'espèce se déduit d'une possession d'état d'enfant légitime pour avoir été conçu et être né pendant le mariage et d'un acte d'état civil conforme, possession d'état dont l'existence et les conditions sont analysées ci-après,

2 ) Mathieu a été reconnu un mois avant sa naissance par Lionel X... de sorte que la possession d'état d'enfant légitime ne peut se déduire que d'un ensemble de faits ne recouvrant pas totalement l'énumération indicative de l'art. 311-2 du Code Civil, encore que certains ont été

retenus par les premiers Juges; au cas précis, on doit noter que:

* il n'y a jamais eu séparation et absence de cohabitation entre les époux Z... pendant la période légale de conception,

* à la date de la reconnaissance de l'enfant par l'appelant, Mathieu bénéficiait déjà d'une possession d'état d'enfant légitime: Dominique Z... avait parfaitement connaissance la grossesse de sa femme; le docteur A..., gynécologue-obstétricien ayant suivi Sylvie Z..., atteste que Dominique Z... a porté à sa femme "le plus grand intérêt" et qu'il l'a rencontré "lorsqu'il est venu soit seul soit avec leurs quatre enfants assister à toutes les consultations prénatales, sauf une"; c'est encore lui qui a réservé la chambre de son épouse à la clinique; au surplus, il a fait l'acquisition d'une poussette dès le 25/01/00; l'ensemble de son comportement démontre que dès la conception, et avec sa femme, il acceptait pour sien l'enfant à naître; aux yeux des tiers, notamment de ses quatre enfants mais aussi de leur environnement -prévenu par l'intimé de l'arrivée dans la famille d'un nouveau membre- familial au sens large, amical, social, et aussi du gynécologue-obstétricien, l'enfant conçu a immédiatement eu la réputation d'être celui du couple Z...,

* cette possession d'état d'enfant légitime prénatale, qui ne présente ni ambiguité, ni discontinuité, s'est donc constituée notamment par un faisceau suffisant d'acquiessements ponctuels de Dominique Z..., antérieurement à la reconnaissance effectuée par Lionel X..., laquelle n'a pû vicier son caractère paisible; elle rattache indivisiblement l'enfant à ce dernier et à sa mère; elle peut donc parfaitement être opposée à cette reconnaissance anténatale,

3 ) l'appelant soutient que le refus d'organiser l'expertise biologique qu'il réclame porte atteinte à l'art. 6 paragraphe 1er de la Convention Européenne des Droits de l'Homme en ce qu'il met à néant le droit à un procès équitable et le droit à l'égalité des armes; en ce qui concerne le premier grief, il apparaît que l'appelant ne caractérise en rien le caractère inéquitable de la procédure suivie alors qu'il a pu librement et contradictoirement exposer ses moyens, produire ses pièces, recevoir communication de celles de ses adversaires, devant une Juridiction dont il ne dit pas qu'elle est partiale et qu'il a normalement pu interjeter appel du Jugement qu'il conteste; s'agissant du second grief, il convient de rappeler que le principe de l'égalité des armes n'implique pas le droit absolu de recourir à tous les modes de preuve, lesquels sont régis par la Loi et qu'au cas précis, les parties ont très exactement disposé des mêmes moyens pour prouver l'existence ou non de la possession d'état, notion qui devait être examinée préalablement pour vérifier la recevabilité de l'action;

Il convient en conséquence d'adopter les motifs des premiers Juges et, en application des articles 311-1, 311-2, 311-3, 312, 319, 322 et 334-9 du Code Civil, de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions;

Les circonstances particulières de la cause ôtent toute consistance au préjudice allégué par les intimés pour réclamer l'allocation de dommages-intérêts;

En revanche, l'équité commande d'allouer aux intimés le remboursement des sommes exposées par eux pour leur défense;

Il convient de leur accorder la somme de 2.000 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Les dépens d'appel suivent le sort du principal; PAR CES MOTIFS LA

COUR

Statuant publiquement après débats en Chambre du Conseil, contradictoirement et en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions,

Condamne Lionel X... à payer aux époux Z... la somme de 2.000 Euros (deux mille Euros)en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne Lionel X... aux entiers dépens d'appel,

Autorise les Avoués de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par François CERTNER, Conseiller, faisant fonctions de Président de Chambre et Isabelle LECLERCQ, Greffière.

LA GREFFIERE Vu l'article 456 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par F. CERTNER, Conseiller ayant participé au délibéré en l'absence du Président empêché. I. LECLERCQ

F. CERTNER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 02/989
Date de la décision : 23/07/2003

Analyses

FILIATION - Dispositions générales - Modes d'établissement - Expertise biologique - Obligation d'y procéder - Exception - Motif légitime - Caractérisation - Cas - /

L'expertise biologique est de droit en matière de filiation, si une partie la réclame dans les matières où la preuve est libre. Tel est notamment le cas lorsque l'une des conditions posées à l'article 334-9 du Code civil fait défaut. De plus, ce droit à expertise n'est pas absolu et peut être écarté lorsqu'il existe un motif légitime de ne pas y procéder. En l'espèce, le motif légitime se déduit d'une possession d'état d'enfant légitime pour avoir été conçu et être né pendant le mariage et d'un acte d'état civil conforme. Cette possession d'état d'enfant légitime prénatale, qui ne présente ni ambigu'té, ni discontinuité, s'est constituée par un faisceau suffisant d'acquiescements ponctuels du mari de la mère, antérieurement à la reconnaissance effectuée par l'appelant, laquelle n'a pu vicier son caractère paisible. Elle rattache indivisiblement l'enfant à sa mère et à son époux et peut donc parfaitement être opposée à la reconnaissance anténatale. En effet, en application des articles 319 et 322 du Code civil, nul ne peut contester la filiation d'un enfant légitime prouvée par une possession d'état conforme à son titre de naissance. Il convient en conséquence de déclarer irrecevable l'action de l'appelant en contestation de paternité légitime et de rejeter la demande d'expertise biologique comparative


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2003-07-23;02.989 ?
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