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12/03/2008 | FRANCE | N°07/00388

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre civile 1, 12 mars 2008, 07/00388


ARRÊT DU

12 Mars 2008

R.S/S.B

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RG N : 07/00388

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Josiane X...

C/

Christian, Paul, Marcel Y...

MUTUELLE DE TARN ET GARONNE

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ARRÊT no

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Prononcé à l'audience publique le douze Mars deux mille huit, par René SALOMON, Premier Président, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier,

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Madame Josiane X...

née le 07

Novembre 1948 à AUBIE

de nationalité française

Demeurant ...

82400 VALENCE D'AGEN

représenté par la SCP A.L. PATUREAU et P. RIGAULT, avoués

assisté de la SCP M...

ARRÊT DU

12 Mars 2008

R.S/S.B

----------------------

RG N : 07/00388

--------------------

Josiane X...

C/

Christian, Paul, Marcel Y...

MUTUELLE DE TARN ET GARONNE

-------------------

ARRÊT no

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Prononcé à l'audience publique le douze Mars deux mille huit, par René SALOMON, Premier Président, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier,

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Madame Josiane X...

née le 07 Novembre 1948 à AUBIE

de nationalité française

Demeurant ...

82400 VALENCE D'AGEN

représenté par la SCP A.L. PATUREAU et P. RIGAULT, avoués

assisté de la SCP MASSOL - MASCARAS, avocats

APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 16 Janvier 2007

D'une part,

ET :

Monsieur Christian, Paul, Marcel Y...

né le 14 Mai 1944 à AUCH (32)

de nationalité française, profession : médecin

Demeurant ...

47000 AGEN

représenté par la SCP Henri TANDONNET, avoués

assisté de Me Albert TANDONNET, avocat

MUTUELLE DE TARN ET GARONNE, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège

Dont le siège social est 650 Boulevard Alsace Lorraine

82000 MONTAUBAN

ASSIGNÉE, n'ayant pas constitué avoué

INTIMÉS

D'autre part,

a rendu l'arrêt réputé contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 06 Février 2008, devant René SALOMON, Premier Président (lequel a fait un rapport oral préalable), Bernard BOUTIE, Président de Chambre et Dominique NOLET, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

Josiane X... a été admise à l'hôpital d'AGEN au mois de septembre 1995 dans les services du docteur A..., rhumatologue. Elle souffrait de dorsalgies et de névralgies intercostales droites.

Un examen réalisé le 2 octobre suivant a montré une métastase osseuse et une tumeur primitive au sein droit a été découverte.

La métastase a été traitée en octobre 1995 et le cancer du sein droit opéré le 17 novembre 1995.

Josiane X... a également subi un traitement postopératoire par radiothérapie du 29 novembre au 22 décembre 1995.

En juin 1996 elle a présenté une lésion métastatique ostéolytique au niveau de l'humérus droit et en juillet 1996 une radiothérapie sur ce membre a été envisagée, l'irradiation étant réalisée par le docteur Y... du 17 au 24 juillet 1996 par la délivrance en quatre séances de 20 grays .

A la suite de cette radiothérapie, les douleurs ont diminué mais la patiente a ressenti une gêne et une sensation désagréable.

Sur les conseils du docteur A..., elle a à nouveau consulté le docteur Y... lequel a recommandé la délivrance de 20 grays en deux séances, réalisées les 30 octobre et 4 novembre 1996.

Le 28 janvier 1997 Josiane X... a été hospitalisée à la suite d'une atteinte liée à une radiodermite conséquente. Elle souffrait en effet de lésions cutanées et sous cutanées très inflammatoires et hyperalgiques.

Elle a sollicité la désignation d'un expert auprès du juge des référés du Tribunal de grande instance d'AGEN, le docteur B... lequel a considéré que les prescriptions d'irradiation paraissaient justifiées et adaptées à l'état de santé de la patiente et avaient été pratiquées conformément aux règles de l'art de sorte que la responsabilité personnelle pour faute prouvée du médecin n'était pas établie alors que la délivrance de l'information sur les risques par le docteur Y... n'aurait eu aucune incidence quant au consentement de Madame X... pour le traitement ayant entraîné les dommages, la perte de chance n'étant pas caractérisée, le lien de causalité entre ceux-ci et les doléances subies par la patiente n'étant pas établie ;

Josiane X... a assigné Christian C... et la MUTUELLE DE TARN ET GARONNE devant le Tribunal de grande instance d'AGEN pour faire dire et juger que le médecin avait commis une faute ayant engagé sa responsabilité contractuelle et le voir condamner à lui payer diverses sommes au titre de ses préjudices et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par jugement en date du 16 janvier 2007, le Tribunal de grande instance d'AGEN l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes ;

Josiane X... a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas contestées ;

Au soutien de son appel, elle fait valoir que les complications dont elle souffre sont bien dues à une surdose d'irradiation, conséquence directe de la radiothérapie pratiquée par le docteur Y..., puisqu'elles sont apparues immédiatement après alors qu'elle avait indiqué au Docteur Y... qu'elle avait mal supporté l'irradiation du 30 octobre 1996, ce dernier n'en ayant pas tenu compte alors qu'il aurait pu envisager un autre traitement ou des dosses moins excessives et qu'il ne pouvait ignorer les risques qu'il faisait encourir à sa patiente, l'expert lui-même précisant qu'une technique d'irradiation différente était possible plus focalisée sur la lyse tumorale, une protraction plus étalée du traitement étant de nature à limiter les risques de complication.

Au surplus, cette radiothérapie avait selon elle pour seul but d'obtenir un effet antalgique plus focalisé, cette intervention n'étant nullement nécessaire comme le Tribunal a cru devoir à tort le relever ;

En outre le docteur Y... a manqué à son obligation d'information, le Tribunal ayant cru devoir sur ce point estimer que même informée elle n'aurait pas pu refuser l'intervention dont dépendait son pronostic vital pour opter pour un autre traitement, le praticien ne lui ayant pas permis de comparer les avantages et risques encourus du traitement et d'y donner un consentement ou un refus éclairés alors qu'il existait d'autres traitements ;

Elle sollicite diverses sommes au titre de ses préjudices outre la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

* * *

Christian Y... fait valoir en réponse que l'appelante n'apporte aucunement la démonstration d'une faute de nature à engager sa responsabilité alors qu' il n'est tenu que d'une obligation de moyens ;

Il estime que le traitement qu'il a pratiqué au cas d'espèce avait non seulement un objectif antalgique mais aussi thérapeutique et qu'il était parfaitement justifié, adapté à l'état de la patiente et ayant eu un effet positif et c'est en partie grâce à ce traitement que Madame X... est aujourd'hui en vie l'expert estimant comme possible qu'une technique différente d'irradiation plus focalisée sur la lyse tumorale, une protraction plus étalée eussent permis de limiter les risques de complication tout en ajoutant que rien ne dit que ce protocole aurait assuré la disparition des lésions humérales alors qu'il était évident qu'un non contrôle local aurait entraîné à terme le décès de la patiente, l'expert qualifiant de remarquable la prise en charge thérapeutique dont celle-ci avait bénéficié ;

L'expert a conclu à l'absence de faute d'une manière non équivoque ;

S'agissant du prétendu défaut d'information, là encore Madame X... n'en rapporte pas la preuve, ce traitement n'ayant pas seulement comme il vient d'être dit un objectif antalgique mais aussi thérapeutique et il est certain que même si elle avait été informée des risques, la patiente aurait valablement accepté le traitement compte tenu de son état et du pronostic très pessimiste à court terme ;

Subsidiairement il demande l'organisation d'une nouvelle expertise dans la mesure où l'appelante n'est toujours pas consolidée et que le taux d'IPP relevé par l'expert (80%) résulte sans doute d'une erreur et correspond au taux «Cotorep» et non au barème de droit commun et qu'il faut en tout état de cause tenir compte de l'état antérieur de la victime et des indications de l'expert qui précise bien que le lymphoedème est la résultante de plusieurs intervenants successifs, l'appelante n'ayant pas au surplus fait connaître la créance de son organisme social de sorte qu'il est impossible de chiffrer les préjudices ;

Il demande le paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La mutuelle du Mans n'a pas comparu, l'ordonnance de clôture étant datée du 20 novembre 2007.

MOTIFS

En des motifs dont la Cour approuve les termes, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause à partir de l'analyse de l'expertise du docteur B... dont les conclusions ne sont pas contestées par l'appelante, la Cour observant en effet que :

- la radiothérapie était indispensable au traitement de la métastase, les prescriptions d'irradiation apparaissant parfaitement justifiées et adaptées à l'état de santé de Madame X... et pratiquées conformément aux règles de l'art ;

- il ne ressortait pas du rapport d'expertise ni que les complications dont souffre l'appelante soient dues à une surdose d'irradiation ni que les deux séances d'irradiations pratiquées en juillet et octobre/novembre 1996 auxquelles s'est soumise Madame X... étaient exclusivement à visée antalgique, l'expert ayant conclu que la radiothérapie n'a pu bien évidemment qu'aggraver le lymphoedème au niveau de la main et de l'avant-bras, mais qu'il était indispensable au traitement de sa métastase humérale ;

Il ne peut être sérieusement contesté que cette radiothérapie était nécessaire et que face à une situation dramatique pour laquelle les éléments épidémiologiques laissaient présager une issue fatale à court terme, le docteur Y... avait entrepris cette irradiation humérale à visée antalgique et reconsolidatrice ;

Si le docteur Y... n'apporte pas la preuve qu'il a informé sa patiente des éventuelles complications liées au traitement de radiothérapie pratiqué dans ces conditions,

l'expert sur ce point ayant mis en avant la possibilité d'une technique différente d'irradiation plus focalisée sur la lyse tumorale, une protection plus étalée du traitement qui aurait peut-être permis de limiter les risques de complication, il n'empêche que rien ne dit que ce protocole différent aurait assuré la disparition des lésions humérales alors qu'un non contrôle local aurait à terme assuré le décès de la patiente, les premiers juges faisant observer sur ce point qu'à cette époque le diagnostic vital était très pessimiste à court terme et connu de la patiente qui selon eux, n'aurait pas refusé l'intervention dont dépendait son pronostic vital pour opter pour un traitement plus long et moins efficace ;

Il résulte de l'analyse de l'expert sur les complications secondaires à l'irradiation humérale dont souffre l'appelante, que les affections dont elle se plaint sont partiellement en relation avec l'irradiation prescrite par le docteur Y... en aggravation d'un état préexistant parfaitement fragile, la radiothérapie qui avait aggravé le lymphoedème au niveau de la main et de l'avant-bras étant indispensable au traitement de la métastase humérale. La délivrance de l'information sur les risques par le docteur Y... n'aurait eu aucune incidence quant au consentement de Madame X... ;

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que la perte de chance n'était pas caractérisée, Josiane X... n'établissant pas le lien de causalité entre celle-ci et les doléances qu'elle a effectivement subies ;

La responsabilité du docteur Y... n'est nullement établie et il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de ce dernier les frais irrépétibles non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, par arrêt réputé contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Josiane X... aux entiers dépens, dont ceux d'appel seront distraits au profit de la SCP TANDONNET, avoués, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par René SALOMON, Premier Président et par Isabelle LECLERCQ, Greffier présent lors du prononcé.

Le Greffier, Le Premier Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 07/00388
Date de la décision : 12/03/2008
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin - Responsabilité contractuelle - Dommage - Perte d'une chance d'échapper au risque réalisé - Evaluation - Modalités - Détermination - / JDF

Il ne peut être sérieusement contesté que la radiothérapie était nécessaire et que face à une situation dramatique pour laquelle les éléments épidémiologiques laissaient présager une issue fatale à court terme, le médecin avait entrepris cette irradiation humérale à visée antalgique et reconsolidatrice. Si le praticien n'apporte pas la preuve qu'il a informé sa patiente des éventuelles complications liées au traitement de radiothérapie pratiqué dans ces conditions, malgré la mise en avant par l'expert sur ce point de la possibilité d'une technique différente d'irradiation plus focalisée sur la lyse tumorale et d'une protection plus étalée du traitement qui aurait peut-être permis de limiter les risques de complication, rien ne permet d'affirmer que ce protocole différent aurait assuré la disparition des lésions humérales alors qu'un non contrôle local aurait à terme assuré le décès de la patiente. Les premiers juges ont également fait observer qu'à cette époque le diagnostic vital était très pessimiste à court terme et connu de la patiente qui, selon eux, n'aurait pas refusé l'intervention dont dépendait son pronostic vital pour opter pour un traitement plus long et moins efficace. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que la perte de chance n'était pas caractérisée et la responsabilité du praticien pas établie


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Agen, 16 janvier 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2008-03-12;07.00388 ?
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