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23/10/2008 | FRANCE | N°07/12275

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0014, 23 octobre 2008, 07/12275


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1o Chambre B

ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2008
HF
No2008 / 615

Rôle No 07 / 12275

SARL FACO

C /

Fabrice X...
SCP X... Y... Z...

Grosse délivrée
le :
à :

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 19 Juin 2007 enregistré au répertoire général sous le no 04 / 3391.

APPELANTE

LA SARL FACO
dont le siège est 1 avenue de la Lanterne-06200 NICE

représentée par la SCP BLANC AMSELL

EM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Isabelle DELAGE, avocat au barreau de NICE substitué par Me Barbara MACCHI-TUKOV, avocat au barreau de Nic...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1o Chambre B

ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2008
HF
No2008 / 615

Rôle No 07 / 12275

SARL FACO

C /

Fabrice X...
SCP X... Y... Z...

Grosse délivrée
le :
à :

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 19 Juin 2007 enregistré au répertoire général sous le no 04 / 3391.

APPELANTE

LA SARL FACO
dont le siège est 1 avenue de la Lanterne-06200 NICE

représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Isabelle DELAGE, avocat au barreau de NICE substitué par Me Barbara MACCHI-TUKOV, avocat au barreau de Nice

INTIMÉS

Maître Fabrice X...
demeurant...

LA SCP X... Y... Z...
dont le siège est...

représentés par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Thierry KUHN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2008 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François GROSJEAN, Président, et Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller.

Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président
Madame Martine ZENATI, Conseiller
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2008..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2008.

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte authentique en date du 30 décembre 1994, reçu par Me Fabrice X..., notaire associé au sein de la société civile professionnelle Alain X..., Fabrice X..., Marcel B..., la société Faco acquérait de la société Co Investments un immeuble situé au Cannet.

La société Faco recevait un courrier du trésor public daté du 17 septembre 1996 l'informant de ce que la société Co Investments lui restait redevable des contributions foncières attachées à l'immeuble vendu pour les années 1993 à 1995, et que, disposant d'un droit de suite sur les loyers dudit immeuble en vertu de son privilège spécial sur les contributions foncières, il demandait à la BNP, actuelle occupante de l'immeuble, de verser entre ses mains les loyers auxquels elle était tenue.

Des avis à tiers-détenteurs ayant été notifiés, la société Faco en relevait opposition (s'agissant de ceux relatifs aux impositions antérieures à la vente, soit pour les années 1993 et 1994) devant le tribunal de grande instance de Nice, qui, par jugement du 18 novembre 1997, l'en a déboutée, au motif que le droit de suite inhérent au privilège instauré par l'alinéa 2, 2o de l'article 1920 du Code général des impôts s'exerçait même en cas de vente de l'immeuble sujet à contribution.

Ce jugement était confirmé en appel, et par arrêt du 28 mars 2006, la Cour de cassation rejetait le pourvoi de la société Faco aux motifs, notamment, qu'il résultait des mêmes dispositions du Code général des impôts, qui ne distinguaient pas selon que le bien était resté ou non aux mains du même propriétaire, à la différence du paragraphe 1o, que le privilège spécial de la taxe foncière comportait un droit de suite.

A la suite de quoi, la société Faco assignait Me Fabrice X... et la société civile professionnelle de notaire X...- Y...- A... devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, en paiement de la somme de 118. 947, 43 euros représentant le montant des taxes foncières pour les années 1993 et 1994, sur le fondement du devoir de conseil du notaire.

Par jugement du 19 juin 2007, le tribunal a rejeté une exception de nullité de l'assignation, débouté la société Faco de sa demande, rejeté une demande reconventionnelle, condamné la société Faco aux dépens.

La société Faco eset appelante de cette décision par déclaration du 16 juillet 2007.

En appel la discussion porte sur l'état du droit positif, à la date de la vente de l'espèce, au regard du droit de suite du trésor public en matière de recouvrement des contributions foncières, sur le manquement du notaire à son devoir de conseil, et sur la réalité du préjudice invoqué par la société Faco.

Vu les conclusions notifiées ou signifiées :

- le 22 janvier 2008 par Me X... et la société civile professionnelle X..., Y..., Z... ;

- le 24 avril 2008 par la société Faco ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 25 septembre 2008.

MOTIFS

1) Le manquement de Me X... à son devoir de conseil ne peut s'apprécier en l'espèce qu'au regard de l'état du droit positif, à la date de son acte, soit le 30 décembre 1994, sur la question de l'existence d'un droit de suite de l'administration fiscale en matière de recouvrement de la taxe foncière afférente à un immeuble dont le contribuable ne détient plus la propriété, sur les loyers perçus par le nouveau propriétaire.

La discussion sur cette question trouve son origine dans les termes, sujets à interprétation, des dispositions suivantes de l'article 1920 du Code général des impôts :

" 1. Le privilège du Trésor en matière de contributions directes et taxes assimilées s'exerce avant tout autre sur les meubles et effets mobiliers appartenant aux redevables en quelque lieu qu'ils se trouvent. (...)
2. Le privilège établi au 1 s'exerce en outre :
1o Pour la fraction de l'impôt sur les sociétés due à raison des revenus d'un immeuble, sur les récoltes, fruits, loyers et revenus de cet immeuble ;
2o Pour la taxe foncière sur les récoltes, fruits, loyers et revenus des biens immeubles sujets à la contribution (...) ".

Une jurisprudence judiciaire, ferme et constante, mais ancienne (Ch. req 6 juillet 1852, Ch. req 26 mai 1886, Ch. civ. 1er août 1898), était en faveur du droit de suite.

Il paraît résulter des termes d'un arrêt du Conseil d'Etat no 82229 du 1er février 1974, disant non fondée la prétention de l'administration à se prévaloir du privilège spécial de l'article 1920-2- 2o précité pour justifier son refus de restituer à une requérante les sommes qu'elle avait acquittées au titre de contributions foncières dont elle n'était pas tenue, alors qu'il était constant que la procédure permettant d'exercer ledit privilège spécial n'avait pas été engagée par l'administration à son encontre, la reconnaissance par cette juridiction d'un droit de suite en faveur de l'administration.

Dans une décision du 1er février 1994 (publiée au recueil Lebon), le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne jugeait au contraire que si l'article 1920 du Code général des impôts permettait l'exercice du privilège du Trésor sur les revenus des locations d'un immeuble appartenant à un redevable de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il ne l'autorisait pas à l'encontre d'un acquéreur dudit immeuble à raison de dettes incombant à un précédent propriétaire.

La doctrine administrative avait connu une évolution entre le 23 juin 1966, date d'une réponse ministérielle posant en principe que " les loyers et revenus des immeubles sont affectés par privilège au paiement (...) de la contribution foncière (...) sans distinguer si les biens sont restés ou non aux mains du même propriétaire ", et le 4 février 1980 où une nouvelle réponse ministérielle sur le sujet indiquait au contraire que " Le privilège dont sont assorties les créances fiscales en vertu des articles 1920 à 1929 quinquies du Code général des impôts confère au Trésor public le droit d'être payé par préférence à d'autres créanciers sur le patrimoine du contribuable mais ne comporte pas de droit de suite lorsque des éléments de ce patrimoine sont aliénés (...) ".

Il suit de ces éléments que le droit positif sur cette question n'apparaissait pas clairement et fermement fixé au 30 décembre 1994.

2) Il incombe au notaire d'assurer sa pleine efficacité à l'acte auquel il intervient ès-qualités.

Dans cette mesure, Me X... a manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas l'attention de la société Faco sur la difficulté tenant à l'incertitude du droit positif en matière de recouvrement des taxes foncières dues par le vendeur d'un immeuble, et donc sur le risque encouru par elle de l'exercice par le trésor public d'un droit de suite sur les loyers générés par l'immeuble qu'elle envisageait d'acquérir en recouvrement des taxes foncières impayées au titre des années 1993 et 1994.

3) Le préjudice qui pourrait en résulter pour la société Faco ne peut résider, comme elle le soutient, dans le fait qu'elle a finalement dû payer lesdites taxes foncières (outre divers frais et pénalités associés), mais dans la perte d'une chance soit de n'avoir pas renoncé à l'acquisition de l'immeuble, soit d'avoir obtenu du vendeur une réduction du prix pour tenir compte du risque encouru par elle.

Mais cette perte de chance revêt un caractère incertain tant il est invraisemblable, si même elle avait connu le risque, que la société Faco ait renoncé à son acquisition, ou que, sachant qu'aux termes des dispositions de l'article 1929 quater du Code général des impôts ne donnent pas lieu à publicité les sommes dues à titre privilégié au titre de la taxe foncière, la société venderesse ait consenti à une diminution du prix de vente de l'immeuble.

En conséquence de quoi, la société Faco doit être déboutée de ses demandes, et le jugement confirmé.

4) La société Faco supporte les dépens d'appel et il est équitable d'allouer une somme de 1. 500 euros à chacune des parties intimées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement

Confirme le jugement.

Dit que la société Faco supporte les dépens d'appel.

Dit qu'il sera fait application au profit de la SCP d'avoués Cohen-Cohen-Guedj des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Condamne la société Faco à payer à Me Fabrice X... et à la société civile professionnelle X... Y... Z..., chacun, une somme de 1. 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0014
Numéro d'arrêt : 07/12275
Date de la décision : 23/10/2008

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Obligation d'éclairer les parties - Etendue - Immeuble - Vente - / JDF

Le préjudice subi du fait d'un manquement du notaire à son obligation d'information sur l'incertitude du droit positif en matière de recouvrement des taxes foncières dues par le vendeur d'un immeuble réside dans la perte de chance soit de n'avoir pas renoncé à l'acquisition de l'immeuble, soit d'avoir obtenu du vendeur une réduction du prix pour tenir compte du risque encouru par elle. En l'espèce, cette perte de chance revêt un caractère incertain excluant l'indemnisation tant il est invraisemblable, si même il avait connu le risque, que l'acheteur ait renoncé à son acquisition ou que la société venderesse également informée ait consenti à une diminution du prix de vente de l'immeuble


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nice, 19 juin 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2008-10-23;07.12275 ?
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