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23/10/2008 | FRANCE | N°06/19401

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 octobre 2008, 06/19401


4o Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2008

No 2008 / 352

Rôle No 06 / 19401

Alain X...


C /

S. C. I. RIGAUDON
Ginette Y...

Michel, Noël Z...
A...




réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 28 Septembre 2006 enregistré au répertoire général sous le no 05 / 1632.



APPELANT

Monsieur Alain X...


né le 04 Septembre 1959 à AIX EN PROVENCE (13090),

demeurant... 13200 ARLES

rep

résenté par la SCP GIACOMETTI-DESOMBRE, avoués à la Cour,

assisté de Maître Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE



INTIMES

S. C. I. RIGAUDON prise en la personne de ...

4o Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2008

No 2008 / 352

Rôle No 06 / 19401

Alain X...

C /

S. C. I. RIGAUDON
Ginette Y...

Michel, Noël Z...
A...

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 28 Septembre 2006 enregistré au répertoire général sous le no 05 / 1632.

APPELANT

Monsieur Alain X...

né le 04 Septembre 1959 à AIX EN PROVENCE (13090),

demeurant... 13200 ARLES

représenté par la SCP GIACOMETTI-DESOMBRE, avoués à la Cour,

assisté de Maître Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

S. C. I. RIGAUDON prise en la personne de osn représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

demeurant...

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour

assistée de Maître Caroline JULIEN-GUICHARD, avocat au barreau de NIMES

Madame Ginette Y...

née le 25 Mai 1925 à SAINT GILLES DU GARD (30),

demeurant...

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour

assistée de Maître Caroline JULIEN-GUICHARD, avocat au barreau de NIMES

Monsieur Michel, Noël Z...
A... agissant et ès qualité du curateur de Mme Y... divorcée A...

né le 11 Décembre 1954 à SAINT GILLES DU GARD (30),

demeurant...

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour

assistée de Maître Caroline JULIEN-GUICHARD, avocat au barreau de NIMES

*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Michel NAGET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Brigitte BERNARD, Président
Madame Marie-Claude FRAYSSINET,
Monsieur Michel NAGET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Christine RAGGINI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2008.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2008,

Signé par Madame Brigitte BERNARD, Président et Madame Marie-Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Par actes du 7 août 1993, la SCI RIGAUDON et Madame Gillette Y... ont donné à bail à Monsieur Alain X... deux locaux commerciaux à usage de librairie papeterie maison de la Presse, au rez-de-chaussée d'un immeuble sis à.... Ces locaux sont les lots... d'une galerie commerciale comportant deux sorties, l'une sur la rue de la..., et l'autre sur la rue ... à Arles.

Dans le courant de l'année 2001, les bailleurs ont engagé des travaux dont l'objet était de réunir plusieurs locaux commerciaux en vue de les donner à un preneur unique pour y exploiter un commerce de distribution alimentaire. Ces travaux et ces transformations ont toutefois causé une gêne à l'intimé, déjà présent sur le site, et deux ordonnances de référé sont intervenues à ce propos les 31 janvier et 2 juillet 2002. Elles sont relatives à une palissade, qui fermait l'un des accès à la galerie, et que les bailleresse ont été finalement condamnées sous astreinte à supprimer.

Suivant assignation en date du 12 septembre 2002, les bailleresses ont introduit, devant le Tribunal de Grande Instance de Tarascon, une demande qui tendait à faire juger qu'elles s'étaient valablement réservé la faculté de modifier la distribution des parties communes au sein de l'immeuble.

Par jugement en date du 14 novembre 2002, le Tribunal a rejeté cette demande, et ordonné une expertise à l'effet de déterminer le préjudice subi par Monsieur X..., à la suite des modifications apportées dans la galerie marchande. Ce jugement a été confirmé par arrêt de cette Cour en date du 18 décembre 2003.

L'expert désigné, Monsieur Georges F... a déposé un rapport comportant trois parties séparées :

1- Un premier rapport qualifié de " pré-rapport " comportant 54 pages a été établi le 25 juin 2003. L'expert y faisait état d'un préjudice commercial, portant sur la baisse de fréquentation du magasin, sur la mise en oeuvre de " moyens de communication ", couvrant la notion d'un surcoût de dépenses " susceptible de conserver la clientèle ", et sur des pertes d'exploitation pendant fermeture temporaire, le tout représentant un montant total de 27. 080, 00 euros. D'autre part, il y est également question de la " perte de valeur commerciale des locaux ", estimée à 4. 924, 49 euros. Mais, d'après l'analyse qui en était fournie, il s'agissait en fait d'un trouble de jouissance, pour chacun des deux lots, pendant les trois périodes comprises entre le premier mars et le 31 décembre 2002, entre le premier janvier et le 30 juin 2003, puis entre à compter du premier juillet 2003.

2- Entre temps, une ordonnance du juge de la mise en état, rendue le 9 octobre 2003, a étendu la mission de l'expert, à l'effet de déterminer si la valeur du fonds de commerce avait subi une baisse imputable à la modification des lieux. Un " pré-rapport complémentaire " a alors été déposé le 13 avril 2004. Il comporte 11 pages numérotées de 55 à 65, dans lesquelles il est expliqué que la valeur estimée du droit au bail avant la modification des lieux était estimée à 86. 895, 94 euros, tandis qu'après travaux, cette valeur aurait chuté à 43. 835, 13 euros, d'où il conclut que la perte de valeur du droit au bail s'établirait à la différence entre ces deux sommes, soit 43. 835, 13 euros.

3- Enfin, le rapport définitif, déposé le 3 mai 2004, comporte 9 pages numérotées de 66 à 74 qui reprennent les conclusions du précédent rapport, admettant l'existence d'une perte de valeur du droit au bail estimée à 43. 060, 81 euros, à laquelle l'expert ajoute des indemnités accessoires pour lesquels il propose un " chiffrage forfaitaire maximal de 13. 456, 00 euros.

Par un nouveau jugement en date du 28 septembre 2006, le Tribunal de Grande Instance de Tarascon a condamné Madame Y... et la société RIGAUDON à payer à Monsieur X... :

- la somme de 7. 456, 00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'une baisse de chiffre d'affaires subie pendant la réalisation des travaux dans la galerie,

- celle de 15. 000, 00 euros représentant le coût de travaux d'aménagement rendus nécessaires par la modification des lieux,

- celle de 12. 746, 61 euros au titre des pertes d'exploitation,

- celle de 1. 200, 00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

Les parties ont été déboutées de toutes plus amples demandes.

Appel de cette décision a été interjeté, par Monsieur X..., suivant déclaration reçue au Greffe de la Cour, le 17 novembre 2006.

Par conclusions du 5 octobre 2007, il en demande la réformation et sollicite l'homologation du rapport d'expertise, ainsi que la condamnation de ses bailleresses à lui payer :

- la somme de 8. 944, 00 euros au titre de son préjudice commercial, subi pendant la durée des travaux,

- celle de 32. 376, 00 euros au titre des " nouveaux moyens de communication ",

- celle de 171. 028, 00 euros au titre des travaux de réaménagement de son magasin,

- celle de 72. 096, 00 euros au titre de pertes d'exploitation pendant les travaux,

- celle de 10. 850, 89 euros à titre d'agios bancaires,

- celle de 85. 161 euros H T au titre de la " perte du fonds de commerce ",

- celle de 82. 536, 00 euros H T au titre de la différence de valeur du droit au bail,

- celle de 59. 343, 00 euros H T au titre de la perte d'exploitation permanente et définitive,

outre celle de 3. 000, 00 euros réclamée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

De leur côté, Madame Y... et la société RIGAUDON ont relevé appel incident, et concluent au rejet de toutes ces prétentions, estimant n'avoir commis aucune faute. Elle font également plaider qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les préjudices allégués, et les transformations qu'elles ont apporté à la galerie commerciale.

Elles sollicitent la condamnation de Monsieur X... au payement de la somme de 2. 500, 00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M O T I F S :

La Cour constate d'abord que l'irrecevabilité de l'appel n'est pas soulevée, et qu'elle n'a pas lieu d'être relevée d'office.

Puis, sur les mérites du recours, les motifs de sa décision sont les suivants :

Les plans figurant en annexes no 3 et 4 du rapport d'expertise font apparaître que la galerie marchande en litige, dénommée " Les Galeries Marchandes Arlésiennes ", décrivait un angle obtus d'une centaine de degrés, comportant à son sommet un patio central, et dont l'un des côtés avait un accès dans la rue de la..., tandis que l'autre aboutissait rue ....

Les deux lots no 3 et 10, d'une surface totale de 220 m ², sont regroupés le long de l'un des deux anciens passages couverts, et comportent aujourd'hui un accès direct rue de la....

La transformation réalisée par les bailleresse a consisté à supprimer l'une des deux parties de cette galerie, afin de regrouper tous les autres lots en un seul local commercial, dans lequel disparaissent également le patio central, et plus de 50 % des parties communes, l'accès rue ... étant supprimé purement et simplement. Ainsi ne reste-t-il qu'une impasse, séparant d'un côté une supérette de 325 m ², et de l'autre, la librairie exploitée par Monsieur X.... Comme la supérette dispose, elle aussi de son accès direct rue de la..., la galerie commerciale a pratiquement disparu.

Il est définitivement jugé, par le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Tarascon le 14 novembre 2002, confirmé par l'arrêt en date du 18 décembre 2003, que la SCI RIGAUDON et Madame Y... étaient sans droit à imposer unilatéralement à leur locataire une transformation de cette importance, alors que le bail spécifiait l'appartenance des locaux commerciaux à une galerie marchande, dont les occupants étaient regroupés dans une association, soumise à un règlement intérieur et à un " cahier des clauses techniques ". A l'évidence, une solution négociée était au contraire indispensable pour affranchir les parties de l'ensemble des contraintes que tout cet encadrement juridique faisait peser sur elles.

Ceci exposé, à l'appui de leur recours, les intimées expliquent que la galerie marchande telle qu'elle existait avant 2001, connaissait un marasme auquel il convenait de mettre fin, les petits commerces qui s'y trouvaient ayant presque tous fermé les uns après les autres. Toujours selon elles, la solution a donc été trouvée dans la création d'un supermarché alimentaire, à laquelle Monsieur X... lui-même avait intérêt. Elle souligne que, du reste, c'est ce dernier qui les aurait mises en relation avec la société MARCHE PLUS (du groupe CARREFOUR), et que dans un premier temps, il s'était montré favorable à l'implantation de ce magasin.

Elles en concluent qu'elles n'ont commis aucune faute, et qu'il n'existent pas de lien de causalité entre le préjudice allégué par Monsieur X... et les modifications apportées par elles dans la galerie marchande.

Elles contestent également, point par point, la matérialité du préjudice allégué par ce dernier.

Mais de ce qui précède, il résulte que l'existence d'une faute contractuelle, imputable aux bailleresses, ne peut être remise en discussion. En effet, même si le jugement susvisé du 14 novembre 2002 n'a pas affirmé l'existence d'une telle faute, il a néanmoins rejeté la demande des bailleresse qui prétendaient se voir reconnaître la possibilité de modifier la distribution des parties communes au sein de l'immeuble. Or, à partir du moment où les intéressées ont réalisé des travaux de cette nature sans en avoir le droit, il en découle forcément un manquement aux stipulations du bail, sur les conséquences duquel le Tribunal a ordonné une expertise.

En ce qui concerne le préjudice indemnisable et son lien de causalité avec cette faute, le rapport d'expertise fait apparaître une gène réelle, subie pendant le cours des travaux, et qui a été quantifiée. Mais les conclusions de cette expertises sont en revanche contradictoires entre elles, et erronées sur l'existence d'une prétendue dépréciation du droit au bail.

En effet, en page 60 (deuxième cahier), l'expert, après avoir comparé les chiffres d'affaires réalisés avant et après travaux, constate, à juste titre, que le fonds de commerce ne s'est pas dévalorisé, une baisse de 15. 540, 00 euros (549. 001-533. 462 = 15. 539), sur un ordre de grandeur de 550. 000, 00 euros n'étant pas significative. Mais à la page 64 du même rapport, il admet l'existence d'une dévalorisation du droit au bail, alors que ce dernier constitue l'un des éléments du fonds de commerce. Ainsi, pour que la valeur du fonds de commerce reste sensiblement identique, malgré une baisse de l'ordre de 43. 000, 00 euros affectant le droit au bail, il faudrait que ses autres éléments aient subi une plus-value de même importance, difficilement explicable dans le contexte de l'affaire.

D'autre part, l'expert s'est servi de la méthode dite de " différence de valeurs " pour estimer le droit au bail après travaux, et il a ensuite comparé le résultat ainsi obtenu (43. 835, 13 euros) avec le montant des droits d'entrée supportés en 1993 (570. 000, 00 francs soit 86. 895, 94 euros), censé représenter la valeur du droit au bail avant travaux. Or, rien ne prouve que ce dernier montant corresponde effectivement à la valeur du droit au bail en février 2001. De plus, son calcul est forcément erroné, car la comparaison n'est pas possible entre, d'une part, le différentiel de loyers produit par l'application de la règle du plafonnement pendant une période plus ou moins longue, et d'autre part, le droit d'entrée (ou " pas de porte ") que le locataire accepte de supporter à son entrée dans les lieux, ces deux entités faisant appel à des notions juridiques et économiques différentes, mais n'étant ni l'une ni l'autre d'une utilité quelconque pour apprécier si les transformations imposées par le bailleur à l'environnement commercial a eu une incidence favorable ou défavorable sur la valeur du fonds de commerce.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur X... fondées sur une prétendue dévalorisation du fonds de commerce ou du droit au bail, les résultats d'exploitation fournis par ailleurs ne permettant pas d'admettre l'existence d'un tel préjudice.

Ce jugement mérite également la confirmation quant à l'appréciation qu'il a faite des autres éléments de préjudice.

En effet, des éléments chiffrés fournis par l'expert, il convient de retenir :

- que la librairie exploitée par Monsieur X... a subi une gène temporaire, caractérisé par une baisse sensible de ses recettes, précisément à l'époque à laquelle ont été réalisés des travaux importants dans la galerie, sans aucune concertation. Des pertes ont également été subies au cours des travaux exécutés dans le magasin lui-même.

- que ce commerce a du s'adapter à un environnement nouveau, et notamment à la nécessité de s'ouvrir sur la rue de la..., plutôt que sur un passage couvert, désormais utilisé uniquement par les riverains. Le Tribunal a donc admis, à juste titre, l'existence d'un préjudice lié à la nécessité de procéder à un réaménagement du magasin.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, l'appel de Monsieur X... étant par ailleurs injustifié en ce qu'il réclame, en outre toute une série d'indemnités pour un montant total démesuré de 522. 334 euros sans aucun fondement sérieux.

Monsieur X... sera enfin condamné aux dépens d'appel, sans qu'il y ait lieu au payement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimées qui succombent en leur appel incident..

Par ces motifs,

La Cour, statuant en audience publique et contradictoirement,

Déclare Monsieur X... recevable, mais mal fondé en son appel du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Tarascon le 28 septembre 2006.

Confirme, en conséquence le dit jugement en toutes ses dispositions.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Condamne Monsieur X... aux dépens d'appel, et pour leur recouvrement, accorde La SCP ERMENEUX-ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUES, avoués le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière : La Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro d'arrêt : 06/19401
Date de la décision : 23/10/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Tarascon


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-10-23;06.19401 ?
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